Le musée historique de Strasbourg: aperçu des collections
Les collections
Le musée historique de Strasbourg retrace l’histoire d’une ville importante de France, à l’origine fondée par les Romains. Localité frontalière par excellence, entre monde latin et germanique, elle fit l’objet de beaucoup de convoitises et changea de nombreuses fois de main au cours des siècles. Symbole de la perte de l’Alsace-Moselle en 1871, elle est depuis redevenue définitivement française et un symbole de paix avec son rôle dans l’Union Européenne. On appréciera de se perdre dans des salles riches, mais pas non plus trop nombreuses. C’est naturellement l’aspect militaire que j’évoquerai le plus ici, à travers ces quelques clichés. En attendant, le site du musée:
L’Alsace-Lorraine dans la Grande Guerre: IV) La fin de la guerre et le retour au sein de la République
Les derniers combats
On l’a vu précédemment: à partir du moment où le front se stabilisa en Alsace et en Moselle, les combats y revêtirent principalement la forme d’une guerre de position; très dure à supporter, surtout dans les Vosges, et finalement assez chère en vies humaines. Des affrontements sanglants eurent lieu pour la possession de quelques zones stratégiques, comme au Hartmannswillerkopf et au Lingekopf, mais qui ne permirent pas d’emporter la décision.
Finalement, ce front resta assez secondaire dans l’ensemble de la guerre et n’eut pas « son » Verdun ou l’équivalent de la bataille de la Somme, des Flandres etc. La situation évolua peu jusqu’à la fin du conflit. On notera l’arrivée progressive des soldats américains sur le front, à partir du printemps 1917. Ils relevèrent des soldats épuisés et tentèrent de prendre l’offensive, notamment dans les forêts d’Argonne en septembre 1918, là où les assauts français avaient précédemment échoué. Ce fut un échec là encore, car ils se heurtèrent à des positions bien fortifiées, en partie enterrées et solidement tenues par les troupes allemandes qui, là, se défendaient encore efficacement à quelques mois de leur défaite.
En fait, l’issue finale se jouait ailleurs. Après l’échec des offensives de l’été 1918, la situation intérieure de l’Empire allemand évolua très négativement, jusqu’à conduire au retrait du kaiser Guillaume II et aux négociations qui aboutirent à l’armistice du 11 novembre. La reprise de l’Alsace-Lorraine était jugée imminente. Or, à l’heure où ces anciens départements allaient devenir français, il fallut prendre en considération le fait qu’ils avaient été coupés de la France depuis longtemps et aussi que la situation matérielle des populations civiles était fragile. Réquisitions, incorporations, combats sur la ligne de front et hivers rigoureux avaient beaucoup touché l’Alsace et la Moselle durant la Première Guerre mondiale. Voyons donc comment ce retour s’opéra.
Médaille commémorant le retour de l’Alsace et de la Moselle à la France en 1918. On voit bien un poilu écraser les emblèmes allemands et Marianne aller à la rencontre des populations locales. Hébergée sur Gallica: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10234298k
Le retour des « provinces perdues » à la France
Si la tension autour des régions cédées en 1871 s’était peu à peu apaisée au tournant du siècle, on a vu que cette question refit irruption dans le débat public au début des années 1910 et, dès 1914, leur retour devint un but de guerre affiché de la France, mais seulement après l’entrée en guerre. A l’inverse de ce que l’on croit souvent, « dans la crise de juillet 1914, qui a dramatiquement débouché sur la guerre européenne, puis mondiale, l’Alsace-Lorraine n’a joué aucun rôle » (1).
Reste qu’en 1918, la guerre gagnée, l’opinion française était favorable à une restitution de cette région, ce qui fut prévu dès l’armistice du 11 novembre. En deux semaines, les troupes allemandes évacuèrent l’Alsace-Moselle et la République y fit son retour très rapidement. Le traité de Versailles de 1919 confirma cette passation de pouvoir, mais qui ne se fit pas sans heurts. En effet, la France expulsa très rapidement les Allemands qui s’étaient installés après 1871 et s’empara de leurs biens: 100.000 personnes étaient concernées début 1920. De plus, les lois de la République furent installées trop rapidement, malgré certains aménagements, dans un espace habitué pendant 47 ans à une monarchie autoritaire, fédéraliste et de langue allemande.
