Archives de Tag: Révolution

La révolution belge de 1830: III) Le déclenchement

Le soulèvement d’août 1830

La chronologie a une certaine importance: le 9 août 1830, Louis-Philippe prend le pouvoir en France, et on a dit que cette révolution précédait et inspirait d’autres mouvements en Europe. En Belgique, le même mois est très agité et débouche le 25 sur des événements révolutionnaires à Bruxelles, dont le point de départ est lié à une représentation de la Muette de Portici, un opéra où l’amour de la liberté est largement évoqué. Elle donne l’impulsion décisive, même si ce n’est que le « déclic » et pas la raison principale. Tout de même, de l’interprétation de la Marseillaise dans les théâtres pendant la Révolution au rôle de la musique de Verdi pendant le Risorgimento, il y aurait beaucoup à dire sur musique et politique, musique et révolution au XIXe siècle…

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La gendarmerie sous le Consulat et l’Empire : I) Introduction

Une histoire séculaire et méconnue

La gendarmerie française est une force armée singulière, étonnante même, de par son histoire et son statut. La première est mal connue, et bien des Français ne savent pas clairement les différences qui existent entre elle et la police… Dont elle partage certains aspects. Justement police des routes (entre autres très nombreuses tâches), car héritière de la maréchaussée d’Ancien Régime dont c’était le rôle, elle a aussi un statut militaire et tire son nom d’une unité de cavalerie lourde de la maison du roi. Devenue nationale en 1791, elle a aussi combattu sur le champ de bataille, assuré le rôle de police aux armées (prévôté), encadré les mobilisations et les campagnes françaises… Mais a également été présente en milieu colonial et dans le maintien de l’ordre en métropole, et existe encore de nos jours.

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Les débarquements français en Irlande IV) 1798, une tentative avec très peu de moyens

Nous avions vu la dernière fois la tentative ratée d’un débarquement en 1796. Cet échec était d’autant plus dommageable aux projets franco-irlandais qu’il fit peur à Londres, qui déploya d’importants moyens pour écraser la rébellion irlandaise. Ainsi, alors que les Français vont finalement parvenir à débarquer, deux ans plus, tard, ceci va se faire dans une île où la volonté insurrectionnelle aura été sérieusement émoussée par la répression britannique.

Débarquement à Kilcummin

Déjouant la surveillance de la Royal Navy, un bon millier d’hommes parvient donc à partir de France et toucher terre en Irlande le 22 août 1798, dans le comté septentrional de Mayo, au bourg de pêcheurs de Kilcummin (voir photos). Ces hommes sont commandés par le général Humbert, combattant courageux qui a franchi les échelons rapidement depuis 1792, comme beaucoup de ses contemporains. La faiblesse de ses moyens est dès le début patente, et il intervient dans une île où, je l’ai dit en introduction, les succès potentiels d’une rébellion sont beaucoup moins importants que deux ans plus tôt.

Toutefois, il ne reste pas inactif: des ruraux et des Irlandais-Unis se joignent à lui rapidement, et il marche sur Killala, ville ayant une importance locale et proche du lieu de débarquement. Le courage et la volonté sont bien présents, mais les insurgés locaux manquent cruellement d’armement et d’entraînement, ce qui agace les Français. Néanmoins, l’armée d’Irlande parvient à s’emparer de Ballina et, mieux, à l’emporter sur les 6000 hommes de Lake à Castlebar quelques jours plus tard !

Pour l’emporter dans cette localité non sans valeur, Humbert a fait monter ses hommes à l’assaut au pas de charge, et les Irlandais se sont battus si vaillamment… Que les lignes britanniques ont été enfoncées malgré la disproportion évidente de moyens. La déroute est telle que ceux qui se sont enfuis l’ont fait si rapidement qu’ils ont été copieusement brocardés dans les écrits et les caricatures du temps. A tel point que l’on a parlé de « courses de Castelbar » (Castelbar races).

Contre toute attente, ces débuts furent donc couronnés de succès, mais bientôt l’expédition d’Irlande allait tourner court.

La pointe de Kilcummin où les Français ont débarqué en 1798. Photo de l'auteur.

