Archives de Tag: Ethiopie

Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : VIII) Conclusion

L’heure de la conclusion. Merci à tous de suivre ces travaux et bonne fin d’année à tout le monde !

Des campagnes chères et assez mal menées 

Au final, les tentatives italiennes de conquête de l’Ethiopie se sont révélées être des campagnes coûteuses, menées à une grande distance de la métropole, et ce malgré la possibilité de s’aider des deux autres colonies que sont l’Érythrée et la Somalie. La première fois, l’échec s’avère plus symbolique qu’autre chose mais a un grand retentissement en Europe et marque les décideurs en Italie. Si l’on a vu que « venger » Adoua n’est pas le motif principal de l’attaque mussolinienne de 1935, il a tout de même joué.

Là, les forces armées du dictateur ne l’emportent que par une débauche de moyens contre un adversaire qui en est dépourvu. Pierre Milza (voir bibliographie) analyse très bien la volonté de nombreux dignitaires fascistes de venir récupérer de la renommée à peu de frais en Ethiopie, notamment en servant dans l’aviation et en bombardant l’adversaire. Celui-ci n’ayant pratiquement pas les moyens de se défendre contre ce type d’attaque, on imagine bien le peu de dangers encourus par les auteurs de telles actions. Ainsi, Bruno et Vittorio Mussolini, les propres fils du dictateur, servirent dans l’arme aérienne durant ce conflit, et on pourrait multiplier les exemples.

Reste que ces guerres ont coûté très cher, ont vu des crimes contre les Éthiopiens être commis, et ce pour un résultat somme toute médiocre car, malgré la résistance évoquée, l’Ethiopie est perdue dès 1941. Le commandement n’a pas été excellent, mais la position géographique n’a pas aidé non plus, la zone étant cernée de colonies britanniques. Notons toutefois qu’une victoire de l’Axe aurait peut-être entraîné un autre avenir pour l’Ethiopie italienne, notamment car le négus était prêt à négocier avec ses ennemis italiens.

Vidéo de propagande de l’Institut Luce: départ de colons pour l’Ethiopie en 1938.

Conséquences directes 

D’ailleurs, Paoletti et Avenel affirment qu’il appréciait l’effort de construction de ponts et de routes entrepris par ceux-ci. Lorsqu’il reprend le pouvoir, il ne peut empêcher quelques massacres d’Italiens dans son pays, malgré une proclamation de pacification. En effet, des colons étaient venus s’installer sur place (voir vidéo en exemple). Pour un éclairage différent, on pourra se référer aux articles de journaux de Malaparte, qui écrivait alors pour le Corriere della sera. Venu en 1939 là-bas, il laisse de très beaux écrits de ce pays alors sous occupation italienne. Le tout est paru en français chez Arléa sous le titre Voyage en Ethiopie. 

Le sort des prisonniers de guerre italiens est assez commun: malgré quelques violences exercées contre eux par les Éthiopiens, ils sont confiés aux Britanniques et envoyés en camps de prisonniers. Ils y finissent la guerre sans trop de problèmes. Notons toutefois que c’est en détention que meurt en 1942 l’ancien vice-roi déjà cité, le duc d’Aoste. Par contre, le destin des auxiliaires locaux des Italiens, les ascari, est souvent plus violent lorsqu’ils ne sont pas parvenus à s’éclipser au moment de la reddition pour rejoindre leurs régions d’origine: ils étaient vus comme des traîtres. La plupart des colonisateurs, eux, sont rapatriés en Italie en 1942-43, bien que des minorités et des écoles se soient maintenues sur place par la suite.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

Pour les aspects purement militaires, l’indispensable:

-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.

Pour les armes, le matériel et les combats, un fascicule Osprey, toujours très bien fait:

-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : VII) La résistance italienne après 1941

C’est un point très méconnu, mais pourtant réel: une résistance italienne continua longtemps après la conquête de l’Ethiopie par les Alliés ! Nous allons voir de quoi il s’agit dès à présent, et la conclusion générale interviendra la prochaine fois.

