Archives de Tag: François-Joseph

La révolution hongroise de 1848 : V) Bilan et conséquences.

Au final, nous avons vu que les forces combinées austro-russes ont permis à Vienne de surmonter un épisode particulièrement douloureux, et couplé à d’autres difficultés en Bohème, en Italie et à la cour même (voir articles précédents). Terminons avec le bilan de cette guerre et ses conséquences pour la Hongrie.

Clémence ou répression ? 

François-Joseph a deux choix qui se présentent à lui : soit se comporter en monarque indulgent et ainsi tenter de calmer les Magyars… Soit les réprimer durement pour leur rébellion. Signe que l’Histoire n’est pas déterminée, et sans faire d’uchronie, il aurait pu choisir l’une ou l’autre voie… Toutefois, son entourage le pousse plutôt dans la seconde, qui ne voit dans les Hongrois que des rebelles. Ainsi, plus de 100 meneurs sont exécutés dans les semaines qui suivent l’arrêt des combats et 2000 autres sont condamnés à des peines diverses. La dureté du châtiment ne laisse pas de bons présages pour la suite des relations entre les deux parties !

Or, il reste tout de même des Hongrois prêts à négocier avec Vienne: restés en retrait durant la révolution, ils redressent à présent la tête et, aidés par des relations en Bohème et dans la capitale même, demandent à l’empereur de ne pas pousser les violences plus avant et de revenir à la situation d’avant-guerre, au moins. Rien n’y fait: le souverain reste sur sa position initiale. 

François-Joseph en 1851 par Johann Ranzi. Il porte l’ordre de Marie-Thérèse. Crédit photo: wikipédia.

Le sort de la Hongrie:

Finalement le pays est traité comme une terre conquise par l’Autriche et ses droits s’en trouvent réduits, Vienne n’ayant pas digéré la proclamation de la capitulation des Habsbourg. Le territoire est divisé en districts avec des militaires à leur tête, alors que toute forme de représentation hongroise et d’autonomie locale disparaissent purement et simplement. Au niveau économique, = la gouvernement profite de la situation avantageuse pour introduire la législation fiscale autrichienne en Hongrie et supprimer les douanes internes qu’elle avait avec l’Autriche. L’idée est de ne plus la traiter que comme une partie de l’Empire, et non plus comme une zone autonome, ce qu’elle avait été jusque-là. L’Autriche désire également réduire les différences dans l’ensemble disparate qu’elle domine.

Cette politique ne dura qu’un temps : après la guerre de 1866 avec la Prusse, catastrophique pour la monarchie, Vienne dut changer son fusil d’épaule et devint l’Autriche-Hongrie (voir vidéos sur cette guerre ). 

Bibliographie:

-Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 848 p.

Les vidéos sur la guerre de 1866 :

https://antredustratege.com/2013/06/20/playlist-la-guerre-de-1866/

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La révolution hongroise de 1848: IV) L’intervention russe

Nous avions vu la dernière fois l’impasse militaire dans laquelle se trouvait Vienne, confrontée à de multiples révoltes, un changement de dirigeant et une Honvéd (l’armée hongroise) bien combative. Face à tous ces contretemps plutôt fâcheux, la solution vint finalement de l’est…

Nicolas Ier:

Il est tout d’abord nécessaire de dire quelques mots sur le pourquoi du comment.  Grande vainqueur de Napoléon avec la Prusse, l’Autriche et le Royaume-Uni, la Russie est l’une des principales puissances de l’époque. Même si des divisions et tensions internes la travaillent déjà, si les Polonais et d’autres nationalités qu’elle dominent réclament l’indépendance… Sa puissance est sans commune mesure avec son affaiblissement du début du XXe siècle (catastrophique guerre russo-japonaise et révolution de 1905). Elle est dirigée par Nicolas Ier. Le tsar est l’un des jeunes frères d’Alexandre Ier, l’ancien ennemi de l’empereur des Français. L’homme a connu les derniers affrontements des guerres napoléoniennes et est monté sur le trône après une tentative de soulèvement inspiré par les idées de la Révolution française (le putsch dit « des décembristes »). Depuis, il passe pour un champion de la contre-révolution, pour l’ami des autres souverains. A ce titre il estime avoir un droit de regard sur les affaires européennes et approche donc la cour de Vienne en ce sens.

