Annexée purement et simplement dans l’indifférence d’un monde qui s’apprêtait à s’entre-déchirer, l’Albanie passa la Seconde Guerre mondiale sous la domination italienne. Comment en était-on arrivé là? C’est ce que nous allons voir.
L’Italie de l’entre-deux-guerres, dont le régime avait une composante guerrière et conquérante certaine, avait tenté de s’agrandir en rayant de la carte les derniers États indépendants et de faible puissance à sa portée, comme l’Ethiopie en 35-36. De plus, Rome cherchait à l’époque à améliorer ses positions dans les Balkans et en Méditerranée de manière générale. L’Albanie constituait à cet égard une option intéressante. Le pays était divisé entre chefs tribaux et donc vulnérable à des appétits extérieurs. Selon le principe bien connu du « diviser pour mieux régner », Rome soutint l’un des roitelets locaux, Ahmed Zogolli. Grâce à l’aide de son voisin, il évinça ses rivaux et devint bientôt président puis roi, sous le titre de Zog Ier.
Pourtant, avec l’arrivée du comte Ciano (le gendre de Mussolini) aux affaires étrangères (été 1936), sa position se détériora. L’ambitieux ministre avait pour objectif avoué de s’emparer de son État au profit de l’Italie. L’intérêt national rejoint dans ce cas l’intérêt personnel car le personnage souhaite se faire bien voir à la fois du roi et de son beau-père, dont il briguait la succession. Il rallia ce dernier à sa cause après mars 1939 et l’invasion de ce qu’il restait de la Tchécoslovaquie par les Allemands. La situation était en effet favorable car Mussolini se trouva furieux de ce coup de force dont il n’avait pas été averti et qui ruina la fragile situation créée à Munich en octobre 1938. Or, il avait été un des piliers de cette conférence dont il se considérait même comme l’instigateur. En guise de « compensation », il permit donc à Ciano de mettre le plan à exécution, sans aucun respect des lois internationales. On voit déjà sa volonté de garder l’initiative, et la crainte d’être à la remorque de Berlin.
La semaine de Pâques de l’année 1939 vit donc les troupes italiennes pénétrer dans le pays sans résistance très organisée. Et c’est heureux pour Mussolini, car l’affaire fut improvisée du jour au lendemain et aurait tourner courir à la catastrophe en cas de riposte. Les ports albanais étaient incapables d’assurer un bon déchargement du matériel et les terrains d’aviation d’accueillir suffisamment d’avions, qui devaient venir de la Botte. Ces faiblesses structurelles se révélèrent catastrophiques lors de l’attaque ultérieure contre la Grèce, elle décidée à se battre. En fait, le régime de Zog était corrompu et peu soutenu et, comme je le disais en introduction, plus personne ne se souciait de l’Albanie à ce stade des événements.

Bersagliers à Durazzo (Durrës) en 1939. Crédit photo: image libre de droits (Wikipédia)
Vidéo de propagande de l’Institut Luce, avec l’invasion de l’Albanie en 1939
Bibliographie consultée:
-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.