L’armée d’armistice du gouvernement de Vichy : III) La Marine.
On l’a vu (cf premier article,) la seule arme en bon état, et qui resta quasi-totalement fidèle à Vichy, fut la Marine. Or celle-ci est l’une des plus puissantes du monde de l’époque et l’armistice franco-allemand de juin 1940 prévoyait son désarmement. L’enjeu qu’elle constitua est une page importante de l’histoire de la France dans la Seconde Guerre mondiale.
Mers-el-Kébir et Dakar.
Si quelques marins ainsi que plusieurs bâtiments réussirent à partir rejoindre les alliés, les Britanniques craignirent très rapidement que cet instrument de puissance qu’est la flotte française ne tombe aux mains des Allemands, qui manquent cruellement de navires, et ils agirent rapidement pour la neutraliser. C’est ce que l’on appelle l’opération Catapult. C’est à dire qu’une escadre de la Royal Navy se présenta devant Mers-El-Kébir, grande base navale près d’Oran où était stationnée une bonne partie de la « Royale » et envoyèrent un ultimatum à leurs alliés de la veille….
L’amiral Gensoul qui commandait la force se vit signifier plusieurs issues par les Britanniques: 1) reprendre la lutte aux côtés des alliés, 2) être interné en Grande-Bretagne, 3) aux Antilles, 4) se saborder. Après un temps de tergiversation, Gensoul refuse d’obéir tout en affirmant qu’il ne se livrera pas à l’ennemi. Les Anglais ne s’en satisfassent pas et ouvrent le feu, avec les résultats que l’on sait: de nombreux navires sont envoyés par le fond (ils n’étaient pas en état de se défendre car pris par surprise et ne pouvaient fuir) et 1300 marins Français sont tués, ce qui est beaucoup. Ils en retirèrent un profond mécontentement contre les auteurs de cette tragédie et Vichy une intense propagande à ce sujet. Si De Gaulle s’abstint de juger (il comprenait la position britannique), il ne fit aucun éloge et le commandant britannique, Somerville, fut rongé sa vie durant par l’ordre qu’il dut exécuter. Ce bon moyen pour Londres de montrer sa détermination à continuer le combat fut complété par des mesures d’internement et de récupération des navires français présents dans les ports britanniques au moment de l’arrêt des combats.
Plus tard dans l’année, alors que la Grande-Bretagne et le Commonwealth restent désespérément seuls dans leur lutte contre l’Allemagne, le général de Gaulle désire faire basculer l’Empire colonial français, aux mains de Vichy, dans la guerre. L’opération réussit à partir du Tchad et de la personne du gouverneur Félix Eboué, qui rallie des territoires dès août 1940. Pourtant, les forces navales franco-britanniques qui se présentent devant le port militaire de Dakar au Sénégal en septembre de la même année, espérant une même réussite subissent un échec cuisant : la place refuse de se rendre et les Français tirent sur des Français… L’aviation, la flotte et les batteries côtières restent fidèles à Vichy et ne se rallient qu’après l’invasion de la zone libre en 1942…

De Gaulle devant Dakar. Crédit photo: wikipédia.
L’invasion de la zone libre et l’amiral Godefroy
C’est en effet l’autre action d’importance de la Marine française entre 40 et 45 : son sabordement… En fait, après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord en novembre 1942 (opération Torch), les Allemands ripostent en envahissant le reste de la France qu’ils n’occupaient pas. L’armée d’armistice est dissoute et la marine, qui restait puissante malgré la perte de trois cuirassés à Mers el-Kébir, ne peut se résoudre à fuir en direction des territoires occupés par les alliés. Hormis de très petits bâtiments, elle se saborde à Toulon, pour éviter de tomber aux mains de l’ennemi, selon les ordres de l’Amiral de Laborde. C’est une catastrophe. Outre le fait que la force navale française si coûteusement forgée durant l’entre-deux-guerres a été perdue pour rien (après avoir très peu agi on l’a vu), elle prive la France libre d’un atout majeur.
Seule la force X (un cuirassé, quatre croiseurs, trois torpilleurs…) internée depuis 1940 à Alexandrie sans avoir rien fait du conflit la rallie enfin (mais en juin de l’année suivante seulement. L’amiral Godefroy (qui la commandait) fut mis à la retraite: il avait refusé de continuer le combat après l’armistice et voulait le commandement de la flotte en arguant du fait qu’il était le seul à arriver avec des unités intactes ! On lui fit remarquer qu’il avait attendu 1943 pour ça et il n’insista pas.
Ce court résumé montre bien le caractère paradoxal de la Royale aux ordres de Vichy : un instrument puissant, un outil de pression qui ne sut rejoindre massivement la France Libre qu’elle aurait pu rendre infiniment plus importante qu’elle ne l’a été et qui fut réduit à néant en deux évènements. Le quasi-culte rendu à son chef, l’amiral Darlan, et la fidélité au maréchal Pétain d’une arme moins anglophile et républicaine que d’autres n’y ont pas été étrangers. Ainsi les Forces Navales Françaises Libres restèrent d’importance moindre.

Photo aérienne de la flotte française se sabordant à Toulon. Crédit photo: wikipédia.
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