Une résistance italienne qui se poursuit…

S’étant rendus maîtres du territoire, les Alliés s’appuient sur les structures italiennes déjà mises en place, pour administrer et contrôler ce vaste territoire. Or, celles-ci sont alors chapeautées par le Comité italien d’Addis-Abbeba, qui a reçu des fonds du duc d’Aoste juste avant qu’il ne parte en captivité, où il meurt d’ailleurs. Ledit comité va les utiliser (les fonds, et les autres structures) pour entretenir une guérilla pro-italienne pendant des années. En effet, son deuxième chef, un certain Savelli, fait mine de collaborer avec les Britanniques, alors qu’il est membre des renseignements militaires italiens et va œuvrer contre eux.

L’argent et le réseau dont il dispose lui permettent ainsi de se déplacer et de financer des groupes armés qui luttent contre les Britanniques, sous couvert de travaux et de maintenance, et même parfois avec l’aide de chefs locaux. La guerre s’étant déplacée ailleurs, les Alliés ont assez peu de forces dans le secteur  et en maintenir alors que les combats de Libye font rage leur déplaît. De plus, le relief gêne leurs actions comme il avait nuit aux précédents occupants. Ainsi, des zones entières retombent dans les mains des Italiens, qui vivent sur le pays. D’ailleurs, jusqu’à la fin de l’année 1942 les victoires de Rommel laissent croire à un succès final de l’Axe et le négus lui-même, revenu dans son pays négocie avec eux !

Jusqu’après la fin de la Seconde Guerre mondiale ! 

Evidemment, la défaite italo-allemande d’El-Alamein en octobre-novembre 1942 fait évoluer la situation dans un sens défavorable pour ces deux puissances et la guérilla italienne en Ethiopie s’en ressent. Toutefois son activité ne cesse pas pour autant. Les groupes de « résistants » mènent encore des actions et gênent les structures administratives qu’utilisent les Alliés. Leur espoir s’est amenuisé mais ils veulent encore retenir le plus possible de troupes alliées en Afrique de l’Est.

Toutefois, avec le temps et le manque de moyens croissant, ils doivent peu à peu se rendre à l’évidence et ces bandes armées déposent les armes les unes après les autres. Pour l’anecdote, les dernières ne le font qu’en 1946, soit après la fin de la Seconde Guerre mondiale! Savelli, quant à lui, peut rentrer en Italie depuis l’Egypte. Nous sommes certes loin de ces Japonais oubliés sur certaines îles et qui se sont rendus des années après 1945, mais le cas mérite quand même d’être cité.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

Pour les aspects purement militaires, l’indispensable:

-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.

Pour les armes, le matériel et les combats, un fascicule Osprey, toujours très bien fait:

-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : VI) Face aux Alliés (1940-1941)

J’avais terminé en évoquant le fait que la « pacification » avait été longue et aussitôt remise en question par l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Allemagne en juin 1940. Or, colonie lointaine, très vaste, et dépendante du canal de Suez pour son approvisionnement, l’Ethiopie, et le reste des territoires italiens de la région, vont tomber aux mains des Alliés, dès 1941 mais non sans combats.

Les forces armées italiennes et les premiers affrontements

Sur le papier, les troupes italiennes en Afrique Orientale (en comptant aussi la Somalie et l’Erythrée, donc) sont plutôt nombreuses et ont du matériel: plus de 300.000 hommes, dont 50.000 Italiens, une partie étant des civils mobilisés sur place au début de la guerre, près d’un millier de canons, deux fois plus de fusils que d’hommes, des chars et des avions… Toutefois elles sont dès le début coupées de la métropole, ne peuvent ainsi recevoir aucun renfort en hommes et en matériel. Leur situation est donc critique dès le départ, d’autant plus que le commandement est pusillanime et que les moyens de transport modernes manquent cruellement.

Pourtant, leur adversaire est pendant longtemps peu nombreux et les Italiens parviennent à occuper une partie des colonies avoisinantes, dont la Somalie britannique. Les premiers combats tournent à leur avantage, ce qu’ils ne parviennent pas à exploiter car ils sont mal informés des effectifs réels de leur ennemi et les chefs sont dans une optique plus défensive qu’offensive. Ainsi, dès le début de l’année 1941 des troupes alliées sont arrivées d’Afrique du Sud, mais aussi du nord du continent, où les forces italiennes sont malmenées, ce qui les a rendues disponibles pour d’autres secteurs.

