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La bataille d’Isly, IV sur IV.

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La bataille débute:

La veille de la bataille Bugeaud fait un discours expliquant à ses soldats ce qui se passera le lendemain, comme Napoléon avant Austerliz. C’est assez rare de la part des officiers pour qu’on le note. On peut y entendre que peu importe le nombre de l’ennemi, la victoire sera française grâce à la formation précédemment décrite et dite en « hure de sanglier ». Sidi Mohammed, le chef marocain, occupe certes une bonne position, mais il n’en bouge pas et décide d’y attendre les Français. Abd el-Kader, qui n’était pas présent à la bataille, aurait dit que c’était là une grossière erreur, une faute considérable que d’y planter sa tente. En effet c’était rien de moins que donner un objectif aux français, ce qui ne fallait surtout pas faire! Le fils du sultan se passa de ses conseils.

Le champ de bataille est une steppe typique de la région, traversée par l’oued Isly. A sec en cette saison, il est tout de même un obstacle en raison de ses pentes abruptes. C’est ainsi que, le 14 août, à deux heures du matin, la colonne Bugeaud se met en marche. Elle arrive sur place après 7 heures de marche (!) et aperçoit d’emblée le camp marocain. L’Isly est franchi sans trop de peine et la formation en losange est adoptée. Cavaignac au milieu, flanqué de Bedeau et Pélissier respectivement à droite et à gauche.  Tous ces officiers jouèrent un rôle par la suite, en 1848 ou sous le Second Empire. Au centre de la « hure », Bugeaud avec la cavalerie et le convoi, cible prioritaire des guerriers ennemis qui les pillent. Dans un premier temps la cavalerie marocaine charge. Elle est accueillie par des tirailleurs (l’infanterie légère rompue à cet exercice) précédant les carrés. Il se couchent ensuite pour laisser tirer ceux-ci. On ne sait pas bien comment ils ont ensuite fait pour éviter les chevaux… Toujours-est-il que les carrés formés sur trois rang (et non pas deux comme les Britanniques avaient l’habitude de faire) brisent l’élan chérifien, soutenus dans l’affaire par les pièces de campagne. Celles-ci n’ont toutefois pas un rôle très important. D’ailleurs, une batterie est même forcée d’interrompre le tir, les servants étant terrassés par la chaleur.

Vernet, « La bataille d’Isly », 1846. Crédit photo: wikipédia.

Une victoire française: 

L’attaque ennemie ayant été stoppée avec succès, Bugeaud décide de lancer en avant sa propre cavalerie. Elle parvient jusqu’au camp de Sidi Mohammed et l’occupe, suivie de près par l’infanterie. Seule une partie, sous le colonel Morris, a repassé l’Isly pour prendre l’aile gauche marocaine à revers. Elle est prise plus durement à partie mais les fantassins lui tendent la main et dégagent leurs camarades. Au bout de trois heures la bataille est finie. Les Français perdent officiellement 27 tués et 100 blessés contre 800 Marocains. Mais il y a 1500 malades les jours qui suivent (il fait très très chaud)! Pourtant le résultat est indubitable, c’est une franche victoire de Bugeaud. Ce dernier ne va pas plus loin et son adversaire se replie jusqu’à Taza, c’est à dire à 200 kilomètres de là.
Le Français sait qu’il ne peut rien faire de plus avec si peu d’hommes, surtout en été. C’est ce qu’il dit ultérieurement à la Chambre d’ailleurs. On se contente donc de ravager le pays alentour pendant le retour en Algérie. Quant à Joinville, il bombarde Mogador et l’occupe. Le gouvernement marocain ne peut plus faire autre chose que d’accepter les exigences françaises. Abd el-Kader est mis hors-la-loi et on décide de fixer clairement la frontière (convention de Lalla-Marnia). Ce qui est fait en 1845, mais seulement sur 100 kilomètres à partir de la mer. Toutefois l’émir ne se rendit que trois ans plus tard, après avoir été chassé du Maroc (on craignait qu’il ne soulève les tribus frontalières pour son compte).

Conclusion: 

Le succès est donc entier. Bien sûr les objectifs étaient somme toute limités et plusieurs personnes trouvent que la nomination de Bugeaud comme duc d’Isly (le nom de le bataille rejoint celles des guerres napoléoniennes sur les drapeaux) est un peu exagérée. Mais c’était dans l’air du temps; le russe Paskiévitch est bien fait comte d’Erevan et le britannique Roberts de Kandahar… Ce que l’on ne peut contester est que la formation de Bugeaud fut très efficace et devint un modèle pour les armées coloniales. Elles ne disparut que dans les années 1920-1930, la trop grande évolution de l’armement depuis le premier XIXe siècle rendant le dispositif caduc. On retrouve encore ce modèle à Omdurman (1898, Britanniques contre Soudanais) par exemple…
Les Américains envoyèrent même des officiers étudier les méthodes de la cavalerie française en Algérie, pour s’en servir contre les Indiens. Quant au Maroc, il ne fut occupé qu’en 1904, après l’entente cordiale

Bibliographie:

-Cours de master (Paris-IV).

