La gendarmerie ne sert pas, à l’époque, que dans les limites du territoire français d’aujourd’hui. La France des 130 départements est en effet plus grande que de nos jours. De plus, les gendarmes ont des missions moins connues comme leur fonction de prévôté. C’est-à-dire qu’ils assurent un rôle de police militaire, tout en encadrant la conscription dans les territoires relevant alors de l’autorité française. Enfin, ils combattent largement sur le champ de bataille et y paient l’impôt du sang. L’image de « planqués » passant leur temps à traquer les réfractaires à « l’ogre corse » ne résiste donc pas à l’analyse historique, comme tant d’autres clichés partisans.
Police aux armées et encadrement de la conscription
La gendarmerie joue un rôle essentiel dans la machine de guerre napoléonienne, bien qu’il soit souvent passé sous silence. Pas forcément de manière consciente, mais plutôt par ignorance. Ainsi, si ce sont bien les officiers et sous-officiers qui encadrent leurs hommes au feu, les gendarmes contribuent eux aussi à maintenir l’ordre. Ils veillent à la bonne tenue des camps militaires, au respect de la discipline, ils suivent les troupes en mouvement et encadrent les replis.
Ce sont aussi eux qui chassent les milliers de déserteurs qui sèment le trouble sur les arrières de l’ennemi, encadrent la conscription dans les territoires français. Or, la tâche est rude: 1.5 million de conscrits sont mobilisés durant la période. De plus, les armées napoléoniennes se composent de soldats venus de toute l’Europe, alliés de plus ou moins bonne grâce, et parlant des dizaines de langues. Napoléon accroît pour ce faire les moyens de cette arme, dont les effectifs doublent sous l’Empire. Les prévôts assurent la cohésion d’un ensemble impressionnant. Ce modèle efficace est décliné ailleurs qu’en France d’ailleurs: citons les carabiniers italiens, qui existent toujours et dont l’origine est directement liée à cette époque.

Des gendarmes d’élites assurant l’ordre au Louvre (entre 1808 et 1814). Gouache de Lucien Rousselot, bien postérieure mais, peintre de l’armée, il est connu pour la justesse de son travail. Photo de l’auteur (2015) au musée de la gendarmerie. https://www.gendarmerie.interieur.gouv.fr/musee
Au combat
Les gendarmes sont aussi présents au combat, et en nombre. Ils forment des unités nommées légions qui peuvent aller jusqu’à 28.000 hommes en Espagne en 1807, sous le commandement de Moncey. Ils se battent notamment, avec succès contre les Britanniques. On les retrouve aussi en Russie en 1812-1813 et ils y payent un lourd tribut. Ce sont des unités dont le comportement au feu est généralement digne d’éloges. Fidèles parmi les fidèles, formés plus que les autres à obéir, ils parviennent également à limiter le poids des défaites. Ce travail obscur est complètement méconnu. Ce sont pourtant eux qui encadrent le flot de la retraite à la Bérézina, dont on rappellera que c’est une victoire, et aussi à Leipzig en 1813. Bon nombre de fuyards peuvent ainsi être rattrapés et aident à reformer des unités par la suite.
En France, en 1814, ils harcèlent l’envahisseur et encadrent des groupes de douaniers, et anciens soldats dans cette tâche. Leur travail de brigade leur a donné une vraie connaissance du terrain, ici très utile. Ces soldats sont également au plus près de de l’Empereur on l’a dit, avec la Gendarmerie d’élite de la garde impériale qui essuie plusieurs coups durs et est aux côtés des autres gendarmes lors du passage de la Bérézina.
Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):
Il existe plusieurs livres sur la question (Antoine Boulant, Jacques-Olivier Boudon ont écrit sur le sujet, Jean-Noel Luc aussi). Pour ma part, j’ai consulté le synthétique et très sérieux :
-ALARY Éric, Histoire de la gendarmerie, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2011, 320 p.