Beaucoup d’Alsaciens et de Mosellans ne parlaient pas le français en 1918 et ces changements brutaux, aussi visibles en matière judiciaire, douanière et au niveau des partis politiques, créèrent un vrai malaise, qui déboucha sur des velléités autonomistes. Seul le temps et la brutalité inouïe des nazis lors de la seconde annexion de 1940-1945 y mirent fin, ainsi qu’une meilleure réintégration de l’Alsace et de la Moselle dans l’espace français puis européen après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
(1) ROTH (François), Alsace-Lorraine. Histoire d’un « pays perdu » de 1870 à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2016, p. 137.
A noter une exposition sur le thème évoqué aux archives de de Strasbourg:
https://archives.strasbourg.eu/n/exposition-en-cours/n:146
Bibliographie:
-ROTH (François), Alsace-Lorraine. Histoire d’un « pays perdu » de 1870 à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2016, 222 p.
-Informations glanées lors de la visite de nombreux forts et musées, dont:
https://antredustratege.com/2017/10/12/le-fort-rapp-moltke-reichstett/
https://antredustratege.com/2015/09/21/le-fort-de-mutzig-alsace-reportage-photo/
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L’Alsace-Lorraine dans la Grande guerre : I) La situation en 1914
Terme administratif allemand, l’expression « Alsace-Lorraine » (Elsaß–Lothringen) renvoie en fait aux trois départements français annexés en 1871: Haut-Rhin, Bas-Rhin et Moselle. Ainsi, une partie de la Lorraine resta française, et il en fut de même pour le territoire de Belfort, détaché de l’Alsace et demeuré, du fait de sa défense tenace, dans le giron de la République. Or, l’opinion française ne sut jamais se résoudre à la perte de ces territoires vus comme des « provinces perdues ». Si la perspective d’une guerre de revanche pour les récupérer ne fut en fait jamais très sérieuse, dès que la Première Guerre mondiale éclata, la situation changea et ils devinrent très tôt un but de guerre essentiel pour Paris, ce qu’on s’attachera à expliquer ici.
Une frontière assez ouverte mais surveillée
Installé dans la région depuis 1870, l’Empire allemand avait entrepris très rapidement d’administrer et de germaniser (sans succès complet) le territoire reçu par le traité de Francfort de l’année suivante. Pourtant, la nouvelle frontière avec la France n’était pas hermétique, contrairement à une idée reçue. Longue de 285 kilomètres, elle était matérialisée par des poteaux-frontière assez impressionnants, et souvent arrachés, et il fallait bien se soumettre à des contrôles, mais ceux-ci n’étaient pas rédhibitoires. D’ailleurs, si l’Empereur Guillaume II avait instauré un passeport spécial pour la franchir en 1887, il l’annula dès 1891.
Ainsi, les Alsaciens et Mosellans ayant fait le choix de rester Français en 1871 se rendaient-ils souvent dans leur ville ou village d’origine et ce sans grand problème. C’est par exemple le cas du peintre Jean-Jacques Henner, dont la carrière parisienne ne doit pas faire oublier les origines alsaciennes et rurales. Il est connu pour son fameux tableau Alsace. Elle attend (1), personnification saisissante de cette région. Les Allemands, dans l’autre sens, pouvaient aussi se rendre en France, bien que ce fût plus compliqué pour les militaires en service, ce qui est assez compréhensible.
Toutefois, de la Suisse au Luxembourg, cette frontière était surveillée. Un climat « d’espionnite » aiguë régnait alors, dont on a du mal à saisir l’ampleur de nos jours. Dans les gares et villages frontaliers une vraie guerre de renseignement se livrait, réelle comme supposée. Commissaires de police aux fonctions spéciales, douaniers et militaires tentaient de recueillir des informations sur les fortifications, mouvements de troupes et situation économique de l’autre côté de la barrière.
Quelques affaires émaillèrent ainsi les relations franco-allemands, comme celle de Schnaebélé, fonctionnaire français attiré dans un traquenard par un homologue allemand en 1887, sous prétexte d’échanger des informations. Arrêté par les autorités allemandes au motif d’espionnage, il fut finalement relâché après qu’une émotion intense eut soulevé la France et fait croire, un instant, à une déclaration de guerre.