Le tsar Nicolas Ier par Vladimir Dmitrievitch Svertchkov, crédit photo: wikipédia.

Les troupes russes entrent en guerre: 

Toutes ces raisons font qu’il est prêt à faire intervenir ses armées en Hongrie pour aider François-Joseph à mater la révolte, d’autant plus qu’il craint des débordements sur la Pologne voisine, dont il occupe une grande partie.  Dès l’hiver 1848 il masse donc des troupes à la frontière et entame des approches diplomatiques d’abord infructueuses. Finalement, en mai 1849, l’empereur d’Autriche accepte la proposition russe, non sans avoir hésité des mois avec son gouvernement (accepter des armées étrangères pour reconquérir son trône n’est jamais facile à accepter). Nicolas Ier le rencontre aussitôt à Varsovie et lui promet l’entrée en campagne de 100.000 hommes pour la mi-juin… Une force conséquente.

Bientôt le plan, plutôt simple, est arrêté: les troupes austro-russes, venant à la fois de l’ouest et de l’est, vont prendre leur ennemi dans une tenaille irrésistible. Elles disposent dans l’affaire de 280.000 hommes et 12.000 canons (!) face à « seulement » 150.000 Hongrois appuyés par 450 pièces. Très rapidement la disproportion de moyens fait changer le cours de la guerre et dès la mi-juin 1849 les succès s’accumulent pour les Autrichiens et les Russes. Leur ennemi, s’il ne connaît pas de déroute massive, doit céder peu à peu du terrain. Début août, seul le sud-est de la Hongrie est encore au mains des Hongrois révoltés et le pays est exsangue, lassé des combats. Le 13 de ce mois, ils préfèrent capituler. Honte suprême pour François-Joseph, c’est le commandement russe et non le sien qui reçoit cette capitulation…

Nous verrons pour terminer le règlement de la paix et les conséquences de cette guerre.

-Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 848 p.

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Bonus, un extrait de l’opéra Les décembristes de Chaporine. Peu de rapport, mais j’aime tant la musique russe que je ne sais résister:

La révolution Hongroise de 1848 : III) Les principaux combats, l’impasse pour Vienne

Alors que la tête de l’empire est frappée par une série d’évènements qui dépassent le cadre de ce récit (François-Joseph monte sur le trône, une nouvelle constitution entre en vigueur le 4 mars 1849…), les combats se poursuivent en Hongrie révoltée.

Fortunes diverses au pays des Magyars

L’armée, entrée en Hongrie à la mi-septembre 1848 (voir article précédent) connaît tout d’abord de beaux succès contre les rebelles hongrois: la ville de Buda tombe entre ses mains début décembre et il ne tient qu’au commandement de pousser son avantage. S’il se perd tout d’abord en négociations infructueuses avec la noblesse locale, Vienne le presse de reprendre l’offensive, ce qui est fait début 1849: les rebelles sont bousculés en février et le gouvernement hongrois doit se replier à Debrecen , à 200 kilomètres à l’est de Budapest. L’affaire semble en passe d’être rapidement réglée.

Pourtant, ce repli lui est bénéfique, d’autant plus qu’il est servi par une trop grande prudence du commandant en chef autrichien, qui n’avance que très lentement. Ainsi, l’armée hongroise, la honvèd, est réorganisée avec brio par le général Görgey et un transfuge polonais nommé Bem. Loin d’avoir en face d’elles des bandes de paysans indisciplinées, l’Autriche se trouve donc à affronter de vraies unités bien commandées et disposant à la fois de matériel et d’encadrement (ainsi que la sympathie des populations locales). Le résultat est catastrophique: après la phase ascendante que l’on vient de voir, Vienne est repoussée sur tous les fronts ! En effet les Hongrois repassent à l’offensive et, mi-avril, presque tout le territoire de la couronne de Saint-Etienne doit être évacué par les forces du pouvoir central…

Face à cela, l’empereur et son gouvernement décident d’agir.