Les forces du Commonwealth attaquent donc peu après, mais leur progression est assez lente car les Italiens se défendent bien et ont l’avantage de cette position: ils occupent les cols et routes principaux et les bloquent efficacement. Toutefois leur matériel blindé, motorisé et aérien est peu à peu détruit sans pouvoir être remplacé ou réparé du fait du manque de pièces de rechange. Ainsi, es Britanniques s’assurent assez vite de de la maîtrise du ciel et sont plus mobiles que leurs adversaires. De plus, ils reçoivent des renforts de la France Libre dont l’épopée débute.

Vidéo de propagande de l’Istituto Luce (1939): le vice-roi et duc d’Aoste passe en revue les troupes à Addis-Abbeba

La perte de l’Ethiopie

Après quelques mois, le repli vers le coeur de l’Ethiopie est une réalité et le moral italien faiblit, notamment dans les troupes recrutées localement et qui désertent en masse. Addis-Abbeba tombe le 6 avril 1941 et le commandement italien se retire en direction du nord. A partir de ce moment la résistance s’amenuise et les unités sont séparées les unes des autres sans plus pouvoir communiquer efficacement. Cela ne veut pas dire débâcle complète et les affrontements se prolongent plusieurs mois encore.

Le Duc d’Aoste, vice-roi déjà cité, se rend finalement le 19 mai après une résistance tenace face à des troupes bien supérieures en nombre et en matériel. A cettte date, deux noyaux de résistance existent encore, pour un total de 40.000 hommes. Etant donné les distances et le relief que j’ai maintes fois évoqués, ils ne se rendent pas tout de suite. Le premier, aux ordres du général Gazzera passe même au Congo belge où il affronte des troupes présentes dans cette colonie le 3 juillet. Il doit pourtant accepter la reddition peu après.

L’autre unité encore cohérente, sous les ordres du général Nasi, parvient à maintenir une défense efficace plus longtemps et ne se rend que fin novembre. Les carabiniers et soldats indigènes qu’il commande ont offert aux Britanniques une résistance bien organisée et longue. Officiellement, passé cette date, c’est la fin des combats dans cette région du monde, mais on verra la prochaine fois que des éléments vont rejoindre la clandestinité et se battre pendant des années encore, ce qui est très rarement évoqué !

Affiche de propagande italienne après la perte de l'Afrique: "Nous reviendrons" affirme-t-elle de manière très présomptueuse.

Affiche de propagande italienne après la perte de l’Afrique: « Nous reviendrons » affirme-t-elle de manière très présomptueuse.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

Pour les aspects purement militaires, l’indispensable:

-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.

Pour les armes, le matériel et les combats, un fascicule Osprey, toujours très bien fait:

-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : V) De la conquête à 1940

Période encore moins bien connue que la conquête de 35-36 que je viens de traiter: la présence italienne entre cette date et l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de l’Allemagne en 1940. En effet, elle ne fut pourtant pas exempte de combats. Comme je l’ai rappelé en conclusion précédemment: prendre la capitale et disperser les armées du Négus ne signifiait au final pas grand-chose !

Réorganisation des colonies italiennes

Qu’est-ce à dire ? Et bien, qu’aussitôt la conquête officiellement achevée, les Italiens se lancent dans plusieurs années de lutte contre une guérilla éthiopienne, facilitée par un refus naïf et tenace de la part de Mussolini de s’appuyer sur des chefs locaux rendus fidèles par des prébendes et autres avantages matériels. Il ne se range à cette solution pourtant pratiquée plus ou moins par tous les autres colonisateurs que très tard (voir plus bas).

Par contre, il reprend l’idée française et britannique (ainsi qu’utilisée par d’autres pays ayant des colines) d’engager des soldats locaux encadrés par quelques unités européennes, pour tenir le terrain, et notamment les points principaux (villes, routes, ponts…). D’ailleurs, le recrutement de population colonisées se pratique déjà en Libye ou Érythrée, sous le noms d’ascari. Une réorganisation administrative a donc lieu et la plupart des soldats rentrent en métropole, rendant cet appoint encore plus nécessaire.

Fin 1936, c’est donc ce type de forces qui est disponible en Ethiopie et dans les colonies avoisinantes: des troupes locales avec un encadrement italien constitué de quelques unités d’infanterie, d’artillerie et de cavalerie, ainsi qu’un bataillon d’alpini, équivalent plus ou moins proche des chasseurs alpins français. Le tout est renforcé par des unités de police motorisée de la PAI (Polizia dell’Africa Italiana, soit Police de l’Afrique italienne) à partir de 1938. Or, leur tâche s’annonce ardue.

