Archives de Tag: Flibustiers

William Walker, un aventurier des Etats du Sud: V) Échecs à répétition et exécution

Premier départ du Nicaragua

Tout semblait aller bien pour Walker, souvenez-vous: il réussit à s’emparer du pouvoir au Nicaragua, et à rassembler des soutiens dans le sud des Etats-Unis. Pierre Soulé lui-même le rejoint sur place, et sa cause est plaidée dans les Etats du sud, qui voient un nouvel Eldorado dans la terre qu’il a conquise. Ainsi, plusieurs navires emportant dans leurs flancs des volontaires le rejoignent, depuis la Nouvelle-Orléans et San Francisco au cours de l’hiver 1856-1857.

C’est là que l’histoire prend un nouveau tour: une épidémie de choléra clairsème ses rangs, bientôt vaincus par une alliance mise sur pied par les autres Etats d’Amérique centrale, notamment le Costa Rica. Ceux-ci craignent ses rêves d’expansion pour la stabilité de leurs propres pays et Walker, défait, choisit de se rendre le 1er mai 1857, à la marine américaine.

Retours successifs 

Toutefois, il n’est pas arrêté et, au contraire, est plutôt fêté à son retour au Etats-Unis ! Lui-même parcourt le Sud pour rassembler des fonds et des hommes pour une nouvelle expédition. Il repart en novembre de la même année, pour tomber droit dans les filets de l’US Navy. Là, la presse et les élus sudistes se déchaînent non pas contre lui, mais en sa faveur. Parmi eux, un certain Alexander Stephens, dont le poids politique est important et qui va devenir le vice-président de la Confédération.

Jugé, il est acquitté grâce à un extraordinaire soutien qui dépasse sa propre personne: les boutefeux du sud voient dans sa volonté de conquête un moyen de s’affirmer face aux nordistes et de perpétuer l’économie esclavagiste ailleurs. D’où une troisième tentative en décembre 1858, qui échoue assez piteusement, car son navire donne en plein dans des récifs…

Echec final et exécution 

Secouru par un bâtiment britannique, il ne stoppe pas ses projets. S’il est encore populaire, l’opinion commence tout de même à se lasser de ces gesticulations qui n’aboutissent pas. Ainsi, lorsqu’il s’embarque pour une quatrième tentative, il n’a pu engager « que » 97 hommes. L’expédition tombe sur des forces autrement supérieures et, capturé, une énième fois, il est remis par l’officier britannique à qui il s’est rendu, non pas aux autorités américaines, mais à leurs homologues locales.

Celles-ci vont profiter de l’occasion. Le 12 septembre 1860, plutôt que de retrouver les côtes de Louisiane, il est donc passé par les armes et sa « carrière » prend fin brutalement. Il nous restera à conclure sur cette étonnant parcours de vie la prochaine fois.

Bibliographie sélective: 

Magnifique synthèse (existe en Français) sur la guerre de Sécession, qui revient très longuement sur les années 1840-1860:

-MC PHERSON (James M,), Battle cry of freedom. The American civil war, Londres, Penguin Books, 1990, 904 p.

-Sur l’instabilité chronique de l’Amérique du XIXe siècle, l’excellent:

-VAYSSIERE (Pierre), Les révolutions d’Amérique Latine, Paris, Points, coll. « Points histoire », 2002, 480 p.

A titre de comparaison, voir l’instabilité de l’Uruguay et de sa région à travers l’engagement de Garibaldi dans :

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William Walker, un aventurier des Etats du Sud: IV) Au Nicaragua

La conquête du pays

Walker se rend donc au Nicaragua en mai 1855, avec une soixantaine d’hommes, et un soutien financier de la compagnie de transport Vanderbilt. Le pays est en proie à l’instabilité et connaît la guerre civile, ce qui attire les convoitises des aventuriers étrangers, et gêne les activités commerciales et financières des firmes locales et américaines, d’où l’aide citée plus haut. Elles ont tout intérêt à ce que la paix revienne, si possible avec un gouvernement qui les favorise. On retrouve cette immixtion des entreprises privées dans les guerres plus d’une fois en Amérique (et ailleurs), jusque fort avant dans le siècle, et même lors du 20e…