La pointe de Kilcummin où les Français ont débarqué en 1798. Photo de l’auteur.

 

Plaque commémorative sur les lieux. Photo de l'auteur.

Plaque commémorative sur les lieux. Photo de l’auteur.

 

Un échec 

En effet, malgré l’épisode peu glorieux pour eux de Castelbar, les Britanniques se reprennent rapidement. D’ailleurs, tous les avantages sont de leur côté: leur supériorité numérique de plusieurs dizaines de milliers d’hommes est écrasante, et la surprise est passée. Bien que Humbert ait déployé une activité intense, pris de nombreuses décisions et vu une république irlandaise être proclamée… Il a des effectifs squelettiques et, pour ne pas tomber aux mains de son adversaire, il décide de se mettre en marche vers Sligo début septembre, y espérant des renforts irlandais.

Les forces royales, commandées par Cornwallis, le fameux vaincu de la bataille de Yorktown lors de la guerre d’indépendance américaine, opèrent donc méthodiquement pour le vaincre. Elles encerclent peu à peu les forces franco-irlandaises. Bien qu’elles se défendent courageusement et repoussent de nombreuses attaques, celles-ci sont encerclées par 30.000 hommes (!) dans la plaine de Ballinamuck courant septembre. Humbert doit se rendre, ne pouvant évidemment l’emporter face à une telle troupe. Toutefois, il réussit à obtenir pour ses hommes des conditions de reddition correctes, là où la répression qui s’abat sur les Irlandais va être terrible.

Nous analyserons la prochaine fois la mémoire de ces évènements et conclurons.

 

Le paysage. Photo de l'auteur.

Le paysage. Photo de l’auteur.

 

Kilcummin, jour de commémoration, été 2016. L'endroit était pavoisé aux couleurs françaises. Photo de l'auteur.

Kilcummin, jour de commémoration, été 2016. L’endroit était pavoisé aux couleurs françaises. Photo de l’auteur.

Bibliographie sélective (sans but d’exhaustivité):

-JOANNON (Pierre), Histoire de l’Irlande et des Irlandais, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2009, 832 p.

-« France-Irlande », Revue historique des armées n° 253, 2008. Voir notamment cet article :

https://rha.revues.org/4612

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Les débarquements français en Irlande IV) La tentative de 1796

Quittons le règne de Louis XIV pour nous diriger vers la période révolutionnaire. A nouveau des débarquements vont être tentés en Irlande, mais ceux-ci sont différents de l’époque du roi-soleil (il ne s’agit plus de remettre les Stuart sur le trône !) et, pas plus que ces derniers, ne parvinrent à renverser la domination britannique dans l’île.

Une île en pleine révolte

La Révolution française de 1789 a des échos jusqu’en Irlande, où les évènements sont suivis et plutôt appréciés. Cet exemple influence durablement les Irlandais, dont la situation matérielle et morale a peu changé depuis le XVIIe siècle. Si des réformes ont été très progressivement adoptées, la majorité catholique est à peu près écartée de la direction des affaires et ne possède pratiquement pas la terre. Ceci sans parler de l’attitude méprisante de certains possédants venus de Grande-Bretagne (dont des Écossais, tous ne sont pas Anglais).

De plus, suivant les évènements du continent, à partir de 1793, les positions se radicalisent des deux côtés, même si tous les Irlandais ne sont pas attirés par les idées révolutionnaires. C’est notamment le cas de la hiérarchie catholique qui craint un mouvement anticlérical comme celui que connaît la France de la Terreur (et même dès avant). Toujours est-il que des violences éclatent à partir de 1795.

Notamment en Ulster où les presbytériens et anglicans jugent le moment venu pour se débarrasser des catholiques qui avaient occupé des terres à l’abandon, suite à l’émigration vers les Etats-Unis des tenanciers et propriétaires protestants, ou tout simplement de ceux s’opposaient à eux. Cinq à sept mille personnes perdent ainsi la vie. De plus, dans toute l’île, notamment par crainte de la contagion révolutionnaire, des violences similaires ont lieu et une loi est votée qui donne au gouvernement les moyens légaux de réprimer tout acte de révolte, l’Insurrection Act (1796). 

