Largement méconnue par ses voisins français, l’histoire de la Belgique est également saturée de clichés auprès du grand public. Ce pays n’aurait pas d’histoire, serait une construction artificielle, serait voué à disparaître, mais également incompréhensible etc. N’y voyons pas de la malveillance, bien qu’une forme de condescendance puisse exister de la part de certains Français, mais plutôt un mélange de méconnaissance (que des programmes scolaires évoquant très peu ce pays n’aident pas à combler (1) ), et de facilité qu’il y a à se reposer sur des poncifs rassurants.
Tout ceci fait tout de même qu’on en oublie presque que la Belgique est née d’une révolution qui n’est pas pacifique, et que son indépendance et le maintien de ses frontières ont trouvé un écho parmi les puissances. Aucun État n’est sans histoire, et il y a bien des événements de 1830 sur lesquels nous allons revenir. À trop voir ce pays avec nos yeux d’aujourd’hui, marqué qu’il est par de réels conflits communautaires et politiques, on a tendance à oublier le contexte de sa naissance, fort différent. Je vous propose donc de revenir sur l’indépendance de la Belgique en replaçant les faits dans leur époque. Pourquoi et comment cette révolution belge de 1830 a-t-elle eu lieu ?

Le fort de Huy, construit en 1818 par l’État néerlandais, pour défendre cette voie d’accès stratégique entre Namur et Liège. Il est l’un des signes visibles de la présence néerlandaise en Belgique. Photo de l’auteur (février 2015).

Vue depuis le haut du fort. Le « plat pays » ne l’est pas vraiment dans le massif ardennais. Photo de l’auteur (juillet 2015).
De la Révolution à la période néerlandaise
Le territoire belge, dont le nom vient de la Gaule Belgique romaine, correspond en grande partie aux anciens Pays-Bas autrichiens et à la principauté de Liège. Ce territoire a été conquis par la France pendant la Révolution et départementalisé. Partie intégrante de l’Empire napoléonien, ces départements sont perdus en 1815 et donnés au royaume des Pays-Bas. Les puissances ayant vaincu Napoléon veulent mettre fin à l’expansionnisme de la France et lui retirer la possession de l’important port d’Anvers, vu comme une menace directe par les Britanniques étant donné sa position. La monarchie restaurée de Louis XVIII est obligée d’accepter, même si ce recul n’est pas vu comme définitif à l’époque. Des tentatives de récupération ultérieures ont d’ailleurs lieu (2). En fait, la possession momentanée de la Belgique par la France s’inscrit dans une longue volonté de repousser les frontières vers le Nord et l’Est pour protéger Paris d’une invasion, et cette vision ne disparaît pas rapidement.
D’ailleurs, les considérations politiques priment. Les grandes puissances ne croient pas à l’existence de populations « belges », ce qui explique leur choix de transfert de souveraineté en bloc. Pourtant, le roi Guillaume Ier des Pays-Bas devient le souverain d’un territoire où cohabitent depuis des siècles des populations certes différentes, mais rassemblées en grande partie sous la même autorité (Espagne, Autriche, puis France) du fait des événements politiques et guerriers. Cette association séculaire, quoi qu’imparfaite, laisse des traces dans les mentalités et les Pays-Bas de 1815 n’ont pas les mêmes moyens de contrôle qu’un Napoléon.
Au sud, on trouve donc des habitants parlant diverses langues romanes dont le wallon, et dont l’élite urbaine utilise de plus en plus le français. Au nord d’une ligne imparfaite Mouscron-Liège, d’autres s’exprimant dans des langues néerlandaises, avec une présence importance du français dans les élites. Ce qui est aussi le cas dans la région centrale de Bruxelles, en francisation constante depuis le XVIIIe siècle, bien que située hors de la zone historique de diffusion des idiomes romans. Toutefois, ces deux populations partagent un attachement au catholicisme (du moins les croyants) alors que les Pays-Bas sont protestants. De plus, au-delà de cette question religieuse, la politique néerlandaise va rapidement créer des mécontents pour plusieurs raisons.
Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):
La référence synthétique la plus scientifique et récente est l’indispensable Nouvelle histoire de Belgique. On pourra aussi se référer à l’étude du professeur Romain Yakemtchouk, qui analyse les choses sous l’angle franco-belge.
-WITTE (Els), Nouvelle histoire de Belgique. 1828-1847. La construction de la Belgique, Bruxelles, Le cri, 2017, 235 p.
-YAKEMTCHOUK (Romain), La Belgique et la France. Amitiés et rivalités, Paris, L’Harmattan, 2010, 297 p.
Sur la place des langues en Belgique:
-VON BUSEKIST (Astrid), La Belgique. Politique des langues et construction de l’État. De 1780 à nos jours, Paris-Bruxelles, Duculot, 1998, 450 p.
(1): C’est un peu moins vrai avec les actuels programme de 1ère, qui font une large part au XIXe siècle et qui permettent d’en parler.
(2): Voir notamment l’exemple de 1848: https://antredustratege.com/2015/12/02/1848-le-combat-de-risque-tout-i-introduction/