L’indépendance de la Belgique: III) Le dénouement final
Retour aux négociations
La trêve ramène les parties en présence sur la table des négociations de la conférence de Londres, toujours en cours. Si le roi des Pays-Bas a dû retirer son armée sous la pression des puissances, celle-ci a montré qu’elle avait de réelles capacités militaires. Fort de cet atout, il se trouve en meilleure position que quelques mois auparavant. Les Belges, qui doivent leur salut à l’armée française et le savent, sont obligés de revoir leurs prétentions à la baisse, notamment territoriales. Ainsi, le Luxembourg et le Limbourg ne lui reviennent pas totalement comme espérés, mais seulement une partie. Les puissances décident que Maastricht demeure néerlandaise et que le reste du grand-duché soit toujours considéré comme une possession personnelle de Guillaume.
L’indépendance de la Belgique: I) Les résultats de la conférence de Londres
La révolution belge de 1830 ne signifie pas l’indépendance pleine et entière. Les événements y conduisant dépassent largement le cadre de cette année. Le dernier billet avait été l’occasion de rappeler l’ouverture de la conférence de Londres devant régler la question belge, et la trêve proclamée sur le terrain à cette occasion. C’est pourquoi nous revenons à présent sur les faits ultérieurs qui débouchent sur l’arrivée d’un nouvel État dans le concert européen.
La révolution belge de 1830: III) Le déclenchement
Le soulèvement d’août 1830
La chronologie a une certaine importance: le 9 août 1830, Louis-Philippe prend le pouvoir en France, et on a dit que cette révolution précédait et inspirait d’autres mouvements en Europe. En Belgique, le même mois est très agité et débouche le 25 sur des événements révolutionnaires à Bruxelles, dont le point de départ est lié à une représentation de la Muette de Portici, un opéra où l’amour de la liberté est largement évoqué. Elle donne l’impulsion décisive, même si ce n’est que le « déclic » et pas la raison principale. Tout de même, de l’interprétation de la Marseillaise dans les théâtres pendant la Révolution au rôle de la musique de Verdi pendant le Risorgimento, il y aurait beaucoup à dire sur musique et politique, musique et révolution au XIXe siècle…
La révolution belge de 1830: II) La montée des contestations
La politique du roi des Pays-Bas
La révolution de 1830 ne doit pas faire penser a posteriori que le roi Guillaume 1er n’ait fait que des erreurs ou ait totalement méconnu son nouveau territoire. Son fils a notamment combattu à Waterloo où il fait ériger un monument en son honneur, à l’endroit où il aurait été blessé. C’est la fameuse butte du lion (voir photo). De plus, il réalise d’importants investissements financiers en Belgique, développe l’industrie et le commerce. Les chantiers défensifs qui se multiplient (Huy, fort d’Orange à Namur…) donnent aussi indirectement du travail et sont un symbole de sa présence.
La révolution belge de 1830: I) Le contexte
Largement méconnue par ses voisins français, l’histoire de la Belgique est également saturée de clichés auprès du grand public. Ce pays n’aurait pas d’histoire, serait une construction artificielle, serait voué à disparaître, mais également incompréhensible etc. N’y voyons pas de la malveillance, bien qu’une forme de condescendance puisse exister de la part de certains Français, mais plutôt un mélange de méconnaissance (que des programmes scolaires évoquant très peu ce pays n’aident pas à combler (1) ), et de facilité qu’il y a à se reposer sur des poncifs rassurants.
La « glorieuse révolution » de 1688-1689: III) Guillaume débarque en Angleterre
L’été 1688
Malgré la situation intérieure tendue en Angleterre que nous avons décrite, celle-ci ne se détériore pas au point de créer une menace pour le trône de James II. Le roi a eu vent des projets de Guillaume d’Orange, mais durant une grande partie de l’été 1688 il ne le croit pas capable de rassembler une force suffisante pour franchir la mer et débarquer sur ses côtes. D’ailleurs, son raisonnement est loin d’être stupide: la guerre menace sur le continent entre la France et bon nombre de puissances européennes… Avant de finalement éclater fin septembre et d’être connue sous le nom de « guerre de la ligue d’Augsbourg ». Or, dans ce conflit encore en gestation, tout laisse croire que les Pays-Bas vont être à nouveau contre la France (ce qui va arriver) et il paraît bien étrange que le stathouder s’éloigne de ses États dans une pareille période de crise.
Toutefois, il apparaît que Louis XIV va frapper plus au sud, sur le Rhin et sa flotte ne fait pas mine de bouger hors de Méditerranée. Soulagés, les Pays-Bas autorisent donc William à tenter l’aventure anglaise, et cela montre bien que, théoriquement allié de l’Angleterre et de son cousin, le roi de France mène sa propre politique. Cette fois alarmé, James II veut renforcer ses troupes. Il donne des gages aux Tories pour qu’ils le soutiennent, en commençant à revenir sur les concessions accordées aux catholiques et aux dissenters. Toutefois, il a perdu trop de temps et le cours des événements va s’accélérer.

