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Les Romains et l’Ecosse, III) Les derniers siècles de l’Empire

L’expédition de Septime Sévère

Après Antonin, les difficultés s’accumulent pour l’empire romain. Les menaces se font plus pressantes sur ses frontières, et, pire, parfois contemporaines les unes des autres. Par exemple, Rome est parfois obligée de se défendre en même temps sur le Danube et en Orient, ce qui limite ses possibilités. A tel point que les historiens parlent de « terrible IIIe siècle » et/ou de « crise du IIIe siècle ». Par contre l’idée de « décadence de Rome » n’a pas vraiment d’assise scientifique.

En Bretagne, le mur d’Antonin joue son rôle à cette époque. Toutefois, Septime Sévère, empereur à poigne, décide lui aussi de mener une expédition au-delà de ses limites, pour punir les Calédoniens. En 209, il pousse donc assez loin au nord, peut-être plus qu’Agricola (voir article précédent). Avec ses fils il mène une campagne énergique, mais dont on a peu de témoignages. Ce qui est certain est que les Calédoniens sont un peu mieux connus des Romains, mais pas plus qu’avant, ils ne s’établissent définitivement en Ecosse. Deux ans plus tard, l’empereur est de retour en Bretagne et meurt à Eboracum, l’actuelle York.  Caracalla, qui lui succède, abandonne toute prétention sur l’Ecosse.

Aureus (pièce d’or) représentant Septime Sévère. Ses fils Caracalla et Géta sont présents, ils devaient régner conjointement mais le premier se débarrassa du second.

La Bretagne prise d’assaut

Après cette époque encore offensive, les Romains ne mènent plus guère d’action de cette envergure vers l’Ecosse et subissent de plus en plus d’attaques de la part des Calédoniens, peu à peu appelés Picti (« peints »), car ils s’enduisent le corps de guède. En 360 puis 364, ils poussent assez loin au sud et razzient la Bretagne. Rome a du mal à juguler ces attaques car, au même moment, les peuples venus d’Allemagne et du Danemark en attaquent les côtes, sans oublier les Irlandais qui font de même. Longtemps paisible, la Bretagne connaît à son tour les affres de la guerre.

Un retour offensif a lieu en 370: le général Théodose, père de l’empereur du même nom, parvient à repousser les Pictes au nord du mur d’Antonin, ainsi qu’il refoule les Irlandais et autres Danois hors de l’île. Ainsi, la présence romaine se perpétue jusqu’en 410, date à laquelle la Bretagne est définitivement abandonnée. L’empire d’occident craque de tous côtés et ne peut plus s’y maintenir. On le sait, le dernier empereur, qui n’avait plus de réels pouvoir, est déposé en 476.

Nous verrons la prochaine fois les conséquences de cette présence romaine en Ecosse.

Un cavalier romain combat les Pictes, oeuvre du IIe siècle visible au musée national d’Ecosse: http://www.nms.ac.uk/

Bibliographie consultée (qui n’a donc pas pour but d’être exhaustive):

-DUCHEIN (Michel), Histoire de l’Ecosse. Des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2013, 797 p.

-Cours de licence.

Sur le IIIe siècle en général, on peut lire le synthétique, quoique dense:

-CHRISTOL (Michel), L’Empire romain du IIIe siècle : Histoire politique, Paris, Errance, 2006 (2e ed), 288 p.

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L’armée romaine du IIIe siècle: I) La nouvelle donne stratégique.

Période très dure pour l’Empire romain, le IIIe siècle de notre ère le voit être assailli par des ennemis externes de plus en plus organisés et puissants, alors même que les problèmes internes de Rome s’accentuent. Toutefois cette période n’est pas synonyme d’effondrement et l’Empire connut encore de très belles éclaircies et sut relever la tête. Voyons donc quelle était l’armée de ce IIIe siècle, dont les problèmes sont essentiellement d’ordre militaire.
Les migrations barbares:

Le « terrible IIIe siècle », comme on le surnomme souvent, l’a surtout été en raison de la forte pression des différents peuples barbares sur les frontières de l’Empire. En effet, pour des raisons encore mal connues (surpopulation? raréfaction de la nourriture? volonté de conquête de nouvelles terres? un peu tout à la fois?), les peuples d’Asie (tels les Huns) se mirent en marche vers l’ouest. Ce faisant il poussèrent en avant les autres peuplades, d’Europe de l’est et d’Europe centrale. Par cette simple pression, ces peuples parvinrent de manière bien plus importante qu’avant au contact de Rome. Or ces derniers sont d’autant moins maîtrisables qu’ils sont très nombreux, voire très morcelés, et surtout mal distingués par les Romains qui n’ont pas anticipé ni compris ces migrations. Ils désignent encore leurs voisins remuants sous les titres génériques et dépassés de GermainsScythes,. Or nous parlons des ramifications des Francs, des Alamans, Goths (qui migrent depuis la Baltique vers la mer Noire), Juthunges, Bructères, Hermundures, Quades, Marcomans, Sarmates (Iazyges et Roxolans) etc. La liste est très longue et ce ne sont là que quelques exemples! De plus, en Orient, la menace se rallume en 226 alors que la faible dynastie Parthe de l’actuel Iran (les Arsacides) sont remplacés par les belliqueux Sassanides (des Perses). Et ceci n’est qu’une très courte description de mouvements forts complexes. On les résumera en une ligne: dorénavant Rhin, Danube et Orient étaient menacés en même temps. Dès l’Antiquité, il n’est jamais bon de se battre sur deux fronts à la fois, qui plus est lorsqu’ils sont très éloignés les uns des autres.

