La première chose que l’on peut dire est que la toute nouvelle République connut plusieurs catastrophes militaires à ses débuts. Cela est essentiellement dû à l’émigration des officiers (plus de 2/3 des officiers de marine s’enfuient pour mémoire) et à la liquidation pour partie de l’armée royale. En effet, les soldats des levées de « volontaires » de 1792 et 1793 (beaucoup moins volontaires que ceux de 1791 en fait) étaient sujets , pour une bonne part, à la panique, tant face aux ennemis extérieurs qu’en Vendée, ce qui explique les succès initiaux de l’Ouest révolté. Leur manque de formation, d’instruction et de moyens n’y était pas étranger. Il est donc arrivé à plusieurs reprises que les soldats s’enfuient sur des méprises, abandonnant leurs armes dans leur course. La toute récente Gendarmerie ne pouvait en rattraper qu’une minorité. Il est évident que ces flambées de terreur atteignaient moins les troupes de ligne, soit les soldats de métier, que les volontaires, bien que les premières purent aussi les connaître. La situation s’améliora graduellement après 1794. Les pertes et désertions laissaient mathématiquement les meilleurs hommes derrières elles: certains combattirent jusqu’en 1815.
Ces échecs étaient aussi dus à la mauvaise qualité des cadres des troupes, en clair les officiers. Après la fuite des partisans du roi, l’éviction de nombreux autres hommes taxés d’antirépublicanisme et les pertes au combat, il fallut bien combler les vides. Or, pendant les premières années de la Révolution, il était bien plus facile de devenir général en affichant son soutien au régime que par ses seuls mérites. D’où la nomination d’incapables, mais fidèles, à de hauts grades. L’exemple le plus connu de noble évincé par la République chassant les aristocrates de l’armée (même s’ils n’affichaient pas d’opinions contraires à elle de manière directe et franche) est sans doute Louis-Nicolas d’Avout, futur maréchal Davout, après transformation de son patronyme… Les passionnés d’histoire napoléonienne savent sa valeur. En fait, le pays s’est un temps privé de très bons hommes de guerre, pour le coup formés sous l’Ancien régime et non improvisés du jour au lendemain. Il faut aussi rappeler la très mauvaise gestion de l’administration, qui faisait que l’armée manquait de tout en tout temps. Des officiers étaient corrompus et se servaient dans les caisses servant à acheter le fourrage ou les vivres.
Pourquoi cette armée a-t-elle donc finalement vaincu, malgré ces tares très importantes? Il y a plusieurs raisons. La première est que la Révolution amena indéniablement un courant nouveau au sein des esprits, un allant, un mordant indescriptible pour qui ne l’a pas vécu. Cette alliance improbable entre liberté et discipline, cette affirmation pour la première fois vraiment puissante du patriotisme (il y a de vrais volontaires qui croient réellement en la Révolution) ont constitué une alchimie propre à générer des victoires contre des armées encore non-nationales. La volonté dépassa alors les problèmes techniques et stratégiques, la France fit d’ailleurs l’erreur de croire la chose vraie jusqu’en 1870 (voir vidéos et articles sur cette guerre) voire après. De plus, et surtout, c’est la supériorité numérique, permise par les levées en masse puis la conscription (loi Jourdan de 1798), qui fit la différence. A Jemappes, les Français sont donc 40.000 face à 13.200 Autrichiens, autant contre 13.000 Anglos-Hollandais à Hondschoote etc. Lorsque le rapport fut plus faible, la France perdit (Neerwinden, Kaiserslautern…).
Endurant et courageux, le soldat Français des années 1792-1795 sut compenser ses faiblesses par un courage réel et en ne ménageant pas son sang, d’où les pertes importantes. Il profita également du manque de coordination entre les coalisés, d’ailleurs en partie occupés par le dernier partage de la Pologne. Après 1795, il s’aguerrit et ses officiers aussi, tandis que les incapables étaient peu à peu remplacés. Le rideau allait se lever sur des hommes nouveaux tels que Bonaparte, pour qui l’année 1796 et la campagne d’Italie furent réellement « l’envol de l’aigle ».
Bibliographie:
– DELMAS (Jean, général, sous la direction de), Histoire militaire de la France, t. 2, De 1715 à 1871, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1997, p.258-260.
I

Jourdan, le vainqueur de Fleurus (1794).
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