L’entrée du fort Rapp-Moltke de Reichstett, ceinture de Strasbourg. Photo de l’auteur.

Dans les fossés du fort. Photo de l’auteur.

Dans les fossés du fort. Photo de l’auteur.

L’une des coupoles d’observation d’artillerie. Photo de l’auteur.

Le fort de Mutzig. Photo de l’auteur.

Les machines du fort de Mutzig. Photo de l’auteur.

L’une des coupoles de tir du fort de Mutzig. Photo de l’auteur.

Les pièces d’artillerie du fort de Mutzig. Photo de l’auteur.
Un territoire fortifié
De plus, l’Alsace-Lorraine allemande est, en 1914, un territoire fortifié, bien défendu et terre de garnison. A la fois car elle constitue la frontière avec la France, mais aussi car elle est perçue comme une marche défensive par l’Allemagne. Le chancelier Bismarck l’avait lui-même avoué dans une lettre à l’impératrice Eugénie, femme de Napoléon III (2). Les considérations d’ordre culturel, consistant à dire que cette annexion avait été réalisée pour retrouver un rameau du peuple germanique séparé de son tronc se révèlent en fait être des prétextes masquant une volonté politique et militaire: en cas de nouvelle attaque française, c’est l’Alsace et la Moselle qui seraient les premières touchées, pas l’autre rive du Rhin.
Cela n’empêcha pas l’Allemagne d’investir énormément dans ce territoire, d’y bâtir, et l’Empereur Guillaume lui-même de l’apprécier. On connaît notamment son intérêt, certes orienté, pour le Haut-Koenigsbourg (3). Néanmoins, cet espace avait une vocation de « marche » certaine. Voilà pourquoi de nombreuses casernes y avaient été construites, à la fois pour matérialiser une présence militaire réelle, mais aussi car les soldats étaient un bon vecteur de germanisation. Les villes de Metz et Strasbourg, elles, furent dotées d’une ceinture de forts très modernes et destinés surtout à dissuader la France d’attaquer. Signe de l’évolution des temps, ils étaient semi-enterrés, pour lutter contre les progrès de l’artillerie. Parmi eux, on peut citer celui de Reichstett, autour de Strasbourg. Les débouchés des Vosges, eux, furent dotés d’ouvrages devant arrêter les troupes françaises, car la ligne du massif n’était par entièrement protégée. L’un des plus impressionnants est celui de Mutzig (voir plus bas), qui inspira indirectement la ligne Maginot.
Or, dès les premiers jours de la guerre, une partie de ce territoire connut des combats.
Notes:
(1) : http://www.musee-henner.fr/collections/l-alsace-elle-attend
(2): Le point sur la question ici: https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/une-chronique-de-thierry-lentz-limperatrice-le-tigre-et-le-retour-de-lalsace-lorraine-en-1918
(3) : https://antredustratege.com/2014/01/20/le-chateau-du-haut-koenigsbourg/
Bibliographie:
-ROTH (François), Alsace-Lorraine. Histoire d’un « pays perdu » de 1870 à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2016, 222 p.
-Informations glanées lors de la visite de nombreux forts:
https://antredustratege.com/2017/10/12/le-fort-rapp-moltke-reichstett/
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Aperçu de l’Alsace militaire.
Souvenez-vous, j’avais mis quelques photos, récemment, du château du Haut-Koenigsbourg (lien plus bas)… Poursuivons et terminons donc notre tour de l’Alsace militaire avec des clichés de Strasbourg, de Klingenthal et de Kintzheim. Images cliquables.

La manufacture de Klingenthal, lieu de production d’une partie des armes blanches de l’armée française. Ce bâtiment était celui des ouvriers.

La statue de Kléber, héros des guerres de la Révolution. Il fut tué au Caire en 1800, le même jour de la bataille de Marengo où périssait Desaix. Cruelle ironie.

Un autre héros de la Révolution (et de l’Empire), cette fois Kellermann, duc de Valmy et maréchal de France.

Détail du monument en l’honneur de Leclerc et du serment de Koufra: « Jurez de ne déposer les armes que le jour où nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg ». Le serment fut tenu, et bien tenu.

Énormément de places et de rues ont des noms historiques. Ici, honneur est rendu à la brigade d’Alsace-Lorraine… Commandée par Malraux lui-même!

C’est dans cet endroit que retentit la première « Marseillaise ». Rappelons que le morceau s’appelle alors « Le chant de guerre de l’armée du Rhin ». C’est aussi la maison de Charles de Foucauld.
Plus de photos ici:
https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10202307130832270.1073741850.1611470780&type=1&l=b6f900791d
https://www.facebook.com/media/set/?set=a.10202193022539634.1073741848.1611470780&type=1&l=3697f0fbc9
Le château du Haut-Koenigsbourg:
https://antredustratege.com/2014/01/20/le-chateau-du-haut-koenigsbourg/
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