Bataille de Kápolna, victoire autrichienne début 1849. Gravure de Mór Than. Crédit photo, wikipédia.

Réaction des Habsbourg

Or, il y a de quoi être inquiet: le 14 avril Kossuth (voir premier article) et ses partisans ont proclamé la déchéance de la dynastie Habsbourg ! Analysant la situation, le haut-commandement se rend compte que les multiples retards de son chef en Hongrie, un certain Windischgraetz, sont la clé du problème. Si l’homme est on ne peut plus loyal à l’Empereur, ses atermoiements deviennent trop préoccupants. Le gouvernement se décide a demander sa tête et il est relevé de son commandement. Cette décision a coûté à François-Joseph qui répugne à désavouer un serviteur l’ayant aidé à conquérir son trône.

Toutefois son remplaçant s’avère être un incapable qui ne peut rétablir la situation et subit de nouveaux revers. Encore empêtrée en Italie et en Bohême, l’armée loyaliste ne peut envoyer un seul homme supplémentaire pour vaincre les rebelles. L’affaire donne dans l’impasse quand, un nouvel acteur rentre sur la scène: la Russie de Nicolas Ier… 

Windischgraetz, commandant médiocre en Hongrie (1848-1849). Lithographie de 1852. Crédit photo: wikipédia.

-Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 848 p.

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La Révolution Hongroise de 1848: I) Causes et déclenchement

Introduction :

Royaume indépendant au Moyen-âge, la Hongrie est conquise au XVIe siècle par la puissance montante qu’est l’Empire Ottoman, en pleine progression vers l’ouest. Celui-ci stoppé dans sa marche (bataille de Lépante en 1571 notamment), le territoire de la couronne de Saint-Etienne (premier roi de Hongrie) est alors occupé par les Habsbourg d’Autriche. Cette domination qui dure jusqu’en 1918 est émaillée de luttes du peuple Magyar (l’autre nom des Hongrois) pour sa liberté et la reconnaissance de ses droits. Nous allons donc étudier aujourd’hui l’une des plus importantes de ces phases, la Révolution de 1848.

La Hongrie et Vienne :

En fait depuis son annexion, la Hongrie n’a jamais été totalement absorbée par l’Autriche. La culture et la langue y restent différentes du monde allemand, l’élément dominant de l’Empire autrichien. Ainsi, depuis le début du XIXe siècle, la bourgeoisie et la haute société locales multiplient les prises de position publiques pour la défense de leur identité face à ce qu’ils considèrent comme une occupation étrangère, certes plus enviable que celle des Turcs. Une presse hostile à Vienne paraît, des livres d’histoire rappellent le passé glorieux des Magyars, les élites demandent une  magyarisation de l’administration, de l’éducation et de l’économie… Ainsi que de nouveaux droits, et même un gouvernement local hongrois. Enfin, les paysans sans terre restent nombreux et joignent leur voix à ce concert discordant où l’on entend également les revendications des Italiens, Polonais, Roumains, Tchèques et autres Croates sur lesquels règnent les Habsbourg. Un élément déclencheur va servir de détonateur. 

Lajos Kossuth, patriote Hongrois très lié à 1848. Crédit photo: wikipédia.

L’année 1848 :

En effet, depuis 1789, l’Europe est parcourue de troubles révolutionnaires plus ou moins importants, et qui se sont diffusés avec les armées napoléoniennes, transmettant de gré ou de force les idéaux de la Révolution Française. C’est pourquoi les années 1815-1848 sont parsemées de luttes des peuples contre des régimes souvent de monarchie « absolue » (Italie, Espagne…) ou étrangers (les Polonais contre les Russes…). Un nouveau cran est atteint en 1848 : une vague de révolte part d’Italie. Loin de s’arrêter, elle est puissamment relayée par Paris (à nouveau) et secoue comme jamais l’Europe des princes, dont beaucoup doivent accorder des libertés sous cette pression.