Chanson sur Henry Joy McCracken, compagnon d’armes de Wolfe Tone, mort en 1798 (lien avec la partie suivante), chantée par Tommy Makem:

« The boys were out, the red coats too »

Une occasion manquée 

Tout ceci, par effet d’entraînement, radicalise les sociétés irlandaises qui avaient été formées pour réclamer plus de droits, mais sans renier le lien avec la couronne britannique. C’est le cas de la très importante société des Irlandais-Unis, qui se militarise à partir de ce moment et se jure de faire de l’Irlande une république. Elle se tourne donc tout naturellement vers la France, par l’intermédiaire d’un personnage central dans l’histoire de la lutte irlandaise: Théobald Wolfe Tone.

Exilé à Paris, il parvient à rallier à sa cause suffisamment de soutiens pour qu’une expédition soit envisagée, et même autorisée. Elle reçoit pour commandant le prestigieux général Hoche… Mais dès le début est mal engagée: la marine française est très affaiblie depuis le départ d’une majorité de ses officiers d’Ancien Régime à partir de 1789. Ceux qui restent sont très réticents à l’idée d’engager (surtout près des bases de la Royal Navy) un outil mal entretenu, et manquant de cadres. 

Ainsi, les retards s’accumulent tout au long de l’année 1796, mais finalement 15.000 hommes embarquent sur 42 navires le 15 décembre de cette année. L’expédition tourne court à cause d’une tempête qui sépare les navires: seuls quinze atteignent la baie de Bantry… Où ils ne restent pas, le mauvais temps empêchant un débarquement sécurisé ! C’est une occasion manquée car les moyens étaient là, et le projet a totalement surpris les Britanniques qui ne s’y attendaient pas. Deux ans plus tard, quand le dernier débarquement va réussir, ils auront eu le temps d’écraser la révolte irlandaise (voir V).

Caricature de 1797 James Gilray sur l'expédition d'Irlande de 1796

Caricature de 1797 James Gilray sur l’expédition d’Irlande de 1796

Bibliographie sélective (sans but d’exhaustivité):

-JOANNON (Pierre), Histoire de l’Irlande et des Irlandais, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2009, 832 p.

-« France-Irlande », Revue historique des armées n° 253, 2008. Voir notamment cet article :

https://rha.revues.org/4612

Sur la désorganisation de la marine après 1789:

-VERGE-FRANCESCHI (Michel),  La marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Paris, SEDES, 1996, 451 p. 

A titre de comparaison, un article d’Olivier Chaline sur les mutineries de 1797 dans la Royal Navy:

http://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_2005_num_24_1_2535

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Les débarquements français en Irlande (1689, 1796, 1798): I) Introduction

Échec des débarquements sur la côte anglaise 

C’est un fait bien connu: si le Normand Guillaume le Conquérant y parvint, jamais les armées françaises n’ont réussi à prendre pied en force sur le sol de la Grande-Bretagne après un débarquement. Cette impossibilité a notamment fait enrager Louis XIV, malgré les victoires de Tourville qui tint la Manche, et Napoléon, empêtré dans son plan qui se termina par Trafalgar. Cela empêcha par là même de nombreux souverains de signer une paix avantageuse à Londres. La Royal Navy est bien entendu en cause, tenant très efficacement la Manche et arrêtant bien souvent les flottes adverses, malgré quelques passages difficiles dans son histoire, par exemple contre le Néerlandais Ruyter, qui remonta la Tamise.

Cela ne veut pas dire que rien ne fut tenté par les différents régimes français qui furent opposés à Londres. On connaît bien l’alliance de revers avec l’Ecosse, jusqu’à ce que celle-ci devienne protestante. Puis, après la chute de la dynastie Stuart, le soutien-assez intéressé- à ses partisans, les « Jacobites ». Pourtant, on parle souvent moins de l’intérêt français pour l’Irlande, qui ne s’est pas démenti au cours des siècles et qui, là, va nous mener du Roi-Soleil à la Révolution.