Or, le succès est au rendez-vous, car Walker et ses hommes, aidant les rebelles, réussissent à se débarrasser du gouvernement légitime du Nicaragua. Cela crée un appel d’air comme auparavant au Mexique (voir III): d’autres ambitieux viennent dans le pays depuis les Etats-Unis. Walker se nomme alors lui-même chef de l’armée nicaraguayenne et réussit, de plus, à obtenir la reconnaissance diplomatique de la part du président américain de l’époque, Franklin Pierce !

Là, je rappellerai, qu’aussi incroyable que cela paraisse, il n’est pas le seul homme a avoir tenté et partiellement réussi à se tailler un empire dans des régions marquées par une forte instabilité et où des intérêts économiques sont en jeu. L’Amérique centrale et du sud de l’époque est très souvent ravagée par des guerres intestines et je vous renvoie à la bibliographie pour découvrir le cas précis de l’Uruguay, où se battit longtemps Garibaldi.

Un parfum d’idées sudistes 

A ce stade de « l’aventure », nous allons boucler la boucle avec le premier article qui présentait le contexte: le fait que Walker se soit créé une place avantageuse au Nicaragua va réveiller les passions des hommes d’influence du sud des Etats-Unis, et notamment esclavagistes. Si, jusque-là, les gesticulations de l’aventurier n’avaient pas pris un tel visage, les choses commencent à présent à changer.

En effet, si la presse du nord des Etats-Unis condamne ses entreprises, celle du sud les présente avantageusement, et des hommes déjà cités comme Pierre Soulé voient désormais le pays où agit Walker comme une terre d’opportunité, bien que les Etats d’Amérique centrale aient déjà aboli l’esclavage. Ainsi, des milliers de personnes venues des Etats du sud se rendent dans le pays devenu nouvelle terre de cocagne et Soulé lui-même effectue le voyage, apportant avec lui des soutiens financiers de la Nouvelle-Orléans.

Toutefois, c’est précisément à ce moment que les choses se gâtent pour Walker et ses rêves de grandeur… 

Bibliographie sélective: 

Magnifique synthèse (existe en Français) sur la guerre de Sécession, qui revient très longuement sur les années 1840-1860:

-MC PHERSON (James M,), Battle cry of freedom. The American civil war, Londres, Penguin Books, 1990, 904 p.

-Sur l’instabilité chronique de l’Amérique du XIXe siècle, l’excellent:

-VAYSSIERE (Pierre), Les révolutions d’Amérique Latine, Paris, Points, coll. « Points histoire », 2002, 480 p.

A titre de comparaison, voir l’instabilité de l’Uruguay et de sa région à travers l’engagement de Garibaldi dans :

-MILZA (Pierre), Garibaldi, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2014, 731 p.

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William Walker, un aventurier des Etats du Sud: II) Premiers pas

Qui est William Walker ? 

Le personnage dont on va parler est né en 1824 à Nashville, dans le Tennessee, c’est à dire à l’intérieur des terres et dans l’un des Etats du sud, même si ce n’est pas non plus le sud profond des clichés. C’est un homme ambitieux et très doué pour les études: il est diplômé en médecine dès l’âge de 19 ans, et part étudier cette discipline en Europe.  A peine revenu, il l’abandonne pour étudier le droit à la Nouvelle-Orléans, patrie, on l’a vu, de Pierre Soulé et d’autres gens influents qui rêvent de conquérir des terres en Amérique centrale et/ou du sud, dans les Caraïbes.

