L’armée autrichienne de 1815 à 1859 II sur II.
Le calme revenu, François-Joseph, le nouvel empereur, monté sur le trône à la faveur des évènements révolutionnaires, est en droit de s’interroger. Si l’armée est restée fidèle et qu’elle a sauvé l’Empire (Radetsky le dit clairement à ses soldats), elle n’en a pas moins accusé le coup, a dû se battre sur deux fronts et n’a dû son salut qu’avec l’aide des Russes, qui se comportent comme les vrais vainqueurs dans l’affaire. Or, François-Joseph est un homme que l’armée intéresse, il a reçu une éducation en ce sens. De plus, il est dans les jeunes années de son règne, généralement les plus fécondes, là où l’on ose le plus avant que l’âge ne tempère. Nous sommes donc en droit de penser que de 1848 à 1859 il aurait eu le temps de reforger son outil…
Toutefois il faut aussi bien avoir conscience qu’à l’instar du tsar, l’empereur d’Autriche est un homme de principes, de légitimité, un champion de l’ordre et de la lutte contre les idéaux véhiculés depuis la Révolution Française. Souverain d’un ensemble mêlant plus d’une dizaine de peuples hétéroclites, des portes de l’Allemagne à la Roumanie, il ne peut se permettre d’être autrement, juge-t-il.
C’est pourquoi sa première période de règne (1848-1859) est dite « néo-absolutiste », ce qui est assez éloquent. Ainsi, tout ceci se reflète sur l’institution militaire: les officiers sont pétris de ces idées. D’ailleurs, l’armée opère encore des opérations de maintien de l’ordre, comme on les nommerait aujourd’hui: l’état de siège demeure actif jusqu’à la fin 1853 à Vienne ou Prague, et mi-1854 en Transylvanie. La capitale reçoit un dispositif renforcé pour pouvoir mieux lutter contre de futurs troubles et les régiments ne se privent pas de défiler dans la ville. François-Joseph entend se mêler de près aux affaires militaires. Ainsi, il supprime le ministère de la guerre, né de la révolution de 1848, en 1853 et exerce pleinement son autorité à travers sa chancellerie militaire. Ce faisant, il étouffe la création d’institutions modernes comme un grand-quartier général et ouvre la voie au clientélisme: il s’agit de plaire au comte Grünne (qui dirige l’ensemble et n’a jamais commandé sur le terrain).

François-Joseph en 1853 (image trouvée sur wiki).
Homme tourné vers les grands principes du passé, l’empereur entend surtout que ses troupes et officiers lui soient unis par des liens de fidélité quasi féodaux. Si c’est entretenir là un haut niveau de moralité au sein de l’armée, cela ne forme pas aux nouvelles réalités de la guerre, liées dorénavant aux progrès de la Révolution Industrielle. D’ailleurs, si le souverain se pique de commander, il n’est pas un grand stratège et, dessillé, ne s’y risqua plus après l’épisode de la guerre d’Italie. Nombre d’officiers sont placés car ils sont bien vus en cour, mais leur qualités de stratège sont pauvres: le remplaçant du vieux Radetsky, mort en 1858 à 91 ans, en est la meilleure illustration (voir articles sur la guerre de 1859): il s’avéra être un incapable. L’armement aussi est en retard et cela se fit sentir en 1859 où l’artillerie française surclasse celle des Autrichiens. Même commentaire en 1866 quand le fusil Dreyse dépasse de loin l’équivalent des habits blancs. En bref, l’armée autrichienne semble plus être dirigée par des guerriers, des courtisans que des soldats. Cette ambiance n’est pas sans rappeler celle que je décrivais pour la France de la même époque, ici:
A noter que l’industrialisation seulement partielle du pays, son étendue, son caractère hétéroclite et les difficultés budgétaires n’ont pas arrangé l’ensemble.
Source: Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 853 p.
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L’armée autrichienne de 1815 à 1859, I sur II.