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La côte à Kilcummin, où les Français débarquèrent en 1798. Photo de l’auteur.

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La jetée à Kilcummin, où les Français débarquèrent en 1798. Photo de l’auteur.

Intérêt pour l’Irlande

L’Île, conquise peu à peu par les Anglais à partir du Moyen-Age, vit sous une domination à bien des égards violente et peu appréciée, même s’il faut se garder de généraliser. Les Irlandais sont longtemps sous la coupe de seigneurs venus de Grande-Bretagne et qui se sont emparés de la plupart des terres, les landlords. La population irlandaise reste assez pauvre et tenue pour quantité négligeable, alors qu’une immigration anglaise et écossaise s’installe dans plusieurs points, surtout dans la future Irlande du Nord. Les soulèvements contre ce pouvoir étranger émaillent donc l’histoire de ces terres, soulèvements réprimés dans le sang.

Voilà pourquoi la France pense, non sans arrière-pensées, se servir de cette situation pour affaiblir Londres. Alors que de nombreux Irlandais se mettent au service des fleurs de lys (et on en retrouve dans des conflits ultérieurs), trois débarquements français en Irlande sont réussis. L’un d’eux est même impressionnant, c’est celui de 1689. Ils n’eurent pourtant pas l’effet escompté, mais restent plus connus côté irlandais que français, et constituent des épisodes intéressants de l’histoire des deux pays. Je vous propose de les (re)découvrir, en les illustrant par des photos prises par moi-même sur les lieux.

Bibliographie sélective (sans but d’exhaustivité):

-« France-Irlande », Revue historique des armées n° 253, 2008

-JOANNON (Pierre), Histoire de l’Irlande et des Irlandais, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2009, 832 p.

-Notes prises par l’auteur lors d’un voyage sur les lieux du débarquement de 1798.

Sur la marine royale et les volontés de débarquement en Angleterre de la monarchie on se référera au très complet:

-VERGE-FRANCESCHI (Michel),  La marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Paris, SEDES, 1996, 451 p. 

Sur le plan de Napoléon et l’échec final de Trafalgar, on lira l’excellent:

-BATTESTI (Michèle), Trafalgar. Les aléas de la stratégie navale de Napoléon, Napoléon 1er Editions, Saint-Cloud, 2004, 379 p.

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1848, le combat de « Risquons-Tout »: IV) La poursuite et les conséquences

La poursuite des vaincus et leur arrestation

Nous avions terminé en parlant des colonnes de révolutionnaires en pleine fuite, après l’utilisation judicieuse de la pièce d’artillerie contre elles. Or, j’avais dit qu’une vraie débandade avait suivi ces tirs. De plus, c’est à cet instant précis que les renforts des réguliers arrivent: les fuyards sont poursuivis non seulement par des fantassins, mais aussi des cavaliers du 2e Chasseurs à cheval. En quelques dizaines de minutes, 80 personnes sont rattrapées et capturées, mais la proximité du territoire français ne permet pas d’aller plus loin.

Si des tirs sporadiques continuent encore toute la matinée, c’est bel et bien une « invasion » complètement ratée: un seul régulier belge est mort et quelques autres blessés, contre 29 tués et une cinquantaine de blessés chez leurs adversaires.  L’expédition de Quiévrain, elle, on l’a vu, n’a même pas pu passer à l’acte.

La une du "Propagateur" du 1er avril 1848, parlant des évènements. A retrouver ici: http://www.historischekranten.be/issue/PRP/1848-04-01/edition/null/page/1

La une du « Propagateur » du 1er avril 1848, parlant des évènements. A retrouver ici: http://www.historischekranten.be/issue/PRP/1848-04-01/edition/null/page/1

Les conséquences

Vont au-delà d’une simple escarmouche car on a vu que le gouvernement français a soutenu plus ou moins officiellement un mouvement qui, si les circonstances avaient été différentes, notamment la colonne arrêtée à la gare, aurait pu dégénérer affirme Georges-Henri Dumont (cf. bibliographie). 

