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La Belgique dans la Première Guerre mondiale: V) Les formes de résistance à l’occupation

Nous avons vu précédemment une forme d’organisation civile face aux aspects les plus durs de l’occupation allemande, avec la question du comité du ravitaillement. Si c’est indéniablement la mise en place d’une structure destinée à soulager la vie des Belges occupés, on ne peut pas pour autant parler de résistance armée dans son cas. Or, sans comparaison possible avec la Seconde Guerre mondiale, on relève tout de même des oppositions plus violentes à la présence allemande en Belgique. Celles-ci conduisent tout naturellement les forces du Kaiser à leur faire face.

Différentes formes de résistance

Je l’ai rappelé en introduction, 14-18 n’est pas 39-45. La guerre menée par les troupes du Kaiser est dure, très dure, comme en témoignent les destructions en Belgique en 1914 (notamment à Louvain, sans parler des exactions commises à Liège le 20 août), les réquisitions évoquées ainsi que les déportations citées plus bas (voir 2e partie). Pourtant, ce n’est pas un régime totalitaire comme le Troisième Reich: pas d’idéologie raciale à l’oeuvre, ni d’envoi systématique dans des camps d’un système concentrationnaire tel que développé à partir de 1933 par exemple. Cela explique en partie que la résistance armée ait été moindre, mais cela ne veut pas dire qu’aucun camp n’ait été mis en place, ni qu’aucune déportation n’eut lieu.

Ce cadre très général posé, notons que de nombreux types d’actions ont été entrepris: sabotages de lignes de chemin de fer (dont on a dit l’importance pour le transfert des troupes et des marchandises), réseau d’évasion de soldats via les Pays-Bas malgré les barbelés (32.000 personnes ont ainsi pu rejoindre les forces belges restées combattantes), mais surtout mise en place de collecte de renseignements. Plus de 300 réseaux voient ainsi le jour dont la fameuse « Dame Blanche » qui donne des informations aux Britanniques. Ils sont d’une grande aide et concernent des milliers de personnes qui communiquent quant aux mouvements de troupes, à la nature des unités, aux installations allemandes en Belgique…

A côté, on peut noter l’apparition d’une presse clandestine très active et l’implication de diverses personnalités dans ce mouvement de refus de l’état de fait, dont le cardinal Mercier qui apporte un soutien moral important dans un pays où la pratique du culte catholique est restée forte.

Mesures édictées par l’occupant allemand. Affiche présentée dans le cadre d’une exposition sur Liège dans la Première Guerre mondiale au musée de al vie wallonne (photo de l’auteur, 2014). https://www.provincedeliege.be/fr/mvw/expo?nid=7832

Photo représentant des soldats allemands dans Bruxelles. Contexte précis non donné. Image présentée au musée de la ville de Bruxelles dans le cadre de l’exposition « Bruxelles à l’heure allemande ». Photo de l’auteur. https://www.cairn.info/revue-cahiers-bruxellois-2015-1-page-453.htm http://www.brusselscitymuseum.brussels/fr Photo de l’auteur (2014)

Les réactions allemandes

La riposte allemande à ses actions ne se fait pas attendre: Berlin fait des pressions sur le Saint-Siège pour limiter les discours de Mercier, sans très grand succès d’ailleurs. Comme ses publications sont très lues, les Allemands en viennent finalement à déporter l’imprimeur qui en a la charge, Charles Dessain, en 1916.

Si la position de prince de l’Église de Mercier le protège, il n’en est pas de même de tout le monde. Ainsi, les Allemands engagent des traîtres belges, utilisent leurs propres espions ainsi qu’une police facilement reconnaissable à sa plaque métallique. Il parviennent donc à arrêter des opposants notoires et à démanteler un certain nombre de réseaux comme le rappelle la plaque ci-dessous. Là, la personne concernée, trahie, a été fusillée le 18 avril 1916.

De plus, l’exploitation économique du pays se fait de plus en plus intense: à la fin de la guerre, les usines belges commencent à être démantelées pour être envoyées en Allemagne et, dès 1916, des ouvriers sont déportés alors que du travail forcé est organisé dans la zone d’étapes, c’est-à-dire une bande de 50 kilomètres à proximité immédiate du front. Dans ce dernier cas, de 1916 à la fin de la guerre, 62.000 personnes doivent accomplir des travaux de terrassement, d’amélioration des communications pour les troupes allemandes, dans des conditions d’hygiène terribles et surtout au mépris total du droit international. Enfin, outre les déportations d’ouvriers (octobre 1916-mars 1917), on peut signaler l’envoi forcé de 30.000 travailleurs en Allemagne de juin 1915 à octobre 1916.

Au final, il s’agit d’une mise en coupe réglée du pays, soumis à des exigences de plus en plus stricte de la part des autorités d’occupation.

