Le pape ne s’engage pas contre l’Autriche
La situation passablement embrouillée décrite précédemment, faite de mouvements insurrectionnels et révolutionnaires se nourrissant l’un l’autre, se complexifie encore un peu plus au printemps 1848 en Italie. Dans le sillage de cinq journées révolutionnaires antiautrichiennes à Milan (18-22 mars 1848), le roi du Piémont-Sardaigne déclare la guerre à l’Autriche. Le plus puissant État d’Italie souhaite profiter de la situation interne passablement dégradée dans l’empire d’Autriche, et du fait que son pouvoir est secoué dans le Nord de l’Italie. L’idée de l’unification autour de lui est en pleine progression.
Or, cette très longue introduction finit par nous ramener à Rome, sujet de ce dossier complexe qu’il faut comprendre à une échelle géographique plus large que les limites géographiques du patrimoine de Saint-Pierre. En effet, les États italiens n’emboîtent pas le pas du Piémont-Sardaigne d’un seul homme. Le pape refuse d’entrer en guerre contre l’Autriche, puissance catholique assez liée au Saint-Siège. Il craint aussi et surtout de renforcer les patriotes italiens, en favorisant un mouvement général vers l’unité italienne qui signifierait potentiellement la fin de ses États. Cette analyse n’est pas mauvaise, mais a pour conséquence à court terme d’effriter sa popularité née des timides réformes évoquées précédemment. De plus, des troubles politiques s’ajoutent à cette situation dégradée qui finit par déboucher sur la proclamation d’une république romaine.

Scène de l’insurrection de Milan en mars 1848. Il est écrit « Vive Pie IX » sur le mur, le pape passant pour réformiste. Les troupes autrichiennes appréhendent des patriotes, les combats font rage et un prêtre peut se voir caché derrière la porte. Lithographie d’Adam, date précise inconnue (milieu du XIXe siècle). Photo de l’auteur au Museo Centrale del Risorgimento (Rome) le 12 avril 2017.
Les événements de la mi-novembre 1848
Le « déclic », qui est plus un déclencheur qu’une cause profonde, survient avec l’assassinat du chef du gouvernement du Saint-Siège, le comte Rossi. Finalement assez modéré, sa position le fait détester des révolutionnaires et des tenants d’un pouvoir ferme du pape à la fois. Sa mort, après une véritable conjuration contre lui, le 15 novembre 1848 libère des forces révolutionnaires. Dès le lendemain, une foule hostile conduite par les patriotes italiens se masse devant le siège du pouvoir (le palais du Quirinal) et réclame des réformes, l’élection d’une assemblée destinée à doter le pays d’une constitution ainsi que la guerre contre l’Autriche.
La menace est très sérieuse, il ne s’agit pas de badauds rassemblés sans réel but. Le rôle joué par une minorité agissante de patriotes acquis aux idées de Mazzini, proches de Garibaldi et orientant les masses est essentiel. En fait, la situation est prérévolutionnaire et dès l’époque est vue comme dangereuse, car l’armée pontificale ne paraît pas disposée à s’engager contre la foule de manière unanime. Finalement, la garde suisse fait feu sur elle. Faisant honneur à sa réputation de fidélité, elle gagne du temps sans que cela ne règle la situation. En effet, le pape paraît d’abord céder aux exigences d’une partie de ses sujets rebelles, mais fuit en fait de Rome le 24 novembre 1848 et se réfugie chez les Bourbons de Naples. Bien qu’il y demande l’aide de puissances catholiques, il laisse aussi la Ville Éternelle derrière lui, ville où les patriotes vont se saisir de son absence.
Bibliographie indicative :
-MILZA (Pierre), Garibaldi, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2014, 731 p.
-PECOUT (Gilles), Naissance de l’Italie contemporaine. 1770-1922, Paris, Armand Colin, 2004, 407 p.
-VILLARI (Lucio), Bella e perduta. L’Italia del Risorgimento, Roma-Bari, Laterza, 2009, 345 p.