Les officiers français sortis des Écoles dans le premier XIXE siècle: IV) Ecoles préparatoires et formation

L’étude des dossiers d’officiers permet de savoir si la personne qu’ils concernent a été préparée au concours d’entrée de Saint-Cyr. En effet, il faut un baccalauréat scientifique pour pouvoir y postuler (ce qui est un haut niveau d’étude à l’époque) car les Sciences importent. Pourtant leur étude commence tard à l’école en ce temps-là. Des préparations privées voient donc le jour et connaissent un essor important, allant jusqu’à se concurrencer entre elles. Leur coût va jusqu’à 2000 francs par an. C’est-à-dire prohibitif pour la plupart des « prétendants officiers ». Plusieurs familles bourgeoises consentent tout de même à ce sacrifice, vu comme un investissement. Pour contrebalancer ces écoles privées,  l’Université propose elle aussi ses formations, qui ont l’avantage d’être moins chères. Plusieurs familles en avaient les moyens, fût-ce au prix de sacrifices, comme la noblesse assez désargentée.

Saint-Cyr colporte ainsi  une réputation assez peu flatteuse durant le premier 19e siècle, et encore au-delà. Une fameuse chanson intitulée La galette, sur un air des Puritani de Bellini, en est le meilleur exemple (voir ci-dessous). Ladite galette est une contre-épaulette donnée aux plus mauvais élèves jusqu’en 1845 et dont l’arrêt provoqua la protestation, mise en chanson, des intéressés. C’est-à-dire que loin de prôner les vertus du travail et de la science, la plupart des officiers de la France des années 1820 à 1870 affichent un souverain mépris pour ceux-ci. Plus grave, « très peu s’intéressent aux questions de stratégique et de tactique » (Serman), ce qui peut paraître aberrant pour des militaires, militaires qui négligent aussi l’étude de l’Histoire! En fait, plus que leurs compétences dans ces domaines, on s’attache à ce qu’ils répondent avant tout à un comportement social d’un niveau élevé, et il n’est pas dans la politique de Saint-Cyr de favoriser l’éclosion intellectuelle. Le culte de la mémoire, et non de la réflexion, est roi : un officier est considéré comme sachant son métier s’il est capable de réciter par cœur les règlements, qui deviennent un peu plus obsolètes chaque année (leur armature remonte à 1791!), et de faire marcher un peloton. Ceux qui travaillent pour s’instruire sont, eux, des « crétins potasseurs » que l’on brime; « au contraire, il est de bon ton de figurer parmi les « officiers galettes » [les deux tiers environ de chaque promotion], ou, mieux encore, parmi les « fines galettes », les derniers de la promotion, les « vrais » qui ne doivent connaître que le maniement des armes » (Serman). Ainsi, les jeunes sous-lieutenants sortant de Saint-Cyr sont « à peine plus éclairés que leurs contemporains » pour ce qui est des choses militaires, et bien peu, par manque de goût, de temps et/ou de moyens, tentent de parfaire leur instruction une fois dans le service actif. De plus, la triche est un élément, certes combattu, mais indissociable des concours et entre 10 et 20 personnes les réussiraient ainsi chaque année…

Dans l’ensemble les notes des officiers sont donc moyennes voire mauvaises et le classement de sortie le reflète bien (il permet de choisir son affectation, suivant ses résultats). Toutefois, il ne faut pas résumer un homme à une place dans un classement, car de nombreux officiers mal placés, firent de belles carrières et des bien notés se révélèrent incapable de mener des hommes. On vient de le dire, les notes sont méprisées. Nous sommes loin de la Kriegsakademie  prussienne.

La galette, encore chantée tous les ans au Triomphe (voir photos de l’article précédent):

Bibliographie:

-GIRARDET (Raoul), La Société militaire de 1815 à nos jours, Paris, Plon, 1953. Ancien, mais toujours excellent et recommandé par les enseignants. Il donne une très bonne vision du climat qu’il y avait dans
l’armée durant la période qui nous intéresse aujourd’hui.
-ORTHOLAN (Henri, colonel), L’armée du Second Empire (1852-1870), Saint-Cloud, Soteca-Napoléon III, 2010, 367 p. -) Docteur en histoire et ancien chef du musée de l’armée, son ouvrage est une intéressante synthèse .
Et enfin une thèse monumentale qu’on peut encore trouver dans les bibliothèques spécialisées:
-SERMAN (William), Le corps des officiers français sous la Deuxième République et le Second Empire: aristocratie et démocratie dans l’armée au milieu du XIXe siècle, thèse présentée devant l’université de Paris IV, Sous la dir. de Louis Girard, Lille, Service de reproduction des thèses, 1978, 3 volumes.

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