C’est dans cette ambiance de la plus grande ville du sud, qui est aussi un port ouvert aux influences étrangères, qu’il cesse également une carrière d’avocat, à peine débutée, pour devenir journaliste. Plus précisément éditeur du New Orleans Crescent. La presse locale, comme en Europe, joue un rôle important dans l’information et a une influence certaine au XIXe siècle, comme en Europe, où les feuilles régionales et municipales sont bien plus nombreuses qu’aujourd’hui. On commence à le comprendre: brillant, touche-à-tout, Walker est un homme pressé qui occupe peu de temps la même activité. Ainsi, il se déplace à nouveau en 1849, cette fois en Californie où l’on vient de trouver de l’or en grande quantité (voir le roman du même nom de Cendrars).

Ses premiers rêves de conquête 

Toutefois, il n’est pas non plus de ceux qui creusent la terre avec pelle et pioche, et y reste journaliste. Fait intéressant, il combat par la plume le crime, mais aussi par la manière forte: il se bat en duel plusieurs fois, et est à l’origine d’un mouvement local de vigilantes, sortes de milices s’opposant par les armes aux criminels. La conquête de l’ouest des westerns a bien un fond de vérité…

Or, c’est justement en Californie qu’il « trouve sa voie » pourrait-on dire… Nous sommes en 1853 et le Mexique tout proche, très instable depuis son indépendance en 1821, attise bien des convoitises. Les Mexicains peinent à s’entendre sur la forme du gouvernement, sur la nature des rapports entre l’Etat central et les autres Etats, et cela facilite les appétits extérieurs : en 1817 des aventuriers français projettent même de libérer Napoléon Ier et de l’installer sur le trône du Mexique (voir bibliographie) ! Walker, pour sa part, est de ceux qui y voient la possibilité d’acquérir biens et pouvoir. Il s’entoure donc de 45 hommes bien armés et s’embarque pour la Basse-Californie mexicaine avec des intentions assez peu pacifiques…

Bibliographie sélective: 

Magnifique synthèse (existe en Français) sur la guerre de Sécession, qui revient très longuement sur les années 1840-1860:

-MC PHERSON (James M,), Battle cry of freedom. The American civil war, Londres, Penguin Books, 1990, 904 p.

Sur la conquête de l’ouest, une excellente synthèse:

-JACQUIN (Philippe) et ROYOT (Daniel), Go west ! Une histoire de l’ouest américain d’hier à aujourd’hui, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2004, 368 p.

Sur la situation au Mexique après l’indépendance, et la tentative d’y installer Napoléon Ier, voir les premières pages de :

-AVENEL (Jean), La campagne du Mexique (1862-1867). La fin de l’hégémonie européenne en Amérique du Nord, Paris, Economica, 1996, 194 p.

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William Walker, un flibustier des Etats du Sud: I) Introduction

Pour comprendre la guerre de Sécession et son déclenchement, il faut remonter des dizaines d’années en arrière. Là il devient possible de saisir quels mécanismes se mirent en place, qui conduisirent à la sécession d’une partie des Etats du sud en 1860-61, puis à la terrible guerre civile qui s’ensuivit. Bien sûr, si les événements semblent s’accélérer à partir de la fin des années 1850, beaucoup de réalités existaient déjà et les étudier permet de mieux appréhender ce qui se passa par la suite. C’est ce qu’on va faire à travers le personnage peu connu (de ce côté-ci de l’Atlantique) de William Walker, aventurier, flibustier et apprenti chef d’Etat. Il illustre bien une partie des problèmes et des envies d’une certaine frange de la société sudiste de l’époque.

Un expansionnisme sudiste ?

La chose peut paraître étrange, mais existe pourtant bel et bien dans les décennies qui suivent l’indépendance des Etats-Unis. Le jeune pays en construction se cherche encore une identité culturelle et géographique. « Cantonné » à l’est des Appalaches, sur le territoire des anciennes Treize colonies britanniques, il va devenir, en quelques décennies, l’Etat gigantesque que l’on connaît, avec un mélange de traités pacifiques, d’achats de terres et de conquêtes de celles-ci, sur les tribus amérindiennes et les Etats voisins.