Malgré cela, la Belgique reste modérée et ne veut pas envenimer ses relations avec Paris… D’autant plus que la jeune République est en pleine période de troubles révolutionnaires, qui ne vont s’achever qu’avec les journées de juin (nous sommes en mars). Il reste que le département du Nord est agité pendant de longues semaines: on y crie « A bas les Belges! » et des violences contre eux y éclatent. Enfin, que les diplomates des deux pays vivent des moments difficiles durant ces quelques mois de tension.

Si la Belgique survit donc à cette Révolution de 1848, Napoléon III nourrit encore l’espoir de la ramener dans le giron français et d’obtenir la rive gauche du Rhin, comme le montre également sa tentative avortée d’acheter le Luxembourg au roi des Pays-Bas en 1867. Pourtant, contre vent et marrées, l’indépendance du royaume s’est maintenue jusqu’à nos jours, malgré les invasions des deux guerres mondiales.

Bibliographie utilisée (qui n’a pas pour but d’être exhaustive): 

-DUMONT (Georges-Henri), Le miracle belge de 1848, Bruxelles, Le Cri, 2005, 226 p.

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1848: le combat de « Risquons-tout »: II) Vers l’affrontement

La République laisse faire

Je l’ai dit précédemment, la France lorgne sur la Belgique depuis longtemps… Un exemple supplémentaire et ancien pour s’en convaincre: Louis XV espérait déjà la récupérer (c’était alors les Pays-Bas autrichiens) au début de la Guerre de Sept ans. Là, la IIe République, née des décombres de la monarchie de Juillet en février, si elle affiche officiellement des intentions de neutralité laisse se rassembler à Paris et ailleurs, des mécontents belges. L’idée est, bien sûr, de pouvoir profiter de la situation si elle tourne à leur avantage.

Ceux-ci se regroupent en plusieurs tendances (républicains, partisans d’un retour dans le giron des Pays-Bas), mais ont en commun de vouloir la fin de la monarchie belge telle qu’elle existe et savent être peu nombreux: en Belgique même, bien peu sont opposés à un régime qui accorde bien plus de libertés que beaucoup de pays d’Europe. Peu à peu, ils rassemblent une « légion belge », prête à marcher sur la frontière et renverser le trône (!). Malgré les protestations de l’ambassadeur belge en France, ils affichent même pignon sur rue et ne sont pas arrêtés.

Médaille frappée pour l’expédition dont on parle… On va pourtant voir qu’elle se solde par un échec cuisant.

La « légion belge »

Le gouvernement français, s’il n’appuie rien au grand jour, donne en fait des facilités à ces quelques centaines de personnes et fin mars 1848 leur dispositif est réglé. Deux groupes doivent se mettre en marche pour le nord de la France, puis la Belgique. Ensuite, les « révolutionnaires » espèrent profiter de troubles internes dans leur pays pour appuyer leur action: des propagandistes et agitateurs sont envoyés outre-Quiévrain et doivent agir à cet effet… Hélas pour eux, les renseignements belges ne sont pas restés inactifs et les plus importants sont arrêtés rapidement.

Cela ne met pas fin au projet: de l’argent est fourni à la « légion », ainsi que quelques élèves de Polytechnique pour les commander. Enfin des facilités de déplacement sont assurées. Officiellement, il s’agit d’aider des ouvriers sans travail à quitter Paris et rentrer chez eux (le chômage est alors élevé)… Plus grave, les autorités de Lille ont été averties et il est prévu de distribuer armes et munitions au camp de Seclin.

Côté belge, ces préparatifs ne sont évidemment pas passés inaperçus et l’armée a été avertie. De plus, on a dit le caractère très embryonnaire du sentiment républicain outre-Quiévrain. Alors que la « légion » s’apprête à marcher en direction de la frontière, tout porte à croire qu’elle ne va pas s’accompagner d’une reddition en masse des soldats en leur faveur !

Ledru-Rollin, l’un des ministres qui favorise l’expédition.

Bibliographie:

-DUMONT (Georges-Henri), Le miracle belge de 1848, Bruxelles, Le Cri, 2005, 226 p.