Introduction:
Après avoir été fortement malmenée par Napoléon lors de la campagne de 1805 (voir ici, ici et là), l’Autriche avait su remonter la pente. Ainsi, même si la campagne de 1809 finit elle aussi par une victoire française, qui est Wagram, (voir 1; 2; 3, 4 et 5), celle-ci fut acquise avec plus de difficulté. Entre temps, l’armée des Habsbourg avait opérés avec succès des changements en son sein. Un mouvement s’était amorcé, qui se confirma jusqu’à la chute de Napoléon. En 1815, Vienne est donc au faîte de sa puissance et le prince Metternich préside au destinées de l’Europe des trônes, sauvés par leur union contre la France.
Presque un demi-siècle plus tard, la donne avait été considérablement bouleversée. En cette année 1859, l’Autriche perdit une partie non négligeable de ses possessions et de son influence en Italie (détails: 1; 2;3; 4; 5; 6 et 7). Sept ans près ce revers, elle devait abandonner la Vénitie et fut chassée d’Allemagne, étrillée par la Prusse victorieuse à Sadowa (voir video ci-dessous)… Nous allons donc voir ce qui, dans l’intervalle, peut expliquer ces défaites successives.
La guerre de 1866, 1ère vidéo de la playlist:
1815-1848:
La première chose que l’on peut dire est qu’il est courant dans l’histoire, après une grande épreuve victorieuse, de « s’endormir sur ses lauriers »… Jusqu’à ce qu’une défaite nous fasse comprendre notre erreur: les exemples sont nombreux. Or, c’est bien ce qui caractérisa pour partie l’Autriche de la période envisagée. Du début de notre étude à sa mort en 1835, le pays est dirigé par le vieil empereur François Ier, vainqueur de Napoléon. Son fils Ferdinand, trop malade pour pouvoir gouverner efficacement, lui succède jusqu’en 1848. Cette période d’avant l’année révolutionnaire, le fameux « printemps des peuples » qui secoue l’Europe, est dite du Vormärz, littéralement de « l’avant-mars » (1848). Succédant aux troubles révolutionnaires et napoléoniens, elle se caractérisa dans la monarchie des Habsbourg par une immobilité quasi complète. C’était comme si le pouvoir refusait toute évolution, craignant que la moindre avancée puisse dégénérer et faire écrouler l’ensemble. Inutile de dire que dans un tel décor, l’armée pâtit de cette stagnation. Elle vécut donc sur ses acquis de la période précédente, et ceux-ci ne disparurent certes pas de suite. Ainsi elle intervint avec succès dans plusieurs opérations à l’extérieur des frontières de la monarchie danubienne, ou en Italie où elle maintient l’ordre face à l’agitation révolutionnaire (souvent aidée par d’anciens officiers français). Elle est encore commandée par quelques chefs de qualité comme le fameux maréchal Radetsky qui avait été chef d’état-major du non moins célèbre Schwarzenberg, officier bien connu des guerres napoléoniennes.
Sur ces entrefaites arrive la Révolution de 1848: l’Italie bouge à nouveau, Louis-Philippe est chassé de son trône, l’Allemagne tente de s’unifier, la Hongrie, lassée des empiétements de Vienne se soulève… Les décennies écoulées depuis 1815 sont durement ressenties face à de telles menaces: si Radetsky parvient à écraser les Piémontais avec succès, la situation devient critique sur les terres magyares (l’autre nom des Hongrois) et la cour doit même quitter Vienne elle aussi en proie aux troubles. Finalement, l’affaire n’est réglée qu’avec l’aide de l’armée russe en 1849. Le tsar Nicolas Ier, qui se veut le champion de la contre-révolution, intervient en effet en masse et tire les Habsbourg d’une situation complexe…
La marche de Radetsky, écrite par Johann Strauss père pour célébrer la victoire décrite plus haut. Elle est jouée tous les ans au concert du Nouvel-An de Vienne. Voilà l’interprétation de 2012, par un chef que j’aime beaucoup, Mariss Jansons.
Source: Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 853 p.
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