Pour en savoir plus:

Frémeaux (Jacques), La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, 365 p.

Les articles sur la prise de la smala:

https://antredustratege.com/2013/09/06/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-i-sur-iii/

https://antredustratege.com/2013/09/07/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-le-16-mai-1843-ii-sur-iii/

https://antredustratege.com/2013/09/08/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-le-16-mai-1843-iii-sur-iii/

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La bataille d’Isly, III sur IV.

De part et d’autre de la frontière:

Si l’Armée préférerait faire campagne au printemps, la Marine entend agir en été pour bénéficier des meilleures conditions possibles…
On se calque donc sur ses vues et la colonne formée le 5 juin reste 45 jours à Lalla Maghnia  (dont trente en sortie)! Pour tenir, on a ménagé des magasins, on a creusé des bassins pour la rétention d’eau et qui permettent de faire du poste une vraie base arrière. La frontière est franchie à quatre reprises et quelques engagements de peu d’envergure ont lieu. Le sultan ne réplique pas par la guerre et propose de négocier…
Malgré cela, il est séduit par l’idée d’une démonstration avantageuse à ses armes. C’est ainsi qu’il envoie ses forces sur la zone. Il se dit prêt à enfermer Abd el-Kader si les Français évacuent Lalla Maghnia. Bugeaud est d’accord pour ne pas se battre, mais refuse d’abandonner le poste. En effet une reculade serait compromettre les intérêts français dans la zone. Les guerriers algériens relèveraient la tête, à peine pacifiés qu’ils étaient à l’époque. De plus, Bugeaud est certain de remporter la bataille. Pendant ce temps la marine française fait ses démonstrations sur la côte. Elle est devant Tanger en juillet, grande ville commerciale du pays et centre diplomatique (le personnel étranger ne la quitte pas). Bon moyen de pression, donc.  Joinville envoie un ultimatum, lequel est repoussé par le gouvernement marocain, peut-être aiguillé par Londres.

Rivalités entre Marine et Armée:

A noter qu’il y eut une importante correspondance entre Joinville et Bugeaud. On y voit bien la rivalité entre Marine et Armée, à la fois pour des raisons de prestige et de budget. Le premier aurait même été influencé par les dires du second dans son choix d’agir. En effet, le 2 août, il annonce qu’il va se mettre en branle. Bugeaud décide à son tour de passer à l’action, alors même que l’armée marocaine arrive sur la frontière. Le 11 il apprend que son « rival » a bombardé Tanger cinq jours plus tôt (c’est le temps que met la correspondance). Le prince en est fier: il a agi devant les navires de sa gracieuse majesté basés à Gibraltar! Bugeaud estime qu’il faut forcer le destin et choisit la date du 14 août, attendant quelques renforts d’ici là. Avait-il le droit d’engager la bataille? On pense que oui. Soult, ministre de la Guerre, laissait entendre le 22 juillet qu’il le pouvait, à condition qu’il regagne l’Algérie sans s’avancer trop profondément en territoire chérifien. Pourtant, on sait aussi que Bugeaud se vanta au duc d’Aumale d’avoir outrepassé les instructions d’une lettre de Soult reçue peu avant la bataille…

Joseph Vantini, dit Yusuf (voir articles sur la smala). Crédits photo, wikipédia

Les effectifs et les tactiques employées: 

Toujours-est-il qu’à Isly, Bugeaud dispose de 10,000 hommes. Essentiellement des fantassins (8,000), 1,500 cavaliers (chasseurs sous Yusuf et des spahis) ainsi que 16 canons. C’est plus une grosse colonne qu’une armée. L’effectif marocain n’est pas précisément connu et court de 20-25,000 hommes au double suivant les auteurs. Ce sont avant tout des contingents fournis par les tribus guich; c’est à dire devant le service militaire au sultan contre des terres, un peu à la manière cosaque. Il y a également quelques contingents de gardes royaux et un peu d’artillerie. L’organisation est archaïque et l’armement inférieur. Les fusils de ces hommes sont traditionnels, à pierre et non à percussion. C’est à dire que les ratés sont encore nombreux là où une capsule de produit chimique remplace le silex chez les Français. Quant aux canons, les peuples orientaux les utilisent plus volontiers lors des sièges qu’en campagne.
Les cavaliers marocains tentent en fait de briser l’ennemi par leurs charges, mais n’utilisent pour ce faire pas le choc du cheval lancé à pleine vitesse, ils usent plus volontiers d’une sorte de caracole (c’est à dire qu’ils tirent à bout portant avec leurs armes). C’est impressionnant (ils cabrent leurs chevaux), mais peu efficace. En effet Bugeaud met sur pied un gigantesque carré, ou plutôt un losange fait de multiples bataillons séparés les uns des autres et se formant chacun en carré réduit, sur trois rangs. Ils se couvriront ainsi de leurs feux et l’intervalle entre eux sera battu par l’artillerie! La cavalerie et le commandement resteront au centre. On argua qu’en Europe, où la guerre avait évolué, un tel dispositif n’aurait pas marché, mais le fait est que nous ne sommes justement pas sur le vieux continent et l’accusation n’a pas lieu d’être.