Fiche de Ledru-Rollin sur le site de l’Assemblée Nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7ej.asp

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Origines de l’expédition d’Egypte

Aboukir, les Pyramides, les Mamelouks, Kléber, Desaix, Champollion ou la pierre de Rosette… Autant de noms liés à l’expédition d’Egypte qui résonnent encore dans les mémoires de bien des amateurs d’histoire ou d’égyptologie… Il ne s’agira donc pas de revenir sur ces événements fort connus mais plutôt d’essayer d’expliquer les motivations qui poussèrent la France du Directoire à entreprendre une entreprise aussi hasardeuse…

Influences anciennes: 

Or, l’idée remonte à l’Ancien Régime, comme beaucoup d’autres choses: dès la fin de la guerre de Sept Ans, Choiseul, grand ministre de Louis XV, pense par exemple compenser la perte d’une grande partie des colonies en se tournant vers la zone, où l’autorité des Ottomans est toute relative. Et pourquoi, pas, de là, aller titiller les Britanniques en Inde ? Rappelons que Paris perd alors le Canada et tout le sous-continent, à l’exception des cinq fameux comptoirs (Pondichéry, Chandernagor…).

Si l’idée ne dépasse pas le stade de projet, elle est tout de même entendue par un jeune personnage qui gravite déjà dans les sphères du pouvoir et qui va la reprendre à son compte des années plus tard: le fameux Talleyrand. Il représente la chose en juillet 1797, augmentée de réflexions similaires, comme des écrits du comte de Saint-Priest, ambassadeur à Constantinople en 1781 et qui avait conseillé une conquête de l’Egypte, qu’il jugeait facile. Notons d’ailleurs que le sultan de Mysore, Tipoo Sahib, est alors (1798) en pleine guerre contre Londres et que l’idée de lui tendre la main par la terre, avec l’Egypte pour escale, fait son chemin.

Evidemment, de telles réflexions tiennent très peu compte des distances et ce qu’elles impliquent en matière de ravitaillement, de communications, du climat et des réactions des puissances étrangères. 

La bataille des Pyramides par Gros, 1810. Crédit photo, wikipédia.

Idéologie et prétextes: 

Ainsi, quand ledit Talleyrand défend officiellement le projet devant le Directoire quelque temps après, il affirme aussi que la République y gagnerait là du prestige, en tant que régénératrice du pays qu’il juge tombé en décadence. Suprême raccourci, il affirme même que: « L’Egypte fut une province de la République romaine, il faut qu’elle le devienne de la République française ». Certes, le temps est fasciné par l’Antiquité, mais le gouvernement reste, on l’imagine bien, encore mesuré.

En fait, si les deux idées maîtresses développées plus haut (affaiblir la puissance britannique par des voies détournées et rehausser le prestige de la France) n’emportent pas sa décision, la possibilité d’éloigner un général devenu trop encombrant le fait. Il s’agit bien sûr de Bonaparte, qui se fait connaître depuis 1793 (siège de Toulon). Populaire, jeune et victorieux il agace le pouvoir et il a déjà agi pour son propre compte en Italie (1796-1797). La popularité qu’il a engrangée dans l’armée du même nom et sa politique parallèle à celle du gouvernement font peur. 

Finalement, sous le prétexte de la découverte scientifique (21 mathématiciens, 13 naturalistes ou autant de géographes sont du voyage qui doit officiellement « éclairer le monde et procurer un trésor aux sciences »), la France envoie sans vraie déclaration de guerre, sans vrais buts de campagne, alors que la flotte britannique rôde… Son meilleur général et parmi ses meilleures troupes dans une aventure très imprécise dont on connaît le déroulement.

Bibliographie:

-TULARD (Jean, sous la direction de), Histoire et dictionnaire de la Révolution française. 1789-1799, Paris, Bouquins, 2002, 1223 p.

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Synthèse des forces et faiblesses des armées françaises de la Révolution.