Buste de Caracalla, musée du Louvre. Crédits photo: wikipédia.

Des guerres davantage défensives et simultanées:

Face à tout ce qui vient de vous être décrit, Rome dut s’adapter et les guerres qu’elle mena prirent un tour autrement plus défensif et simultané que durant les années de la  pax romana . Bien sûr cela ne veut toutefois pas dire que l’Empire a perdu pour toujours l’initiative: les guerres de l’empereur Septime Sévère en Orient (contre les Parthes) et en Bretagne (= Grande-Bretagne, qu’il avait voulu enfin conquérir au delà du mur d’Hadrien), l’expédition orientale de son fils Caracalla sont là pour le prouver. En effet c’est bien Rome qui est à l’origine de ces conflits et elle sait encore conquérir, passer à l’attaque. Mais, en règle générale, le IIIe siècle voit Rome affronter des raids barbares de plus en plus puissants, et ce d’autant plus que ces peuples se liguent en vastes coalitions. Ainsi la ligue des Alamans est attestée en pour la première fois en 212 et elle doit à Caracalla son titre d’Alamanicus (« le vainqueur des Alamans ») . Il en existe bien d’autres, car ces peuples, poussés en avant par l’avancée de voisins plus orientaux, se pressent contre la zone-frontière de Rome, le limes. Leurs attaques s’intensifiant, l’Empire dut même harmoniser sa frontière, et abandonnant par exemple les champs Décumates, cette région-tampon située entre Rhin et Danube. Pire encore Aurélien fait évacuer la Dacie, seule province romaine au nord du Danube (peu ou prou l’actuelle Roumanie, conquise par Trajan) et qui de, tête de pont vers de futures conquêtes, était devenue un saillant intenable… Car présentant trois cotés à l’ennemi.

Se battre sur deux fronts:

Pour noircir le tableau, à cette situation grave sur le Rhin et le Danube s’ajouta une montée des tensions en Orient dès la fin du règne de Caracalla, en 217. En effet la chute de l’homme qui avait tenté de provoquer une guerre contre les Parthes (sans succès), en position de force… vit ceux-ci finalement attaquer en profitant des troubles dus à sa disparition (il est assassiné). Son successeur Macrin eut toutes les peines du monde à rétablir la situation. De plus le remplacement des Parthes par les Sassanides en 226 n’aida pas Rome. Ceux-ci étaient en effet beaucoup plus agressifs que leurs prédécesseurs bien affaiblis et lancèrent une triple offensive dès 230. C‘est là que dispositif romain révéla son incapacité à défendre deux fronts à la fois. En effet la répartition des soldats contre des frontières très étendues faisait qu’il était impossible de les regrouper en un seul point vu qu’Orient, Danube et Rhin étaient menacés à la fois. Il était bien loin le temps où Trajan pouvait se permettre de dégarnir durablement les frontières de leurs troupes pour se lancer à l’assaut de la Dacie ou de la Mésopotamie! De plus les soldats, mettons du Rhin, de plus en plus attachés à une terre qu’ils défendaient, car provenant d’elle, répugnaient à faire des milliers de kilomètres pour aller se battre en Orient. A ce propos Hérodien (historien contemporain) cite les protestations des soldats illyriens (la côte dalmate) engagés avec l’empereur Sévère Alexandre en Orient: ils avaient appris les incursions des Alamans par delà Rhin et Danube, leur terre d’origine. D’autant plus qu’une guerre défensive n’amène pas de butin (elle motive donc peu les hommes) et que ces déplacements de 4 à 5 mois ravageaient les unités avant même d’arriver sur le champ de bataille.

Monnaie d’or (aureus) de Septime Sévère, empereur originaire d’Afrique du Nord et l’un des derniers à avoir agrandi l’Empire.

Bibliographie :
COSME (Pierre), L’Etat romain entre éclatement et continuité, Paris, Seli Arslan, 1998, 287 p.
COSME (Pierre), L’armée romaine VIIIe s. av. J.-C. – Ve s. ap. J.-C., Paris, Armand Colin, 2007, 312 p.
CHRISTOL (Michel), L’Empire romain du IIIe siècle. Histoire politique 192-325 après J.-C., Paris, Errance, 1997, 288 p.

Je ne l’avais pas lu à l’époque de cette rédaction, mais on peut l’acquérir les yeux fermés:

LE BOHEC (Yann), L’armée romaine dans la tourmente. Une nouvelle approche de la crise du IIIe siècle, Monaco-Paris, Editions du rocher, coll. « Art de la guerre, 2009, 320 p.

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