Vidéo de propagande Luce: « Mussolini passe en revue un bataillon de la police coloniale en partance pour l’Afrique ».

Une difficile « pacification » 

De 1936 à 1939, les unités stationnées dans les colonies d’Afrique Orientale sont donc engagées dans de vraies opérations de guerre. Pour les raisons que l’on a évoquées dans les précédents articles déjà, elles sont très lentes: le terrain est irrégulier, les communications difficiles, les distances grandes, la logistique fait défaut. De plus, les troupes adverses connaissent le pays, savent se cacher, et bénéficient d’une aide britannique officieuse, via la Somalie voisine, colonie de sa majesté.

A partir de 1937 et surtout 1938, la situation s’améliore: les engagements des troupes locales augmentent, les garnisons passent de la défensive à l’offensive et parviennent à dégager les routes. Au début de 1937, plus de 66.000 réguliers sont ainsi disponibles, dont 43.000 soldats recrutés sur place. Bien que les saisons des pluies ralentissent les efforts italiens, ils parviennent à contrôler peu à peu les différents axes de communication et les principales villes, au prix de longs combats et de campagnes qui durent parfois des mois.

Pourtant, le milieu rural continue de leur échapper, et une partie des troupes locales trahit au profit de la guérilla. De plus, le coût déjà important de la conquête devient faramineux et grève durablement les finances royales. Finalement, en 1939, la situation s’apaise quand le duc d’Aoste, de la famille royale, nommé vice-roi, obtient enfin de Mussolini de pouvoir mener une politique d’apaisement. Toutefois, ses effets réels restent difficiles à mesurer car dès l’été 1940, la guerre éclate contre les Alliés.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

Pour les aspects purement militaires, l’indispensable:

-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.

Pour les armes, le matériel et les combats, un fascicule Osprey, toujours très bien fait:

-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : IV) La conquête de 1935-36

Introduction: 

Comme nous l’avions donc vu la dernière fois, la conquête italienne débute réellement à la fin de l’année 1935. Les moyens mis à disposition des chefs sont impressionnants, pour un conflit qui se veut rapide et limité: 165.000 hommes, 36.000 chevaux et mules, des avions et des blindés, sans oublier l’artillerie. Sur le papier, l’offensive principale doit venir du front Nord, depuis l’Érythrée. Cette partie de l’armée est dirigée par un dignitaire du régime assez âgé, Emilio de Bono. Au sud, depuis la Somalie, Rodolfo Graziani, commande des forces moindres qui sont censées rester sur la défensive, on verra toutefois qu’il n’en fut rien.

De Bono (avec la barbe blanche). Soutien de Mussolini depuis longtemps, il s'oppose à lui en 1943 lors du vote qui le dépose. Arrêté après la reprise en main allemande de l'Italie, il est exécuté malgré son âge avancé.

De Bono (avec la barbe blanche). Soutien de Mussolini depuis longtemps, il s’oppose à lui en 1943 lors du vote qui le dépose. Arrêté après la reprise en main allemande de l’Italie, il est exécuté malgré son âge avancé.

Des débuts difficiles pour le front Nord

L’avance des troupes italiennes est d’abord rapide: les Éthiopiens se sont retirés pour concentrer leurs forces et ne se mettent à riposter réellement qu’en novembre. Leur résistance est souvent tenace. De plus, comme en 1896, la logistique fait grandement défaut aux soldats de Victor-Emmanuel: les routes sont peu nombreuses, le terrain irrégulier, le climat rude et les distances grandes. Matériel et armement arrivent directement d’Italie via Suez et l’Érythrée, ce qui complique encore le propos.

Malgré l’affectation de soldats et d’ouvriers civils à l’amélioration du réseau de transports, Mussolini tempête contre une avance qu’il assimile plutôt à une reptation. La volonté de prestige qu’on a déjà évoquée le rend désireux d’une victoire prompte, surtout alors que la SDN a décidé de sanctions économiques contre son pays, du fait de son acte d’agression délibéré contre un membre de l’organisation. A la fin de l’année, le dictateur remplace donc de Bono par Badoglio, qu’il juge plus énergique, et envoie trois divisions supplémentaires renforcer le corps expéditionnaire.

