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Les Français en Haute-Silésie (1920-1921): III) Actions de guerre, conclusion.

La troisième insurrection polonaise: 

Celle révolte n’est pas spontanée du tout: elle a été préparée de l’autre côté de la frontière et soutenue par le gouvernement polonais. Les insurgés avancent en vagues, isolent les postes et remontent vers le nord. En deux jours ils occupent les deux tiers de la province. Les Allemands répliquent rapidement, avec des troupes d’autodéfense dirigées par d’anciens officiers de l’armée impériale originaires de Silésie. Ils affirment agir d’eux-mêmes, sans soutien de la part du gouvernement ou de l’armée. C’est bien sûr faux.
Si rien n’est officiel, il est indéniable que les corps-francs (ces groupes armés paramilitaires ou d’anciens militaires qui pullulent en Allemagne, ils viennent d’écraser les Spartakistes) convergent vers la province, de manière camouflée. Les observateurs ne sont pas dupes.
Les Allemands ont même de l’artillerie et des avions ! Face à ces 40.000 hommes organisés comme une vraie armée, et autant de Polonais, les 15.000 soldats alliés sont bien démunis. Lerond repart sur place le plus vite possible. Sur le terrain il tente de s’opposer à la progression polonaise, si besoin est par les armes. En fait les réactions sont diverses et nombreux sont les officiers qui les laissent passer sans ouvrir le feu, sympathisant avec leur cause. Par contre, ils n’ont aucun état d’âme à tirer sur les Allemands. Lerond fait décrocher et se regrouper les troupes jusque-là éparpillées. Dans un premier temps, il est préconisé de ne pas descendre, pour les garnisons, au-dessous de la compagnie (une centaine d’hommes), puis du bataillon (une dizaine de compagnies). Enfin, on se limite à deux points d’occupation. Les combats sont très durs entre Polonais et Allemands, et trois grandes batailles sont livrées. L’une d’elles fait tout de même 5000 morts. Nous sommes loin de petits accrochages entre deux bandes armées. Les Polonais sont finalement vaincus lors d’un engagement d’importance et les Allemands occupent les hauteurs dominant la capitale locale. Londres et Paris tempêtent auprès de Berlin pour qu’elle calme le jeu. Lerond finit par imposer l’idée d’une zone neutre entre les deux forces. Fin juin, c’est fait. Elle est d’abord de 5 kilomètres puis, chaque jour, les adversaires doivent reculer, peu à peu, à tour de rôle.

Corps-Francs à Erfurt en 1918. Osprey a consacré un opuscule sur eux, à lire: The German Freikorps, 1919-1923.

Reflux des combats, intervention de la SDN:  

Fin juillet,  les irréguliers ont quitté la province. Cela n’empêche pas qu’il y ait toujours de grandes quantités d’armes cachées çà et là, le désarmement n’est qu’apparent. Les Italiens proposent que ce dossier délicat soit transféré à la toute récente SDN (la Société des Nations, créée après la Première Guerre mondiale est en quelque sorte l’ancêtre de l’ONU. Elle s’avéra incapable de régler les crises durant les années 30)… L’idée est jugée bonne et l’institution reçoit pour charge de donner son avis, à elle de désigner 4 experts neutres… Le français Aristide Briand vend pourtant la mèche à la presse et avoue que les gouvernements se conformeront à cet avis ! Signe de la gravité du problème et de la complexité de l’affaire… Lesdits experts sont : Chinois, Brésilien, Espagnol et Belge. Les opinions publiques hurlent : il faudrait s’en remettre à la décision de ces gens-là ? C’est néanmoins ce qui va être fait. Le dossier est réglé en un temps record : 2 mois (il fallut par exemple deux ans pour régler le problème de la ville de Memel, ultérieurement) et Berlin autant que Varsovie doivent s’y conformer. La proposition retenue est bel et bien un découpage, qui satisfait tout en insatisfaisant les deux parties. C’est-à-dire que, malgré les précautions, il reste des minorités de part et d’autre de la frontière. On constate tout de même un mouvement spontané de 200 à 300.000 personnes qui préfèrent ne pas rester d’un côté ou de l’autre de la nouvelle province. La Pologne récupère deux tiers du bassin minier et l’Allemagne garde ce qu’il reste, ce qui indispose les deux pays qui auraient voulu, soit tout avoir soit tout conserver. Ils s’engagent aussi au niveau international à respecter les communautés, notamment leurs langues. L’Allemagne joua le jeu de la SDN jusqu’au bout, c’est-à-dire que,  jusqu’en 1934-35, elle présenta des dizaines et des dizaines de réclamations à l’institution, pour se plaindre du non-respect du droit de la communauté allemande en territoire polonais. Par exemple, relayant le mécontentement de telle famille, dont l’enfant a été brimé parce qu’il parlait allemand etc. Finalement Berlin imposa son droit de regard, et Hitler, envahissant la Pologne, récupéra l’intégrité de la province, totalement perdue en 1945.

Aristide Briand, président du conseil. Crédit photo: wikipedia.

Conclusion:

On a donc vu des soldats intervenir dans une situation difficile, dans des missions avec lesquelles ils n’étaient pas familiers :aide aux populations, préparation de listes électorales etc. La guerre de 14 ne constitue pas une expérience utile en ce cas-là, les lettres des officiers (notamment publiées dans La France militaire) montrent bien ce désarroi. Le parallèle avec 1991 et la Yougoslavie peut évidemment être fait. D’ailleurs la comparaison des notes de service est à ce titre éloquente, elles sont identiques!.  Les unités eurent une double casquette, un changement de posture rapide. Là encore on voit que la réussite de la mobilisation des irréguliers est lié à leur préparation solide : la Pologne leur avait fourni 3 trains blindés garnis de troupes, officiers et matériel. Même commentaire côté allemand. C’est un cas d’école: une force non-régulière ne gagne jamais au final, sauf si elle est suffisamment soutenue ou qu’elle se transforme en vraie armée (comme le Vietminh).

Source: conférence donnée par le Lieutenant-Colonel Rémy Porte, qui a fait son habilitation à diriger les recherches  sur la question. Il est un des rares à avoir parlé de cette opération, profitez-en, donc!

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