La prise de la Smala d’Abd-El-Kader (le 16 mai 1843) II sur III.

Description de la smala:

Au départ l’émir disposait de capitales à la lisière du Tell (la zone littorale) et des hauts-plateaux, mais les Français les prirent les unes après les autres. D’où sa volonté de créer une capitale mobile dès 1841, un ensemble qui se déplacerait constamment. Pour l’historien Jacques Berque la symbolique est forte, qui permettrait de renouer avec la tradition ancestrale des cavaliers-conquérants arabes… En effet l’émir insistait fortement sur la liberté des nomades. De plus il faut savoir qu’il s’y connaissait bien en chevaux et écrivit même sur les purs-sangs arabes après sa reddition.
Ainsi, cette ville de tentes se déplace en convoi et s’installe en cercles (douars) concentriques d’une quinzaine d’unités. Ceux qui ont visité cette fameuse smala attestent de sa bonne organisation, police intérieure. Elle aurait compté 368 douars. Le duc d’Aumale, voir plus bas, parle d’un ensemble de 20.000 personnes et Abd el-Kader de 60,000. En fait le duc n’aurait peut être pris qu’une partie de l’ensemble, ce qui expliquerait la différence. La smala disposait d’artisans, d’une vie religieuse, soit un système rodé. Elle se ravitaillait par troupeaux, par achat de céréales dans le nord. Malgré tout, cet ensemble restait difficile à repérer car fréquentait plus volontiers les hauts-plateaux (largement plus difficiles d’accès et inhospitaliers) qu’autre chose. On se contentait alors de bloquer les accès de ceux-ci vers le Tell. C’est dans l’un de ces postes, Boghar, qu’était établi le duc d’Aumale. A cette époque la smala était plus mythique qu’autre chose… Toutefois, le fameux colonel Yusuf (cf plus bas) convainc Aumale que l’affaire est potentiellement juteuse et permettrait d’affaiblir Abf el-Kader…

Henri d’Orléans, duc d’Aumale.

Aumale et son entourage:

Cinquième fils de Louis-Philippe, envoyé à dessein en Algérie avec le grade de général de brigade, le jeune Aumale, âgé de 21 ans, se verrait bien réussir quelque coup d’éclat. D’autant plus que son entourage le juge plutôt courageux. Il est donc entouré du mystérieux Yusuf, apparu sur la scène algérienne en 1830, comme interprète de Tunis. Il réussit à se faire apprécier grâce aux services (il est nommé commandant des Spahis, ces fiers cavaliers) qu’il rend, bien qu’il soit auréolé de brume. L’homme prétend en effet être un ancien mamelouk ( soi-disant arraché à une famille chrétienne) du bey. Il aurait été forcé de fuir, s’étant amouraché de la fille du dirigeant tunisien. Certains le disent levantin de basse extraction, et d’autres le taxent de judaïsme, ce qui est suffisant pour être méprisé par beaucoup à l’époque (ne jugeons pas avec nos yeux actuels, pareil comportement est courant au XIXe siècle!). Toujours est-il que le personnage est réellement un arriviste. Volontiers flagorneur, il passe également pour intéressé. D’ailleurs, il n’est pas le dernier à piller. Il aurait donné à ses soldats une récompense pour les paires d’oreilles, puis les têtes (pour s’assurer de leur mort) des ennemis. Cette réputation permet aux Français de se décharger sur lui. Mais il est utile et connaît l’art de s’entourer: il accueille dans son régiment des gens qui veulent se faire oublier en France. Parmi eux, un certain Fleury, qui fut ultérieurement le conseiller de Louis-Napoléon pour son coup d’état! Près d’Aumale on trouve aussi Ameur Ben Ferhat, combattant du coté français avec ses cavaliers. Mais également l’étonnant Ismail Urbain, métis de Guyane proche des Saint-Simoniens (le socialisme de l’époque grosso modo, Napoléon III était touché par ces idées lui aussiet converti à l’Islam (lors d’un voyage en Égypte), Prônant une générosité à l’endroit des Arabes, il fut évidemment proche de Napoléon III, précurseur (et quasi-unique prêcheur) en la matière (de Gaulle le rappela en son temps). Urbain est à ce moment interprète auprès du duc, ayant une parfaite connaissance écrite et orale de l’arabe.

On pense donc à s’emparer de la smala avec 13.000 fantassins, 600 cavaliers (Spahis et Chasseurs d’Afrique) plus 30 gendarmes, une section d’artillerie, un goum (sous Ben Ferhat, ces unités étant des troupes locales. Au Maroc on parle de Tabors) et un convoi de 800 chameaux portant 20 jours de vivres. Le 10 mai la colonne s’ébranle, quitte Boghar et cinq jours plus tard apprend la présence de la smala à 60 kilomètres au sud…

Spahis. Crédits photo:  stock encyclopédie

 

Source: cours de master. Pour en savoir plus:
Frémeaux (Jacques), La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, 365p.

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