Les officiers français sortis des Écoles dans le premier XIXE siècle: III) Accession aux Écoles et bourses

Créées par la Révolution et l’Empire, Polytechnique et l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr forment donc des jeunes gens au métier d’officier : Artillerie et Génie pour la première (avec des Écoles d’application en sortie) et Infanterie et Cavalerie pour la seconde (même commentaire, notamment pour la cavalerie , à Saumur).  Dès le début, et ceci fut voulu par Napoléon, l’argent est un critère sélectif, critère accru par la Restauration et conservé par la Monarchie de Juillet. Cela va jusqu’à écarter des gens intelligents mais sans moyens et fait des bourses un véritable enjeu.
La fin du règne de Louis-Philippe et surtout la Deuxième République démocratisent un temps le recrutement, voulant briser le monopole de l’hérédité, des vieilles familles. Effectivement, jusqu’à la Monarchie de Juillet, le roi pouvait nommer directement des élèves officiers. Depuis la loi du 20 septembre 1832, la chose est désormais impossible et il faut réussir le concours d’entrée pour être admis (1). Le prix des études était tel et les dégrèvements officieux si nombreux (le propre père du maréchal Forey, qui a notamment commandé en chef au Mexique sous Napoléon III, ne pouvait payer la pension de son fils) qu’il est abaissé en 1840. Tout ceci est de courte durée car les autorités militaires du Second Empire, très conservatrices pour la plupart, ne voient pas l’évolution d’un bon œil et espèrent toujours attirer les fils de famille et les gens biens-nés au service armé, notamment car ils se font généralement remplacer (voir les vidéos et article sur la guerre de 1870 à ce sujet). Craignant aussi la trop grande importance des officiers issus du rang « les comités d’arme réclament avec insistance l’augmentation du nombre des Saint-Cyriens, seul moyen de relever le niveau d’instruction du corps des officiers » (W. Serman). Pour ceci, il aurait fallu accorder d’importants crédits supplémentaires à l’école, ce qui ne fut pas fait, les députés de 1830 à 1870 étant peu enclins à augmenter les dépenses militaires (le résultat est connu). Ainsi, malgré les demandes de la hiérarchie, les Écoles furent plus souvent en situation d’incomplet qu’autre chose !
Depuis 1840, le prix de la pension s’élève à 1000 francs par an à Saint-Cyr plus 500-600 francs de trousseau, et certains parlent de relever ces coûts pour les raisons de sélection qu’on a évoquées. Ces sommes sont très importantes puisqu’un sous-lieutenant d’infanterie de marine touche 1350 francs par an en 1847 et 1750 en 1868. L’attribution et le nombre des bourses fait l’objet d’un vrai débat pendant la Monarchie de Juillet et le Second Empire : d’abord peu nombreuses, elles s’accroissent jusqu’à 1/6e de l’effectif de Saint-Cyr sous Louis-Philippe mais en contrepartie, les bénéficiaires devront être reçus dans les deux premiers tiers de la promotion, comme à Polytechnique. Après des années de débat houleux, où l’on évoque notamment la gratuité pour tous à Saint-Cyr, les bourses deviennent illimitées « et leur attribution dépendra d’un avis délibéré en conseil par la municipalité de la commune où résident les parents des postulants »  (Serman). Cette décision fait craindre une trop grande démocratisation de l’accès aux Écoles. Le commandement a peur d’un déclassement du statut d’officier dû à l’arrivée d’enfants du peuple, effectivement plus nombreux, mais jamais majoritaires ; car, outre ces droits-là, il faut généralement passer par une école préparatoire pour pouvoir espérer être reçu au concours d’entrée de Saint-Cyr. Henri Ortholan affirme pourtant que 30 à 54% des élèves de Saint-Cyr sont boursiers sous le Second Empire, particulièrement après 1866 (in L’armée du Second Empire).

(1) Il faut un baccalauréat ès sciences pour se présenter, ce qui n’est pas donné à tout le monde à l’époque. Assez peu de gens vont jusqu’à ce niveau d’études.

Le maréchal Forey, un temps commandant en chef au Mexique (remplacé par Bazaine). Photo trouvée sur photo-arago.fr

Bibliographie:

-GIRARDET (Raoul), La Société militaire de 1815 à nos jours, Paris, Plon, 1953. Ancien, mais toujours excellent et recommandé par les enseignants. Il donne une très bonne vision du climat qu’il y avait dans
l’armée durant la période qui nous intéresse aujourd’hui.
-ORTHOLAN (Henri, colonel), L’armée du Second Empire (1852-1870), Saint-Cloud, Soteca-Napoléon III, 2010, 367 p. -) Docteur en histoire et ancien chef du musée de l’armée, son ouvrage est une intéressante synthèse .
Et enfin une thèse monumentale qu’on peut encore trouver dans les bibliothèques spécialisées:
-SERMAN (William), Le corps des officiers français sous la Deuxième République et le Second Empire: aristocratie et démocratie dans l’armée au milieu du XIXe siècle, thèse présentée devant l’université de Paris IV, Sous la dir. de Louis Girard, Lille, Service de reproduction des thèses, 1978, 3 volumes.

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