Or, celle-ci atteint la monarchie danubienne. Dès le 3 mars 1848, aussitôt les événements de Paris connus (Louis-Philippe est renversé et remplacé par la Deuxième République), le patriote hongrois Kossuth appelle à la formation d’un gouvernement Hongrois, prélude au sujet qui nous intéresse… 

Bibliographie:

-Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 848 p.

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L’armée autrichienne de 1815 à 1859 II sur II.

Le calme revenu, François-Joseph, le nouvel empereur, monté sur le trône à la faveur des évènements révolutionnaires, est en droit de s’interroger. Si l’armée est restée fidèle et qu’elle a sauvé l’Empire (Radetsky le dit clairement à ses soldats), elle n’en a pas moins accusé le coup, a dû se battre sur deux fronts et n’a dû son salut qu’avec l’aide des Russes, qui se comportent comme les vrais vainqueurs dans l’affaire. Or, François-Joseph est un homme que l’armée intéresse, il a reçu une éducation en ce sens. De plus, il est dans les jeunes années de son règne, généralement les plus fécondes, là où l’on ose le plus avant que l’âge ne tempère. Nous sommes donc en droit de penser que de 1848 à 1859 il aurait eu le temps de reforger son outil…
 
Toutefois il faut aussi bien avoir conscience qu’à l’instar du tsar, l’empereur d’Autriche est un homme de principes, de légitimité, un champion de l’ordre et de la lutte contre les idéaux véhiculés depuis la Révolution Française. Souverain d’un ensemble mêlant plus d’une dizaine de peuples hétéroclites, des portes de  l’Allemagne à la Roumanie, il ne peut se permettre d’être autrement, juge-t-il.
C’est pourquoi sa première période de règne (1848-1859) est dite « néo-absolutiste », ce qui est assez éloquent. Ainsi, tout ceci se reflète sur l’institution militaire: les officiers sont pétris de ces idées. D’ailleurs, l’armée opère encore des opérations de maintien de l’ordre, comme on les nommerait aujourd’hui: l’état de siège demeure actif jusqu’à la fin 1853 à Vienne ou Prague, et mi-1854 en Transylvanie. La capitale reçoit un dispositif renforcé pour pouvoir mieux lutter contre de futurs troubles et les régiments ne se privent pas de défiler dans la ville. François-Joseph entend se mêler de près aux affaires militaires. Ainsi, il supprime le ministère de la guerre, né de la révolution de 1848, en 1853 et exerce pleinement son autorité à travers sa chancellerie militaire. Ce faisant, il étouffe la création d’institutions modernes comme un grand-quartier général et ouvre la voie au clientélisme: il s’agit de plaire au comte Grünne (qui dirige l’ensemble et n’a jamais commandé sur le terrain).

François-Joseph en 1853 (image trouvée sur wiki).

 

Homme tourné vers les grands principes du passé, l’empereur entend surtout que ses troupes et officiers lui soient unis par des liens de fidélité quasi féodaux. Si c’est entretenir là un haut niveau de moralité au sein de l’armée, cela ne forme pas aux nouvelles réalités de la guerre, liées dorénavant aux progrès de la Révolution Industrielle. D’ailleurs, si le souverain se pique de commander, il n’est pas un grand stratège et, dessillé, ne s’y risqua plus après l’épisode de la guerre d’Italie. Nombre d’officiers sont placés car ils sont bien vus en cour, mais leur qualités de stratège sont pauvres: le remplaçant du vieux Radetsky, mort en 1858 à 91 ans, en est la meilleure illustration (voir articles sur la guerre de 1859): il s’avéra être un incapable. L’armement aussi est en retard et cela se fit sentir en 1859 où l’artillerie française surclasse celle des Autrichiens. Même commentaire en 1866 quand le fusil Dreyse dépasse de loin l’équivalent des habits blancs. En bref, l’armée autrichienne semble plus être dirigée par des guerriers, des courtisans que des soldats. Cette ambiance n’est pas sans rappeler celle que je décrivais pour la France de la même époque, ici:

 A noter que l’industrialisation seulement partielle du pays, son étendue, son caractère hétéroclite et les difficultés budgétaires n’ont pas arrangé l’ensemble.

Source: Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 853 p.

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