Cela n’empêche pas la progression vers le centre du pays de rester lente. Les Italiens épuisent leurs ennemis à l’aide de l’aviation, car ils ont la maîtrise du ciel, et les 7.000 pièces d’artillerie du front Nord, mais aussi en utilisant des armes chimiques comme les gaz de combat. Ainsi, de janvier à mars 1936, ils parviennent, au prix de durs combats, à disperser les armées des chefs de guerre éthiopiens, laissant le négus avec ses seules forces. Malgré une contre-attaque hardie de celles-ci en avril, il ne peut empêcher les hommes de Badoglio de s’ouvrir la route de sa capitale, Addis-Abbeba.

Assauts depuis la Somalie

Malgré des ordres, on l’a vu, défensifs, Graziani se met lui aussi en mouvement depuis le sud, forçant l’adversaire à se battre sur deux fronts. Il est connu pour sa répression très dure en Libye et n’a pas l’intention de rester inactif. Il convainc donc le dictateur italien qu’il est capable de mener une campagne victorieuse et obtient son consentement, ainsi que l’envoi de renforts. Il dispose ainsi de 50.000 hommes pour partir à l’offensive et c’est aussi lui qui a fait acheter aux Etats-Unis des pelleteuses de la fameuse marque Caterpillar pour créer des routes carrossables au fur et à mesure de son avancée. Il utilise aussi des camions de chez Ford, industriel connu pour sa proximité avec l’extrême-droite (qui se confirme pendant la guerre d’Espagne).

La progression est là aussi lente, mais constante et les succès de Graziani renforcent sa popularité, ouvrant la voie vers son maréchalat. Fin janvier 36, ses hommes sont à 70 kilomètres de la capitale mais obliquent vers l’est, pour détruire les armées adverses dans cette partie du pays. Le 9 mai, ses troupes joignent finalement celles de Badoglio à Dire Daua. Les hommes de ce dernier s’étaient emparés d’Addis-Abbeba quelques jours plus tôt…

L’avancée des Italiens en Ethiopie, vidéo de propagande du 22/04/1936 de l’Istituto Luce :

Conclusion: 

Si cela marquait la fin officielle de la conquête, le pays allait s’installer dans une guérilla tenace dès ce mois de mai, guérilla réprimée avec plus de dureté encore, ce que l’on verra une prochaine fois. Cette guerre d’agression a donc été bien plus difficile que prévu pour l’Italie fasciste. Menée avec une grande violence contre un Etat souverain, elle est aussi ruineuse pour Rome. L’historien Giorgio Rochat (voir bibliographie) affirme que, couplée à l’intervention italienne en Espagne aux côtés de Franco, elle a empêché pour une grande partie la modernisation des forces armées italiennes. Le résultat est connu.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

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-ROCHAT (Giorgio), Le guerre italiane, 1935-1943. Dall’impero d’Etiopia alla disfatta, Torino, Einaudi, 2005, 460 p.

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-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : III) Vers la guerre de conquête de 1935-1936

Souvenez-vous, nous avions laissé notre dossier en 1896: Adoua avait marqué la fin des espoirs italiens en Ethiopie. Pendant quelques décennies, celle-ci va donc vivre en paix. Rome se tourne vers l’annexion de territoires ottomans (guerre de 1911-1912) puis a trop à faire avec la Première Guerre mondiale (1915-1918) pour s’y intéresser. Enfin, le nouveau pouvoir fasciste arrivé en 1922 doit se consolider intérieurement et « pacifier », très cruellement au demeurant, l’Afrique du Nord avant de se tourner vers de nouveaux horizons.

Une nouvelle donne

En effet, Mussolini relance la politique coloniale de son pays. Il estime qu’une grande puissance se doit de posséder un vaste domaine outre-mer pour pouvoir compter sur la scène internationale. Or, le monde de l’après-guerre n’est plus celui de la fin du XIXe siècle: le partage a déjà été fait et l’hécatombe de 14-18 a commencé à changer les mentalités. Les empires coloniaux ne sont plus présentés de la même façon, et les guerres d’agression moins acceptées qu’avant. S’il y a une forme d’hypocrisie de la part des grandes puissances coloniales (qui n’entendent pas abandonner leurs conquêtes), il n’en reste pas moins que cela ne lui facilite pas la tâche.

