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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : IV) La conquête de 1935-36

Introduction: 

Comme nous l’avions donc vu la dernière fois, la conquête italienne débute réellement à la fin de l’année 1935. Les moyens mis à disposition des chefs sont impressionnants, pour un conflit qui se veut rapide et limité: 165.000 hommes, 36.000 chevaux et mules, des avions et des blindés, sans oublier l’artillerie. Sur le papier, l’offensive principale doit venir du front Nord, depuis l’Érythrée. Cette partie de l’armée est dirigée par un dignitaire du régime assez âgé, Emilio de Bono. Au sud, depuis la Somalie, Rodolfo Graziani, commande des forces moindres qui sont censées rester sur la défensive, on verra toutefois qu’il n’en fut rien.

De Bono (avec la barbe blanche). Soutien de Mussolini depuis longtemps, il s'oppose à lui en 1943 lors du vote qui le dépose. Arrêté après la reprise en main allemande de l'Italie, il est exécuté malgré son âge avancé.

De Bono (avec la barbe blanche). Soutien de Mussolini depuis longtemps, il s’oppose à lui en 1943 lors du vote qui le dépose. Arrêté après la reprise en main allemande de l’Italie, il est exécuté malgré son âge avancé.

Des débuts difficiles pour le front Nord

L’avance des troupes italiennes est d’abord rapide: les Éthiopiens se sont retirés pour concentrer leurs forces et ne se mettent à riposter réellement qu’en novembre. Leur résistance est souvent tenace. De plus, comme en 1896, la logistique fait grandement défaut aux soldats de Victor-Emmanuel: les routes sont peu nombreuses, le terrain irrégulier, le climat rude et les distances grandes. Matériel et armement arrivent directement d’Italie via Suez et l’Érythrée, ce qui complique encore le propos.

Malgré l’affectation de soldats et d’ouvriers civils à l’amélioration du réseau de transports, Mussolini tempête contre une avance qu’il assimile plutôt à une reptation. La volonté de prestige qu’on a déjà évoquée le rend désireux d’une victoire prompte, surtout alors que la SDN a décidé de sanctions économiques contre son pays, du fait de son acte d’agression délibéré contre un membre de l’organisation. A la fin de l’année, le dictateur remplace donc de Bono par Badoglio, qu’il juge plus énergique, et envoie trois divisions supplémentaires renforcer le corps expéditionnaire.

Cela n’empêche pas la progression vers le centre du pays de rester lente. Les Italiens épuisent leurs ennemis à l’aide de l’aviation, car ils ont la maîtrise du ciel, et les 7.000 pièces d’artillerie du front Nord, mais aussi en utilisant des armes chimiques comme les gaz de combat. Ainsi, de janvier à mars 1936, ils parviennent, au prix de durs combats, à disperser les armées des chefs de guerre éthiopiens, laissant le négus avec ses seules forces. Malgré une contre-attaque hardie de celles-ci en avril, il ne peut empêcher les hommes de Badoglio de s’ouvrir la route de sa capitale, Addis-Abbeba.

Assauts depuis la Somalie

Malgré des ordres, on l’a vu, défensifs, Graziani se met lui aussi en mouvement depuis le sud, forçant l’adversaire à se battre sur deux fronts. Il est connu pour sa répression très dure en Libye et n’a pas l’intention de rester inactif. Il convainc donc le dictateur italien qu’il est capable de mener une campagne victorieuse et obtient son consentement, ainsi que l’envoi de renforts. Il dispose ainsi de 50.000 hommes pour partir à l’offensive et c’est aussi lui qui a fait acheter aux Etats-Unis des pelleteuses de la fameuse marque Caterpillar pour créer des routes carrossables au fur et à mesure de son avancée. Il utilise aussi des camions de chez Ford, industriel connu pour sa proximité avec l’extrême-droite (qui se confirme pendant la guerre d’Espagne).

La progression est là aussi lente, mais constante et les succès de Graziani renforcent sa popularité, ouvrant la voie vers son maréchalat. Fin janvier 36, ses hommes sont à 70 kilomètres de la capitale mais obliquent vers l’est, pour détruire les armées adverses dans cette partie du pays. Le 9 mai, ses troupes joignent finalement celles de Badoglio à Dire Daua. Les hommes de ce dernier s’étaient emparés d’Addis-Abbeba quelques jours plus tôt…

L’avancée des Italiens en Ethiopie, vidéo de propagande du 22/04/1936 de l’Istituto Luce :

Conclusion: 

Si cela marquait la fin officielle de la conquête, le pays allait s’installer dans une guérilla tenace dès ce mois de mai, guérilla réprimée avec plus de dureté encore, ce que l’on verra une prochaine fois. Cette guerre d’agression a donc été bien plus difficile que prévu pour l’Italie fasciste. Menée avec une grande violence contre un Etat souverain, elle est aussi ruineuse pour Rome. L’historien Giorgio Rochat (voir bibliographie) affirme que, couplée à l’intervention italienne en Espagne aux côtés de Franco, elle a empêché pour une grande partie la modernisation des forces armées italiennes. Le résultat est connu.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

Pour les aspects purement militaires, l’indispensable:

-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.

Pour les armes, le matériel et les combats, un fascicule Osprey, toujours très bien fait:

-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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