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Custer à l’écran: « They died with their boots on » (3/3).

Il nous reste désormais le sujet le plus épineux du dossier à analyser : à quel point le Custer qu’on nous montre à l’écran est-il éloigné de la réalité ? On le sait, l’homme fait toujours couler beaucoup d’encre. On lui prête des propos qu’il n’aurait pas tenus, on le dépeint tantôt comme un héros, tantôt comme un monstre. Résumons ce qu’il en est vraiment. 

Ce sur quoi le film est plutôt juste

Avant toute analyse précise, dissipons tout de même le doute : le film le présente de manière positive, trop même. Mais il n’est pas non plus trop caricatural ni totalement faux, alors que le fameux Little Big Man d’Arthur Penn fait évoluer un personnage dément et grandiloquent, qui a peu à voir avec l’histoire… J’ai par exemple dit la fois précédente qu’il était connu pour avoir fait du 7e de cavalerie une unité cohérente et soudée, ce qui était rare dans l’ouest américain. De plus, son courage au feu et sa popularité auprès des hommes ne sont pas infondés et They died with their boots on le montre bien. Je vais y revenir.

A côté de cela (voir le Sitting bull que je cite en bibliographie à ce sujet), il est vrai que Custer, s’il n’était pas un indianophile complet, n’est pas non plus un monstre assoiffé de sang. D’une part il avait une certaine connaissance des mœurs des tribus, respectait leur courage et communiquait en langage des signes avec ses éclaireurs indiens, qu’il savait essentiels dans les guerres de l’ouest. Il est même connu pour avoir dénoncé de manière virulente la gestion des affaires indiennes auprès des plus hautes instances américaines. Ainsi, en mars-avril 1876 il donne des noms de fonctionnaires d’après lui corrompus à une commission d’enquête sénatoriale et, lapidaire, conclut : « Si j’étais un indien, je pense que je préférerais grandement rejoindre mes compagnons libres des Plaines plutôt que de me confiner dans les limites d’une réserve pour y recevoir les bienfaits et les vices de la civilisation ». On sait en effet la dureté des conditions de vie des Indiens dans ces mouroirs à ciel ouvert.

Bien sûr, je le répète, c’est plus une charge contre le gouvernement et sa façon de gérer la question indienne qu’autre chose. Toutefois elle remonte jusqu’au président Grant, furieux de cette envolée. Il lui retire son commandement du 7e de cavalerie et refuse même de recevoir Custer qui vient s’expliquer à la Maison Blanche !

                                                                      Photographie de Sitting Bull, l’un des principaux chefs de la campagne des Black Hills.

Ce qu’il faut nuancer

Dans un premier temps, j’ai déjà pu l’évoquer, un bonne partie des transitions sont des raccourcis très théâtraux dans le film… Notamment quand Custer obtient son commandement grâce au général Scott au début, ou quand il parvient à se faire entendre au sujet des Indiens auprès du président Grant (voir plus haut)… Ainsi on le voit être reçu après un subterfuge, ce qui n’arriva pas en vérité, et il attendit des heures sans succès.

De plus, il méprise ouvertement les affairistes et spéculateurs dans They died with their boots on. Si la tenue de son régiment et sa parole auprès des Indiens ont été évoquées plus haut et abondent en ce sens (les négociants vendent de l’alcool à ses hommes dans le film), on sait aussi sans doute possible… Qu’une reconversion dans le monde des affaires le tentait sérieusement. Ainsi il avait une correspondance fournie avec de nombreux financiers, et songeait à des placements dans les mines du Colorado. N’en faisons donc pas un pourfendeur de toute forme de profit.

Enfin, Custer reste un homme de terrain qui espère engranger de la notoriété et redevenir général (il ne l’était qu’à titre provisoire durant la guerre de Sécession) en battant les Indiens et leurs chefs prestigieux. Son supérieur, le général Terry, connaît ses qualités et ses défauts et il sait que Custer est très doué dans sa traque des Indiens. Il est capable de les forcer à sortir de leurs cachettes, les poursuivre et les mettre hors de combat avec brio. C’est pourquoi il manœuvre auprès de Grant, avec l’aide d’une autre gloire de la guerre de Sécession, le général Sheridan. Relayés par la presse qui sait sa détermination dans son métier de soldat, ils forcent le président à changer sa décision et lui rendre son unité. C’est donc bien moins romanesque que dans le film, où le côté implacable de Custer, pourtant bien réel, est gommé.

               Errol Flynn, le dernier carré de Little Big Horn.

Conclusion générale.

Arrêtons-nous là . L’essentiel est dit. They died with their boots on est donc un bon film, pour peu que l’on tienne compte de son contexte de création et de ses prises de liberté certaines avec la vérité historique (mais peu de films sont irréprochables à ce sujet, voire pas). Custer n’est ni le héros sans tache qu’il montre, ni le fou de Little big man. A titre personnel, je trouve même ce dernier film moins réaliste, mais il se veut volontairement iconoclaste et cela est à prendre en compte (je n’ai jamais dit de ne pas le regarder). Songeons par exemple à la conduite du général à la fin, qui perd ses esprits et donne des ordres qu’un « bleu » ne ferait pas. En réalité, il meurt courageusement au milieu de ses hommes, l’arme à la main et They died with their boots on, bien que très hollywoodien, est plus conforme à ce sujet, là encore. 