Un temps hostile à l’Allemagne, ayant réussi quelques arbitrages coloniaux en sa faveur avec Paris et Londres (quelques modifications de frontières assez minimes), le dictateur italien en veut toutefois plus. Pourtant, les relations entre les deux pays autrefois ennemis se sont officiellement améliorées : l’Italie a appuyé l’entrée de l’Ethiopie à la SDN en 1923 puis signé un traité d’amitié avec elle en 1928.  Toutefois, le discours change progressivement dès le début des années 30. Le régime totalitaire réarme en Érythrée, s’inquiète des visées économiques des occidentaux (barrages, chemins de fer…), et même des Japonais, dans le pays et adopte une rhétorique guerrière.

Des soldats italiens partent pour l'Afrique depuis la Toscane. On distingue déjà leurs casques coloniaux.

Des soldats italiens partent pour l’Afrique depuis la Toscane. On distingue déjà leurs casques coloniaux.

La marche vers la guerre

A cela plusieurs raisons. D’une part, Mussolini souhaite faire oublier les difficultés économiques internes de l’Italie par une victoire extérieure, procédé très courant. De plus, il désire relier les colonies italiennes d’Érythrée et de Somalie, ainsi qu’agrandir le domaine contrôlé par Rome, comme évoqué plus haut. Enfin, venger la défaite d’Adoua. Le tout en profitant de ce que Londres et Paris aient les yeux tournés vers le réarmement allemand: le moment lui semble être approprié pour agir.

Les historiens pensent donc que toutes ces raisons, plus beaucoup d’autres, le poussent à prendre la décision d’une intervention militaire massive entre le printemps et l’été 1935. Alors que les troupes s’acheminent vers l’Afrique, reste à trouver un prétexte officiel. Là, il faut rappeler que, malgré les traités, dont celui d’amitié de 1928 déjà cité, les escarmouches n’ont pas cessé le long des frontières entre les deux pays entre 1896 et 1935. Les Italiens ont repoussé plusieurs fois des bandes armées éthiopiennes mal contrôlées par le pouvoir central et, fin 1934, trois incidents de frontière au demeurant minimes sont saisis par Rome.

Les versions divergent énormément entre les deux pays et sont encore très difficiles à démêler, mais ce qui est sûr est que le dictateur italien tient là ce qu’il veut: arguant de la porosité des frontières et de l’insécurité générée par les troupes éthiopiennes, il fait préparer des plans et prévoit de débuter une offensive générale de conquête en octobre 1935…

Chanson de 1935 In Africa si va (En Afrique l’on va) justifiant le départ pour l’Afrique des soldats italiens. Le ton est évidemment de propagande et elle n’est ici présente qu’à titre d’illustration. Je reviendrai sur ces chansons que j’ai déjà évoquées il y a quelque temps.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Excellente biographie de Mussolini, qui décrit très bien les années qui nous intéressent ici:

-MILZA (Pierre), Mussolini, Paris, Fayard, coll. « Le grand livre du mois », 1999, 985 p.

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Pour les armes, le matériel et les combats, un fascicule Osprey, toujours très bien fait:

-NICOLLE (David), The Italian Invasion of Abyssinia 1935–36, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Men-at-arms », 1997, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : II) Les combats de 1895-1896 et la bataille d’Adoua

L’entrée en campagne

On l’ a vu, au début des années 1890, les relations italo-éthiopiennes se sont progressivement dégradées. De plus, Ménélik a fait appel à de l’aide venue de France: des conseillers, d’anciens officiers, mais aussi des achats d’armes (fusils et canons). Les ingérences italiennes le lassent et il espère se passer de leur présence envahissante.

Le point de non-retour est atteint fin 1894-début 1895: des affrontements encore limités ont lieu entre les deux armées. Les combats sont assez indécis car les distances sont très grandes, le réseau de routes balbutiant, les pluies et la nature du terrain empêchent d’aller vite. Si le détail des accrochages entre patrouilles nous intéresse peu ici on retiendra que, les mois passant, l’affaire tourne à l’intervention militaire en bonne et due forme de la part du gouvernement de Rome. Le négus a fait savoir qu’il ne tolérerait plus la moindre présence italienne en Ethiopie, et l’équipe de Crispi a décidé d’envoyer un véritable corps expéditionnaire soutenir les actions du général Baratieri qui commande sur place.

Le coût financier est très grand car le théâtre des opérations est loin de l’Italie et le climat ainsi que le terrain ne sont pas favorables à une campagne militaire. Toutefois Crispi désire désormais une grande bataille contre les Éthiopiens. Il espère une victoire retentissante qui lui permettra de faire taire les critiques qu’il essuie au parlement et décider ainsi du sort de la campagne.