Or, le sud est particulièrement intéressé par l’expansion du territoire américain. Outre le courant général qui suit la fameuse déclaration du président Monroe en 1823 (les Européens n’ont plus à se mêler des affaires du continent américain) et la doctrine dite de la « destinée manifeste » (le destin des Etats-Unis est d’atteindre les côtes du Pacifique), ces Etats esclavagistes y voient le moyen de faire survivre ce que les textes nomment pudiquement « l’Institution Particulière » (Peculiar Institution). En effet, inclure de nouveaux Etats qui pratiqueraient l’esclavage permettrait de maintenir l’équilibre avec ceux du Nord, plus peuplés et libres, notamment car chaque Etat américain dispose de deux sénateurs, quelque soit son nombre d’habitants. Voilà pourquoi la partie méridionale du pays s’intéresse beaucoup à l’annexion du Texas et à la guerre avec le Mexique (où combattent bon nombre de futurs officiers confédérés et fédéraux) qui voit le pays s’agrandir après le traité de Guadalupe Hidalgo (1848).

La bataille de Veracruz durant la guerre au Mexique, Peinte par Carl Nebel en 1851. Hébergé sur https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e6/Battle_of_Veracruz.jpg

La survivance de flibustiers et de rêves de conquêtes

Pourtant, ces espoirs sont souvent déçus car la bataille juridique et médiatique est féroce à propos du statut des nouveaux Etats: esclavagistes ou non ? Voilà pourquoi certaines personnalités sudistes se plaisent à envisager une conquête de territoires outre-mer, ou ailleurs sur le continent américain. L’un des plus influents est Pierre Soulé, sénateur de la Louisiane d’origine française. Partisan notoire de l’esclavage, il s’intéresse à l’île de Cuba et envisage son annexion pour en faire un territoire américain où il serait pratiqué. D’ailleurs, dans ces années 1840, c’est une colonie espagnole qui ne l’a pas encore interdit. Lui et les planteurs influents (dont il ne faut pas exagérer le nombre) qui dominent la vie politique du Sud prévoient divers projets de conquête, alors même que les Cubains se révoltent et essaient de se libérer de la tutelle espagnole. Ainsi en 1849 ils approchent le gouvernement américain et le secrétaire d’Etat à la guerre de l’époque, Jefferson Davis, futur président de la Confédération propose le nom d’un certain Robert E. Lee pour aller commander sur place ! Il refuse… Cela témoigne bien d’un certain climat, toutefois.

Enfin, d’autres préféreraient annexer des terres en Amérique centrale, région instable et à l’histoire politique mouvementée. Là, et dans les Caraïbes, le golfe du Mexique, sévissent encore bon nombre de flibustiers et pirates en tout genre, comme le célèbre Jean Lafitte au début du XIXe siècle. Une à deux générations plus tard, dans les années 1820-1840, ils sont encore nombreux à infester ces eaux. Malgré le traité de Paris consécutif à la guerre de Crimée (1856), qui jette les bases d’une interdiction de la guerre de course, et, partant renforce la notion d’un droit maritime international, il va falloir longtemps avant de s’en débarrasser. Ainsi, parmi eux, un certain William Walker dont nous allons voir les « aventures », qui sont dignes d’un roman de Stevenson, mais où le personnage principal est plus proche d’un Long John Silver que d’un Jim Hawkins.

Bibliographie sélective: 

Pour en savoir plus sur Pierre Soulé et les Français, personnes d’origine française, en général dans ce conflit :

-AMEUR (Farid), Les Français dans la guerre de Sécession. 1861-1865, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Les Amériques », 2016, 354 p.

Magnifique synthèse (existe en Français) sur le sujet:

-MC PHERSON (James M,), Battle cry of freedom. The American civil war, Londres, Penguin Books, 1990, 904 p.

En français, une bonne biographie de Lee :

-BERNARD (Vincent), Robert E. Lee, Paris, Perrin, 2014, 456 p.

Le site de l’auteur:

https://cliophage.wordpress.com/

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