Penser la contre-guérilla:
Les écrits sur la contre-insurrection, eux, remontent au XVIe siècle, ils sont donc anciens. Cela veut dire que les penseurs n’ont pas attendu la guerre d’Algérie pour réfléchir sur la manière de vaincre une révolte organisée. Ceux-ci parlent donc déjà de l’importance de la population, qu’il faut détourner des révoltés, en la traitant bien. Ainsi en ces temps, un pouvoir arrivant sur des terres nouvellement conquises réussirait à se gagner des partisans et s’y maintenir. A l’époque où le nationalisme n’existe pas, pour elles, un pouvoir ou un autre importe peu au-dessus de leur tête : du moment qu’elles sont bien traitées. Refuser un régime juste parce qu’il est étranger n’a alors pas de raisons d’être. Du temps de Clausewitz, c’est exactement l’inverse! La Révolution et la propagation du nationalisme avaient fait leur « travail ».

Velasquez, « La reddition de Breda », scène de la guerre de 80 ans . D’abord simples bandes armées, les Néerlandais révoltés forment une vraie armée, une puissante marine et chassent le pouvoir espagnol des futures Provinces-Unies (voir plus bas).
L’auteur Mière de Corvey intervient à son tour en 1823. Il a été en Espagne avec Napoléon et en tire la leçon suivante : si jamais la France devait entrer en guerre avec le monde germanique (belle prescience si l’on pense à 1870)… C’est ainsi qu’elle devrait le combattre en cas d’invasion du territoire: par l’insurrection. Or, il est intéressant de savoir que Clausewitz a repris des formulations entières chez lui ! Le russe Davidov et le pololonais Chraznowski continuent la réflexion en 1841 et 1846, pour voir ce qu’il conviendrait de faire en cas de défaite des réguliers. La grande question qui vient par la suite est la suivante : une telle insurrection peut-elle réussir seule ? Pour les penseurs du temps, non, ce n’est qu’une action retardatrice en attendant qu’une nouvelle armée soit formée. L’irrégulier n’est qu’un moyen, et pas une fin en soi. Alors que des gens comme Mao pensent que la victoire se fait en transformant justement la guérilla révolutionnaire en une vraie armée. Ce que fit Ho-chi-Minh. Le contre-pied est pris avec le passé. Le volet du nationalisme était passé par là une nouvelle fois…
Lutter contre les préjugés:
Il faut aussi savoir que toute insurrection n’est pas forcément d’extrême-gauche, elle peut être nationaliste et xénophobe. Elles ne sont pas non plus toutes postérieures à la Révolution Française: la guerre de 80 ans, qui vit la naissance des Provinces-Unies (aujourd’hui Pays-Bas) contre les Espagnols, au XVIe siècle, l’a bien montré. Elle donna d’ailleurs lieu à l’écriture d’ouvrages de contre-insurrection espagnols, qu’on a cités plus haut. On peut aussi évidemment citer la guerre d’indépendance américaine, entre 1776 et 1783. C’est une forme de lutte contre une autorité, autorité représentée par la couronne d’Angleterre. Beaucoup d’auteurs se contentent en fait de respecter les conventions de leur genre et n’abordent pas les questions politiques car ils ne se sentent pas concernés, en soldats. Clausewitz fut l’un des premiers à le faire.

Willard, « L’esprit de 1776 », image prise sur wikipedia.
Source: conférence donnée sur la question par Beatrice Heuser, plus des infos que je connaissais et que j’ai rajoutées (provenant de cours de licence et de master).
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