Bibliographie (non exhaustive) sur le contexte historique: 

-AMEUR (Farid), Sitting Bull, héros de la résistance indienne, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2014, 239 p.

-JACQUIN (Philippe) et ROYOT (Daniel), Go west ! Une histoire de l’ouest américain d’hier à aujourd’hui, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2004, 368 p.

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Custer à l’écran: « They died with their boots on » (2/3)

Je vais à présent souligner de nombreux points qui méritent de l’être, car ils montrent un vrai travail de recherche de l’équipe du film, ainsi que certaines prises de position finalement moins tranchées que d’autres réalisations plus contemporaines ou ultérieures. Vu l’ampleur de ce qu’il y avait à dire, le dossier va être découpé en trois, et non en deux.

West Point.

Tout d’abord They died with their boots on présente plutôt bien la société militaire de l’époque, où les soldats et surtout les officiers de métier, comme en Europe, se tiennent en grande partie hors des clivages civils et politiques de leur temps, voire les dédaignent. Sans parler d’Etat dans l’Etat, la société militaire a ses propres règles et n’est pas forcément des plus ouvertes. Ainsi, au début de la guerre de Sécession, on voit le commandant de l’école de West Point laisser partir les élèves officiers originaires du sud, au son de Dixie, chanson caractéristique de cette partie des Etats-Unis, avec un commentaire acerbe pour le représentant du gouvernement, affirmant que ce ne sont pas les militaires qui déclarent les guerres.

Si c’est évidemment à nuancer, et qu’un homme comme Lee a préféré décliner la proposition de commander l’armée de l’Union pour servir le Sud, c’est néanmoins assez fidèle à l’esprit du temps. D’ailleurs, une bonne partie des officiers étaient justement originaires du Sud et Lee que j’ai déjà cité a commandé l’académie quelques années. Notons tout de même que beaucoup d’officiers  tentèrent parallèlement, ou après leur temps de service, une carrière politique ou dans les affaires… Notamment à la présidence des Etats-Unis, tel Grant.

Carabine Sharps mle 1863. Nous sommes loin de la Winchester. Photo provenant de poudrenoire.free.fr

Un 7e de cavalerie moins caricatural qu’on pourrait le penser. 

Par ailleurs, le film montre bien que Custer a réussi à faire de son régiment, le 7e de cavalerie, une unité soudée, cas assez unique des soldats stationnés dans l’ouest. En effet, la réduction drastique des crédits militaires après la guerre de Sécession a coïncidé avec une contraction spectaculaire des effectifs et une dégradation des conditions de vie des soldats. Les chiffres sur l’alcoolisme, la désertion, le peu de motivation des unités servant dans le Far West sont éloquents (voir notamment les pages 100-102 du livre de Jacquin et Royot à ce sujet) et on voit à l’écran le changement opéré par Custer. Il rend une atmosphère militaire au fort et une cohésion à ses hommes,  fait adopter, de façon très hollywoodienne, le fameux air Garry Owen qui vient d’Irlande (en fait déjà bien connu aux Etats-Unis, mais un film doit faire rêver pour vendre!) etc.

L’adoption de Garry Owen vue par le film. Contrairement à l’anecdote, les phrases dites par Custer sur le fait qu’un régiment a besoin d’un signe d’unité, et continue à vivre même si ses hommes meurent n’ont rien de caricaturales, elles:

Enfin, deux derniers passages à retenir : Custer se moque des Winchesters vendues aux Indiens en affirmant que ce n’est pas une arme pour les soldats. Or, si elle fait les choux gras du western, ce n’est effectivement pas le matériel réglementaire de la cavalerie américaine, qui utilise les carabines Sharps ou Spencer ou encore des armes de chez Springfield… En effet, la Winchester est d’un calibre assez faible et incite à la consommation de munitions, ce qui ne plaisait pas à l’Etat-major. Je terminerai par cette citation tirée du film, et dite par un des officiers de Custer juste avant sa dernière bataille : « Pour qui vous prenez vous les Yankees [il est d’origine irlandaise] ? Les seuls vrais Américains sont derrière la colline avec des plumes sur la tête. »

Peu importe qu’elle soit sans doute apocryphe, c’est surtout le signe qu’il ne faut pas mettre tout l’Hollywood de l’époque dans le même panier. Néanmoins il nous reste à parler de Custer lui-même et de la manière dont il est présenté.

Bibliographie (non exhaustive) sur le contexte historique: 

-AMEUR (Farid), Sitting Bull, héros de la résistance indienne, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2014, 239 p.

-JACQUIN (Philippe) et ROYOT (Daniel), Go west ! Une histoire de l’ouest américain d’hier à aujourd’hui, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2004, 368 p.

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