Bibliographie:

-Cours de master (Paris-IV).

Pour en savoir plus:

Frémeaux (Jacques), La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, 365 p.

Les articles sur la prise de la smala:

https://antredustratege.com/2013/09/06/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-i-sur-iii/

https://antredustratege.com/2013/09/07/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-le-16-mai-1843-ii-sur-iii/

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La bataille d’Isly, II sur IV.

Le Maroc en 1844

Au XVIII-XIXe siècle le pays demeure donc indépendant (voir article précédent). Il faut dire que Londres y veille. En effet il y a d’une part Gibraltar juste en face (sur la direction de la route des Indes, on passe à pied sec à Suez en l’absence de canal) et de l’autre le pays est un marché réel: les Britanniques y expédient leurs productions textiles, des métaux et même du sucre et du thé. En effet, ces produits n’ont pas encore le caractère ritualisé qu’ils ont aujourd’hui, on commence seulement à les consommer en grande quantité et les Arabes ont plus l’habitude du café qui vient de Moka. Enfin, quelques caravanes se dirigent du Maroc vers l’Afrique noire. C’est peu important, mais existe tout de même. Les Anglais ne veulent ni l’envahir, ni que les autres le fassent à leur place. En 1830 les Français n’ont guère de soucis diplomatiques avec le Maroc, lequel est même plutôt content d’être débarrassé des Turcs voisins (ils contrôlaient l’Algérie par le biais d’une régence). Hors une tentative d’agrandissement en direction de Tlemcen, il n’y eut pas de frictions.

La marche vers la guerre:

Ce qui complique les choses, c’est la position d’Abd el-Kader, réfugié dans le pays après ses échecs face aux Français (la prise de sa smala l’an passé par exemple, liens plus bas). De là se pose la question du « droit de suite : les français peuvent-ils le poursuivre là-bas? Juridiquement Paris veut bien que le sultan le reçoive, mais s’il est interné et non qu’il utilise ses terres comme d’une base arrière. Car l’émir a même reformé un camp (de moindre envergure que la smala, certes): la deïra. Or, si l’empereur chérifien ne veut pas de guerre avec la France, il ne peut se résoudre à traiter Abd el-kader comme un ennemi. D’ailleurs les élites de son pays lui sont favorables. Mais si l’ire des français serait terrible, plusieurs dynasties sont tombées dans le passé, pour n’avoir agi vigoureusement contre des menaces extérieures. Il y va donc de sa crédibilité. Ainsi, en 1844, des incidents de frontière éclatent autour du poste français de Lalla-Maghnia. Situé à seulement 25 kilomètres de la ville d’Oujda, il comporte une importante garnison et sa présence est vécue comme une menace. Soldats français et guerriers marocains s’accrochent à plusieurs reprises. On juge alors en haut lieu qu’il faut faire une démonstration de force pour impressionner le Maroc et l’amener à entendre raison.

Le prince de Joinville, le plus marin des fils de Louis-Philippe. Il vint chercher Napoléon pour le ramener à Paris en 1840. Crédits photo: Wikipédia.

D’une part une colonne est placée sous le commandement de Bugeaud, et d’autre part une escadre opère sous les ordres de Joinville, le troisième fils du roi Louis-Philippe et le marin de la famille. Le but n’est pas de conquérir le pays, Londres ne verrait pas cela d’un bon œil (en pleine entente cordiale-la première- d’ailleurs, ce serait du plus mauvais effet)… En fait il s’agit « juste » d’abattre la prétention des Marocains qui se considèrent comme une puissance militaire non négligeable. En effet le pays a jusque là réussi à se défendre avec succès contre les envahisseurs, ce qui ne le rend pas des plus enclins à la négociation.

Bibliographie:

-Cours de master (Paris-IV).

Pour en savoir plus:

Frémeaux (Jacques), La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, 365 p.

Les articles sur la prise de la smala:

https://antredustratege.com/2013/09/06/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-i-sur-iii/

https://antredustratege.com/2013/09/07/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-le-16-mai-1843-ii-sur-iii/

https://antredustratege.com/2013/09/08/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-le-16-mai-1843-iii-sur-iii/

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