Photo prise par l’auteur à Liège (août 2014), d’une plaque commémorative en l’honneur de Dieudonné Lambrecht, créateur d’un réseau de renseignement. http://www.commemorer14-18.be/index.php?id=11177

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

-DUMOULIN (Michel), Nouvelle histoire de Belgique. 1905-1918, l’entrée dans le XXe siècle, Bruxelles, Le cri, 2010, 188 p.

-Informations glanées dans de nombreux musées belges dont le musée In Flanders fields d’Ypres, le Musée royal de l’armée et de l’histoire militaire (Bruxelles), le musée-mémorial de Mons, le musée d’histoire militaire de Tournai et diverses expositions (liens depuis les images).

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Le patrimoine militaire de Huy (province de Liège)

Comme vous le savez, je parcours la Belgique pour mes recherches doctorales et pour le plaisir personnel. Or, voie de passage bien connue, au carrefour entre deux mondes depuis l’Antiquité, le territoire de l’actuel royaume a connu bien des combats et affrontements. Y compris dans des petites villes comme Huy, située entre Namur et Liège… Panorama, en attendant la suite sur les soldats romains.

Les photos :

Construit à l’emplacement d’un château médiéval par les Néerlandais après 1815, le fort de Huy domine la ville et la route qui va de Namur à Liège. Si elle ne connut pas le feu durant leur période, les Allemands réutilisèrent la place pour y enfermer plus de 7000 résistants de tous pays durant la guerre. Un musée, malheureusement fermé lors de mon passage, rappelle cette triste époque.

Vue du fort de Huy depuis la Meuse.

Vue du fort de Huy depuis la Meuse.

Vue rapprochée du beau monument aux morts :

Détail du monument aux morts.

Détail du monument aux morts.

Napoléon vint à Huy en 1803 et 1811. Trouvant la route trop étroite pour ses troupes, il la fit agrandir. C’est l’origine de la « chaussée Napoléon » qui relie Huy à Namur depuis lors.

Plaque Quai de Namur.

Plaque Quai de Namur.

Le menaçant fort vu depuis la ville :

Autre vue du fort.

Autre vue du fort.

Chaussée Napoléon, sur la base de l’éperon rocheux que domine le fort :

Plaque commémorative.

Plaque commémorative.

Sur le chemin qui mène au fort :

Borne commémorative.

Borne commémorative.

Autre vue des bâtiments, depuis leur base :

Le fort, de près.

Le fort, de près.

On a vu plus gai et riant comme endroit !

Autre vue du fort.

Autre vue du fort.

Refuge de l’abbaye d’Aulne, aujourd’hui occupée par une école et la police. Or, elle accueillit des blessés de la bataille de Neerwinden (1693), en plein dans les guerres de Louis XIV, et on dit que Napoléon y dormit en 1811.

Refuge de l'abbaye d'Aulne, aujourd'hui une école.

Refuge de l’abbaye d’Aulne, aujourd’hui une école.

Il reste, rue des remparts, des vestiges des murailles qui entourèrent la ville.

Quelques pans des remparts subsistent.

Quelques pans des remparts subsistent.

Au musée communal, plan fait sous la Révolution, lors de la conquête des Pays-Bas autrichiens par les armées françaises.

Plan au musée communal.

Plan au musée communal.

Tambour de tirage au sort (bons et mauvais numéros) de la conscription. En usage en Belgique jusqu’en 1909 ! Musée communal.

Musée communal.

Musée communal.

Et ce n’est là qu’un résumé ! Allez à Huy si vous en êtes proches, de plus on y mange bien et la ville produit une bière très locale, la Saint Ménegold. Vous voilà prévenus…

Plus d’infos :

http://www.pays-de-huy.be/

 

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Marc Bloch: « L’étrange défaite » (1940).

Introduction: 

Le titre de ce livre un peu particulier donne à lui seul la couleur: il ne traite pas de choses gaies, bien au contraire. Qu’est-il? Un témoignage sur la défaite française de 1940, qu’il résume parfaitement en deux mots.
Pourtant, il n’est pas un énième récit de souvenirs (que je ne dénigre pas, loin de là) écrit trente ans après les faits. En effet, ces lignes brûlantes furent couchées par écrit alors que la chair et l’esprit de leur auteur étaient encore brûlées à vif par les évènements de mai-juin 1940.  Elles datent même des semaines, mois, suivant immédiatement les faits (et furent remaniées tout au long du conflit, certes).
On pourrait donc se dire qu’elles pêchent par l’excès inverse de la reconstruction mémorielle (soit écrire très longtemps après les faits), c’est à dire le manque de recul. il n’en est rien, cette oeuvre décrit de façon précise et terrifiante ce qui s’est passé et surtout s’interroge sur le « pourquoi »: comment cela est arrivé? On se demande, à cette lecture, pourquoi si peu de gens en France avaient anticipé les choses.