La première chose que l’on peut dire est que la toute nouvelle République connut plusieurs catastrophes militaires à ses débuts. Cela est essentiellement dû à l’émigration des officiers (plus de 2/3 des officiers de marine s’enfuient pour mémoire) et à la liquidation pour partie de l’armée royale. En effet, les soldats des levées de « volontaires » de 1792 et 1793 (beaucoup moins volontaires que ceux de 1791 en fait) étaient sujets , pour une bonne part, à la panique, tant face aux ennemis extérieurs qu’en Vendée, ce qui explique les succès initiaux de l’Ouest révolté. Leur manque de formation, d’instruction et de moyens n’y était pas étranger. Il est donc arrivé à plusieurs reprises que les soldats s’enfuient sur des méprises, abandonnant leurs armes dans leur course. La toute récente Gendarmerie ne pouvait en rattraper qu’une minorité. Il est évident que ces flambées de terreur atteignaient moins les troupes de ligne, soit les soldats de métier, que les volontaires, bien que les premières purent aussi les connaître. La situation s’améliora graduellement après 1794. Les pertes et désertions laissaient mathématiquement les meilleurs hommes derrières elles: certains combattirent jusqu’en 1815.

Ces échecs étaient aussi dus à la mauvaise qualité des cadres des troupes, en clair les officiers. Après la fuite des partisans du roi, l’éviction de nombreux autres hommes taxés d’antirépublicanisme et les pertes au combat, il fallut bien combler les vides. Or, pendant les premières années de la Révolution, il était bien plus facile de devenir général en affichant son soutien au régime que par ses seuls mérites. D’où la nomination d’incapables, mais fidèles, à de hauts grades. L’exemple le plus connu de noble évincé par la République chassant les aristocrates de l’armée (même s’ils n’affichaient pas d’opinions contraires à elle de manière directe et franche) est sans doute Louis-Nicolas d’Avout, futur maréchal Davout, après transformation de son patronyme… Les passionnés d’histoire napoléonienne savent sa valeur. En fait, le pays s’est un temps privé de très bons hommes de guerre, pour le coup formés sous l’Ancien régime et non improvisés du jour au lendemain. Il faut aussi rappeler la très mauvaise gestion de l’administration, qui faisait que l’armée manquait de tout en tout temps. Des officiers étaient corrompus et se servaient dans les caisses servant à acheter le fourrage ou les vivres.

Pourquoi cette armée a-t-elle donc finalement vaincu, malgré ces tares très importantes? Il y a plusieurs raisons. La première est que la Révolution amena indéniablement un courant nouveau au sein des esprits, un allant, un mordant indescriptible pour qui ne l’a pas vécu. Cette alliance improbable entre liberté et discipline, cette affirmation pour la première fois vraiment puissante du patriotisme (il y a de vrais volontaires qui croient réellement en la Révolution) ont constitué une alchimie propre à générer des victoires contre des armées encore non-nationales. La volonté dépassa alors les problèmes techniques et stratégiques, la France fit d’ailleurs l’erreur de croire la chose vraie jusqu’en 1870 (voir vidéos et articles sur cette guerre) voire après. De plus, et surtout, c’est la supériorité numérique, permise par les levées en masse puis la conscription (loi Jourdan de 1798), qui fit la différence. A Jemappes, les Français sont donc 40.000 face à 13.200 Autrichiens, autant contre 13.000 Anglos-Hollandais à Hondschoote etc. Lorsque le rapport fut plus faible, la France perdit (Neerwinden, Kaiserslautern…).

Endurant et courageux, le soldat Français des années 1792-1795 sut compenser ses faiblesses par un courage réel et en ne ménageant pas son sang, d’où les pertes importantes. Il profita également du manque de coordination entre les coalisés, d’ailleurs en partie occupés par le dernier partage de la Pologne. Après 1795, il s’aguerrit et ses officiers aussi, tandis que les incapables étaient peu à peu remplacés. Le rideau allait se lever sur des hommes nouveaux tels que Bonaparte, pour qui l’année 1796 et la campagne d’Italie furent réellement « l’envol de l’aigle ».

Bibliographie:
– DELMAS (Jean, général, sous la direction de),  Histoire militaire de la France, t. 2, De 1715 à 1871, Paris, PUF, coll.  « Quadrige », 1997, p.258-260.
I

Jourdan, le vainqueur de Fleurus (1794).

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