Une des scènes de l’embarquement: la frégate « Brielle » à Rotterdam. Tableau de Ludolf Bakhuizen (1689) conservé au Rijksmuseum (https://www.rijksmuseum.nl/en) . Image libre de droits hébergée sur Wikipédia: https://en.wikipedia.org/wiki/File:Het_oorlogsschip_%27Brielle%27_op_de_Maas_voor_Rotterdam_-_The_warship_%27Brielle%27_on_the_Maas_before_Rotterdam_(Ludolf_Backhuysen,_1689).jpg
William débarque en Angleterre
Après l’échec d’une première tentative, dû à une tempête, comme il est courant au temps de la marine à voile, Guillaume retente la traversée à l’automne. Il parvient à éviter la Royal Navy et débarque à Torbay dans le Devon, au sud-ouest de l’Angleterre, avec 21.000 hommes aguerris et bien équipés. Si les forces de son adversaire sont plus nombreuses, il a le soin de présenter son entreprise comme légitime. Il distribue de nombreux feuillets l’expliquant, ce qui est facilité par le fait qu’il a emmené une imprimerie avec lui. De plus, il prend soin d’affirmer qu’il vient au secours du peuple anglais, pour le libérer de la mauvaise politique de son roi. Ainsi, ce bon communiquant entend-il ne pas passer pour l’agresseur, mais pour un libérateur notamment auprès des autres monarques. Il ne dit pas clairement qu’il veut devenir roi… Tout en ne disant pas non plus qu’il ne le souhaite pas !
Face à tout cela, si l’armée de James lui reste fidèle, on ne peut pas en dire autant des parlementaires qui ne s’opposent pas fermement à Guillaume. La population, elle, dans sa majorité gronde sourdement: des lieux de culte catholique sont attaqués, et une rumeur se répand: le roi aurait engagé des papistes irlandais et français pour la massacrer. C’est dans ce contexte d’impopularité totale, alors que des seigneurs protestants se sont révoltés dans le centre et le nord du pays, que James marche à la rencontre de Guillaume, qui remonte lentement vers lui…

Guillaume débarquant à Torbay. Tableau très conventionnel qui lui accorde une grande place. L’oeuvre de Jan Wyck est conservée au musée maritime de Greenwich. Image hébergée sur Wikipédia; https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/af/William_III_Landing_at_Brixham%2C_Torbay%2C_5_November_1688.jpg https://www.rmg.co.uk/national-maritime-museum
Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):
-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.
-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.
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La « glorieuse révolution » de 1688-1689: II) Le déclenchement
Une accumulation de tensions
James II monte donc sur le trône en 1685, et ne s’y maintient que trois ans, mais l’issue n’était pas acquise dès le départ et il faut, en histoire, se garder d’orienter notre vision des faits vers le résultat produit. En effet, il a des soutiens, notamment la fraction conservatrice du parlement, les Tories. Ces parlementaires, inquiets d’un possible désordre, ont refusé qu’il soit exclut de la succession et espèrent qu’il va régner en apparence comme un anglican, bien qu’il se soit converti au catholicisme.
Or, si son frère Charles II avait su refouler en public sa préférence pour cette dernière religion, ce n’est pas le cas du cadet, et c’est bien là que réside son problème. Ainsi, en 1687, il fait éditer une déclaration d’indulgence plutôt large, qui donne tout simplement la liberté de culte aux catholiques et accorde un statut proche aux Dissenters, une fraction protestante rigoriste opposée à l’Eglise anglicane, jugée comme restée trop proche du catholicisme.
Si l’on peut, à quelques siècles de distance, évaluer positivement cette décision très tolérante, qui arrive bien avant l’émancipation définitive des catholiques (1829), le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne fut pas jugée ainsi à l’époque. Ainsi les Dissenters apprécient une liberté retrouvée… Mais certains trouvent qu’elle donne trop de droits aux « papistes » exécrés, et le commentaire peut être valable dans l’autre sens ! De plus, le roi force le clergé anglican à lire cette déclaration, ce qui est catastrophique et plusieurs évêques refusent de se soumettre à l’injonction royale. Sept d’entre eux protestent, sont jugés… Et finalement acquittés dans une grande ferveur populaire.
Les tensions se cristallisent en 1687 quand l’annonce de la grossesse de la reine est rendue publique: le roi espère tout naturellement un fils pour lui succéder, alors qu’une partie de l’opinion le craint, car tout indique qu’il sera élevé dans la foi catholique.

La reine Mary, épouse de Guillaume d’Orange. Copie d’un portrait de Lely (vers 1677-1680). Image libre de droits hébergée sur wikipédia.
Guillaume d’Orange entre en lice
C’est là que Mary, fille de James II issue d’un premier mariage, rentre dans le récit. Épouse de Guillaume d’Orange, Stathouder (gouverneur général au pouvoir exécutif assez fort) des Provinces-Unies (Pays-Bas) et adversaire farouche de Louis XIV, elle représente une alternative viable pour ceux qui s’opposent au roi. Élevée comme anglicane, unie à un protestant, héritière légitime tant que son père n’a pas de garçon, elle ne représente donc pas de danger. De plus, Guillaume regarde lui aussi vers l’Angleterre. Le trône l’intéresse, il n’entend pas être un simple consort, et mettre la main sur la puissante flotte britannique lui permettrait de lutter efficacement contre la France.
Ainsi, le 30 juin 1688, sept hommes parmi les plus influents du pays, notamment des politiciens Whig, l’autre tendance du parlement, opposée aux Tories, écrivent une lettre à Guillaume, lui demandant de venir en Angleterre. On sait d’ailleurs qu’elle ne fut pas spontanée: le Stathouder pressa ses contacts sur l’île d’agir en ce sens, surtout après la naissance effective du fils de James II vingt jours plus tôt. Il avait de plus pris sa décision d’envahir l’Angleterre dès mai. Toutefois, on le verra, il fallut encore de nombreux mois pour résoudre la crise.

Guillaume d’Orange, puissant home d’Etat néerlandais et par la force des choses anglais portrait de Kneller vers 1680. Image libre de droits hébergée sur wikipédia.
Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):
-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.
-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.
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