Le livre et son auteur:

L’étrange défaite a été écrite par un homme concerné de près par les évènements: Marc Bloch. Qui était-il? Un français, de religion juive (bien que peu pratiquant). L’homme fit de brillantes études, au sein d’une famille érudite, combattit courageusement durant la première guerre mondiale. Mais il fut surtout un très grand historien, un médiéviste, qui enseigna à la Sorbonne. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la société médiévale (il a notamment réfléchi sur toutes les questions de l’or à cette époque) dont les fameux Rois thaumaturges.
Ayant dépassé la cinquantaine en 1939, il décida tout de même de faire à nouveau son devoir (il n’était pas obligé au regard de son âge et de ses obligations familiales, professionnelles): il servit volontairement comme capitaine en 1939-1940 (au service des essences) . Après la défaite, il se retira quelques temps (son statut de juif lui vaut des ennuis avec la mise en place du gouvernement de Vichy) et commença la rédaction de l’ouvrage qui nous intéresse. Malgré tout ce que l’on a dit, Bloch entra dans la clandestinité puis la Résistance. Oeuvrant sur Lyon, il fut finalement arrêté en mars 1944. Torturé par la Gestapo (par Klaus Barbie, de sinistre mémoire, pour être précis), ils est finalement fusillé le 16 juin 1944 (à 58 ans) en même temps que quelques compagnons d’armes. Jusqu’au bout il ne flancha pas et laissa derrière lui plusieurs textes clandestins (Apologie pour l’Histoire ou métier d’historienSur la réforme de l’enseignement[Que certains feraient bien de lire], Pourquoi je suis républicain etc.) tous clairs, précis et dignes d’intérêt.
Son livre est donc le fruit d’un triple regard: celui d’un érudit, d’un historien et enfin d’un combattant, d’un combattant qui avait connu à la fois le feu (durant la Première Guerre) et les soucis d’intendance, organisationnels, en tant qu’officier (avant de finir dans la Résistance, on l’a dit). Il est donc un témoignage précieux, car venant de quelqu’un qui parlait en connaissance de cause.

Marc Bloch en uniforme.

Citations: 

Mais ce livre n’est pas un jargon seulement lisible par une dizaine de doctes personnages, il s’adresse à quiconque désire en savoir plus sur l’état d’esprit de cette France qui perdit contre toute attente. Je terminerai cette évocation en citant quelques phrases tirées de L’étrange défaite, et qui m’ont semblé assez éloquentes:
-« Ils [les Allemands] croyaient à l’action et à l’imprévu. Nous avions donné notre foi à l’immobilité et au déjà fait »
– « nos chefs, au milieu de beaucoup de contradictions, ont prétendu, avant tout, renouveler en 1940 la guerre de 1915-1918. Les Allemands faisaient celle de 1940 ».
– « L’armée s’est toujours difficilement résignée à l’idée que l’importance ni le mérite d’une tâche ne se mesurent à ce qu’elle peut avoir, extérieurement, de brillant ».
« il n’est pas possible que nous ayons tout ignoré, durant la paix des méthodes de l’armée allemande et de ces doctrines. Car, surtout, nous avions sous les yeux, depuis l’été, l’exemple de la campagne de Pologne, dont les leçons étaient assez claires et que les allemands, pour l’essentiel, devaient, dans l’Ouest, se borner à recommencer. Ils nous firent cadeau de huit mois d’attente, qui auraient pu aussi être de réflexion et de réforme ».
-« Mais quoi! Notre commandement était un commandement de vieillards » ; ainsi ces « personnages chenus […] ayant complètement oublié qu’eux-mêmes , aux jours de leurs exploits passés avaient été jeunes ne nourrissaient pas de plus cher souci que de barrer la route à leurs cadets ». 
-La récente création des généraux de corps et d’armée n’a rien arrangé selon lui: «Impossible, dorénavant, à un jeune divisionnaire de prendre, par exemple, une armée »
-Le traité de Versailles maintenait: «  toute saignante notre antique querelle avec des ennemis que nous venions à peine de vaincre. »
-Enfin: « le bombardement par avions et la guerre de vitesse sont venus jeter le désarroi dans cette belle ordonnance du péril. Il n’est plus de ciel sans menace et la force de pénétration des éléments motorisés a mangé la distance ».

Et ce ne sont là que quelques lignes d’une oeuvre poignante. De plus ce livre est libre de droit et peut se trouver ici (pas d’excuse, donc ^^):

http://www.bouquineux.com/index.php?telecharger=1512&Bloch-L_Etrange_Defaite

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