Le

Le « Petit Journal » du 28 août 1896. Le supplément illustré du dimanche évoque à plusieurs reprises la défaite italienne.

La bataille d’Adoua 

Là encore, les semaines passent et l’indécision domine: les plans ne sont pas très précis, les engagements nombreux et sans grands résultats. Les Éthiopiens, au fil des mois, ont eu le temps de se renforcer, mais les deux armées souffrent de grands problèmes d’approvisionnement et de logistique. Finalement l’affrontement voulu par Crispi va se dérouler début mars 1896 à Adoua, dans la région du Tigré. La place est assez proche de la colonie italienne d’Erythrée vers où se sont retirées les forces italiennes et les renforts sont attendus d’un jour à l’autre depuis la métropole.

Baratieri a placé ses hommes sur une position plutôt bonne et facile à défendre. Il dispose de près de 18.000 hommes et 56 canons, mais sans cavalerie. Face à lui, 120.000 hommes, dont une partie non négligeable a des fusils, et 46 canons. Outre cette infériorité numérique criante, résultant d’une assez bonne concentration des forces du négus, les troupes éthiopiennes connaissent très bien le terrain et vont bénéficier d’une erreur du commandement italien.

Celui-ci a en effet dangereusement séparé ses forces déjà limitées, en trois colonnes qui se sont trop éloignées les unes des autres. Elles sont donc attaquées successivement et battues, même si les combats durent des heures et que les Italiens se défendent bien. D’ailleurs s’ils perdent près de 6000 hommes dans l’affaire, soit un tiers de leurs effectifs, ils tuent 5.000 éthiopiens et en blessent le double. De plus, ils peuvent retraiter en bon ordre vers l’Erythrée et ce n’est pas une déroute. 

Conséquences

Là ils sont rejoints par les fameux renforts arrivés d’Italie, suffisamment nombreux et armés pour dissuader Ménélik d’attaquer. Adoua n’est donc pas une catastrophe comme elle est parfois décrite, et une reprise de l’offensive avec ces troupes fraîches était tout à fait envisageable.

Toutefois, entre temps, le gouvernement Crispi est tombé et la défaite a eu des conséquences symboliques qui dépassent son propre cadre militaire. Si ce n’est pas la première fois qu’une armée européenne a subi des revers en Afrique, elle permet à Ménélik d’asseoir son autorité et de négocier en position de force avec les Italiens dont on a dit le changement de gouvernement. Celui-ci se recentre alors sur les difficultés intérieures et se tourne vers d’autres horizons.

L’Ethiopie reste donc indépendante, et ce jusqu’à la conquête réalisée en 1935-36 que nous verrons dans les semaines qui viennent.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Pour les mutations longues et le cadre proprement italien:

-PECOUT (Gilles), Naissance de l’Italie contemporaine. 1770-1922, Paris, Armand Colin, 2004, 407 p.

Sur les armes, le matériel et les opérations, un bon fascicule Osprey:

-MCLACHLAN (Sean), Armies of the Adowa Campaign, 1896, Oxford, Osprey publishing, coll. « Men-at-arms », 2011, 48 p.

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Les Italiens et l’Ethiopie, d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale : I) Introduction

Voici venu le temps d’ouvrir un très long dossier sur les Italiens et l’Ethiopie, qui ira de la défaite retentissante d’Adoua à la Seconde Guerre mondiale. Il sera l’occasion d’évoquer les appétits coloniaux du jeune Etat italien, la conquête sanglante du pays réalisée par Mussolini, avant de revenir sur les combats en Ethiopie alors qu’il lance son pays dans la guerre aux côtés de Berlin. Cette introduction va avoir pour but de présenter le contexte dans lequel la relation troublée entre les deux pays débute.

