Les Français en Haute-Silésie (1920-1921): I) Contexte, déclenchement de l’opération.
Introduction, présentation du territoire:
Terre historiquement polonaise, la Silésie est passée aux mains de la Bohème, puis des Habsbourg d’Autriche…. avant d’être finalement récupérée pour la Prusse par Frédéric II à l’issue de la guerre de succession d’Autriche, à la moitié du XVIIE siècle. Malgré cette longue appartenance, il y reste un peuplement polonais important au sortir de la Première Guerre mondiale. Or, le pays renaissant, dont les frontières n’ont pas été fixées par traité, aimerait retrouver cette terre ancestrale en cette année 1919. Il faut dire qu’elle est un bassin minier très important, dont la Pologne, également très rurale, est dépourvue. D’un autre côté, les Allemands ont des liens avec la région depuis l’époque de la Hanse, cette république marchande de la Baltique, au Moyen-âge… D’ailleurs en 1813, l’essentiel des troupes qui ont vaincu Napoléon et libéré la Prusse venait de là… Notons aussi que le GQG allemand de la guerre qui vient de se finir y était, l’empereur étant passé à de nombreuses reprises. Enfin, le sous-sol est une autre donnée très importante : l’Allemagne entend bien garder cette région riche (la presse française de l’époque la présente comme l’arsenal allemand, citant par exemple les aciers spéciaux). D’autant plus que, traité de Versailles oblige, la Sarre, autre région minière, est administrée par les Français (jusqu’en 1935) et que le bassin houiller de la Ruhr est menacé (la région est effectivement occupée en 1923 par une force franco-belge). Situation passablement compliquée, donc.

Les Français à Dortmund en 1924, crédits photo: Bundesarchiv.
Pourquoi les alliés?
Comment les alliés s’y trouvèrent projetés ? Avant tout pour éviter une guerre dans une Europe très meurtrie (nous sommes en 1919). Pour désamorcer la crise qui point entre les deux pays, il est donc prévu d’envoyer une « force d’occupation pacifique » pour trouver une solution sur place. En attendant, la possession reste à l’Allemagne. Il n’est pas prévu que les Alliés puissent changer les lois locales, pour ne pas paraître trop intrusifs. En fait, le commandant des troupes françaises, le général Lerond profita d’une faille dans ses instructions pour pouvoir agir à sa guise. Les Américains, qui auraient dû faire partie de l’opération, ne sont finalement pas présents, étant donné qu’ils ont refusé le traité de Versailles. Il est important de savoir que les Français ont tout d’abord tenté de faire accepter le rattachement pur et simple de la Haute-Silésie à la Pologne. Lloyd George et Wilson (respectivement premier ministre de la Grande-Bretagne et président des Etats-Unis) n’ont pas voulu en entendre parler, refusant de créer une nouvelle Alsace-Lorraine au cœur de l’Europe. Clemenceau dut donc accepter l’idée de plébiscite, croyant (comme la majorité des Français), que la province allait nécessairement voter en masse le rattachement à la Pologne… Car enfin, qui voudrait vivre un instant de plus sous la botte allemande ? Berlin a donc tenté de jouer la carte de Londres contre Paris, elle, appuyant Varsovie et faire s’empoigner les deux alliés… On le voit, sitôt la guerre finie, les jeux d’influences entre pays reprennent de plus belle.

La Silésie à l’heure actuelle. Crédits photos: wikipedia.
Les Français en Silésie:
La France a alors une mission militaire en Pologne (guerre contre Moscou bolchevique oblige), qui croît en importance et participe au « miracle de la Vistule » (l’arrêt des soviétiques aux portes de Varsovie). A noter que de Gaulle en faisait partie… La solidarité est donc, à cet instant, très forte forte entre les deux pays. Les troupes envoyées sur place sont accompagnées de civils, devant former l’armature de ministères à l’échelle locale. Ces départements sont au nombre de sept, 4 sont dirigés par les Français, deux par les Britanniques et un par les Italiens (l’écrivain Curzio Malaparte fait alors un tour en Pologne). Il ne s’agit pas de se substituer à l’administration allemande, mais seulement de la contrôler. Les fonctionnaires impériaux sont donc conservés, ce qui, on s’en doute, posa des difficultés.
Les soldats français de la 46e division d’infanterie (des chasseurs) désignés pour se rendre en Silésie viennent de sortir de la Première Guerre mondiale. Ils gardent alors des prisonniers allemands dans l’est de la France, où ceux-ci, dans un quasi travail forcé, participent à la reconstruction. Et voilà qu’on leur demande de partir en Silésie pour s’interposer entre Allemands et Polonais, en gardant à l’esprit un souci d’équité, de neutralité! On s’en doute, ce n’est pas forcément facile d’aller aider « les boches » dans un tel climat, une telle actualité encore brûlante… De plus, cette opération ne peut être totalement dégagée des relations diplomatiques, d’une part entre Paris et Londres, et d’autre part entre Berlin et Varsovie. Nous y reviendrons. Rome, qui participe à l’opération, et Prague sont aussi intéressées, la seconde car elle lorgne sur Teschen, ville et sa région disputées… et qu’elle ravit finalement aux Polonais (qui la récupèrent un temps en 1938)…
Source: conférence donnée par le Lieutenant-Colonel Rémy Porte, qui a fait son habilitation à diriger les recherches sur la question. Il est un des rares à avoir parlé de cette opération, profitez-en, donc!
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