L’Italie, un Etat arrivé tard dans la course coloniale

Etat unitaire formé à la suite des guerres du Risorgimento, et rêvant encore de certaines terres peuplées d’Italiens (Trentin, Frioul…), l’Italie est jeune dans les années 1880, et souhaite être intégrée dans le concert des grandes puissances. Or, sans manquer d’atouts, elle porte encore à cette date de nombreuses faiblesses: une séparation assez nette entre un nord en pleine industrialisation, et à la vie culturelle bourgeoise bien vivante…  Et un sud plus rural, où les grands propriétaires et un certain archaïsme règnent encore, d’ailleurs favorisés par un certain dédain des grandes métropoles comme Turin ou Milan à son égard. De plus, l’Italie n’est qu’incomplètement industrialisée, manque de charbon et autres produits miniers essentiels des révolutions industrielles. Enfin, ses armes n’ont pas eu un succès retentissant dans des guerres comme celle de 1866 contre l’Autriche.

Les groupes dirigeants et les cercles influents proches du pouvoir cherchent donc à l’étendre pour des raisons de prestige (les grandes puissances se doivent d’avoir des colonies pour certains), augmenter ses débouchés commerciaux et accéder à des sources de matières premières. Pourtant, si la Méditerranée semble le meilleur et plus proche théâtre pour ce faire, c’est aussi une région où règne l’influence prépondérante de la France et du Royaume-Uni ainsi que celle, déclinante, de l’Empire Ottoman. D’ailleurs, Paris s’est emparée de la Tunisie au grand dam des Italiens dans les années 1880, et l’heure d’attaquer les possessions turques n’est pas encore arrivé (c’est la guerre de 1911). Il faut donc trouver une autre région.

Francesco Crispi (au centre), en 1888. C'est l'un des chantres du colonialisme italien.

Francesco Crispi (au centre), en 1888. C’est l’un des chantres du colonialisme italien.

Des visées sur la Corne de l’Afrique: 

Le repli s’effectue vers la mer Rouge et la Corne de l’Afrique: l’Italie est arrivée tard dans la course coloniale, mais ces espaces ne sont pas encore tous soumis à l’influence européenne. De plus, avec l’ouverture du canal de Suez en 1869, ces côtes s’avèrent stratégiques, notamment car situées le long de la route vers l’Inde et la Chine d’un côté et le Méditerranée de l’autre.  L’Italie achète donc des bases sur la côte d’Érythrée en 1882, et entre ainsi dans le partage de l’Afrique. Au cours des années suivantes, elle étend ses possessions par la force et la diplomatie, avec quelques déconvenues qui n’empêchent pas la progression.

Cette politique est en grande partie voulue par quelques groupes, dont des parlementaires intéressés par l’aventure de conquête, un peu comme l’informel « Parti colonial » d’Eugène Etienne dans la France de la même époque. C’est à dire qu’elle n’a pas l’assentiment de tout le pays, d’ailleurs grandement rural et très peu associé aux décisions ni même aux votes jusqu’aux réformes de Giolitti. Ces visées coloniales ne sont d’ailleurs pas plus voulues de toute la classe politique, comme dans d’autres pays. Songeons, en France, aux joutes verbales de l’époque entre Jules Ferry et Clemenceau à ce sujet…

Toutefois, c’est à la fin des années 1880 que les Italiens entrent en contact avec les chefs qui se partagent le pouvoir en Ethiopie. L’Etat est très ancien, pourtant, le pouvoir central n’y est pas toujours très bien affirmé. D’ailleurs, l’oeuvre d’unification des souverains est gênée justement par les appétits des puissances étrangères, auxquels ils doivent faire face avant de régler les problèmes internes. Pour l’heure, Rome signe un traité avec le souverain qu’est le négus Ménélik, et semble contrôler le pays.

Toujours est-il qu’au début des années 1890, Ménélik, soutenu par les Français, conteste la présence italienne. Au fil des ans, les agitations contre les Italiens augmentent et, en 1895, l’affrontement semble proche entre les deux parties…

Pièce de la colonie italienne d’Érythrée.

Pièce de la colonie italienne d’Érythrée.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive):

Synthèse que je trouve moyenne (beaucoup d’aspects manquent) mais utile:

-AVENEL (Jean-David) et PAOLETTI (Ciro), L’empire italien. 1885-1945, Paris, Economica, 2014, 156 p.

Pour les mutations longues et le cadre proprement italien:

-PECOUT (Gilles), Naissance de l’Italie contemporaine. 1770-1922, Paris, Armand Colin, 2004, 407 p.

Sur les armes, le matériel et les opérations, un bon fascicule Osprey:

-MCLACHLAN (Sean), Armies of the Adowa Campaign, 1896, Oxford, Osprey publishing, coll. « Men-at-arms », 2011, 48 p.

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