« Bonnie prince Charlie » à l’assaut du trône (1745-1746): III) Premiers affrontements
Les hostilités débutent
L’une des grandes chances de Bonnie Prince Charlie est d’avoir tenté de reprendre le trône en pleine guerre de succession d’Autriche que j’avais évoquée en introduction. De ce fait, la plupart des troupes britanniques sont positionnées hors des îles, soit en Flandre et en Allemagne, ou au sud de l’Angleterre par crainte d’un débarquement français (qui n’eut jamais lieu). Il peut donc rassembler ses troupes, marcher sur Perth et faire fuir devant lui le général Cope, à la tête des troupes gouvernementales. Le moral est au beau fixe, les forces nombreuses et c’est là que Charles-Edouard reçoit son surnom.
Bien que tous les clans ne se soient pas ralliés et que la majorité des habitants des basses-terres proches de l’Angleterre (Lowlands) ne se soient pas non plus prononcés pour lui, il parvient tout de même à entrer par surprise à Edimbourg le 15 septembre. Les troupes britanniques se sont débandées, même si une partie tient toujours la citadelle de la ville (voir photo), alors que le prince voit les ralliements se multiplier après cette victoire. Il prend possession du château ancestral de Holyrood où, quelques décennies plus tard, le futur Charles X vécut en exil, fuyant la Révolution française !

Vue du château d’Edimbourg depuis le toit du musée d’Ecosse. Photo de l’auteur.
Rester en Ecosse ou passer en Angleterre ?
Là, les conseillers du prince se divisent: que faire ? Rester en Ecosse et y fortifier les positions conquises, prélude à une nouvelle indépendance de l’ancien royaume ? Ou foncer vers l’Angleterre en profitant de la désorganisation générale, et gagner Londres pour en chasser les Hanovre honnis ? Là, il faut rappeler que, malgré leur origine écossaise, les Stuart s’étaient rapidement anglicisés après leur arrivée sur le trône d’Angleterre (1603, union des couronnes) puis de Grande-Bretagne (1707: Acte d’Union)… On voit pourtant que Charles-Edouard s’est servi de son ascendance pour sa tentative.
Ces divisions, toutefois, cèdent d’abord le pas aux nécessités du quotidien: il faut rassurer la population, continuer d’organiser les troupes ralliées et contenir les chefs de clan pas toujours d’accord. Le moins qu’on puisse dire est que Bonnie Prince Charlie réussit plutôt bien l’exercice. Il fait de nombreuses annonces se rapportant aux lois et aux taxes (certaines imposées par Londres vont être abolies, promet-il) qui le rendent populaire. De plus, ses forces parviennent à écraser les soldats de Cope, enfin venu à sa rencontre à la fin du mois de septembre. Le choc a lieu à Prestonpans, le 21, à quelques kilomètres d’Edimbourg, et est une brillante victoire jacobite. Le général britannique y laisse armes et bagages, ainsi qu’un millier de prisonniers. Sa réputation de lâche et de fuyard était désormais faite, colportée par la chanson Hey, Johnnie Cope, Are Ye Waking Yet?
Hey, Johnny Cope, interprété par Alastair Mc Donald.
Bibliographie consultée (qui n’a donc pas pour but d’être exhaustive):
-DUCHEIN (Michel), Histoire de l’Ecosse. Des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2013, 797 p.
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« Bonnie prince Charlie » à l’assaut du trône (1745-1746) : I) Introduction
Chassés du trône d’Angleterre par la « Glorieuse Révolution » de 1688-89, les Stuart n’en ont pas moins essayé à plusieurs reprises de retrouver leur pouvoir, et ce dès 1689, tentative alors appuyée par la France, et dont j’avais déjà parlé (voir liens ci-dessous). Cette fois-ci, nous avançons un peu dans la chronologie pour revenir sur l’essai presque couronné de succès de Charles-Edouard Stuart, dit « Bonnie prince Charlie » (1720-1788).
Qui est Charles-Edouard Stuart ?
Le personnage dont on va parler a laissé une trace indélébile dans l’histoire et la mémoire de l’Ecosse. On se souvient de lui comme du « bon », du « gentil » prince Charlie, d’où le titre de l’article. Il a fait l’objet de nombreuses œuvres littéraires, ainsi que de films et, encore aujourd’hui, son souvenir est bien vivant, et est même devenu un argument touristique. Toutefois, la mémoire, soit la présence sélective d’éléments du passé dans une société, n’est pas l’histoire et si ce personnage est plutôt bien vu pour beaucoup, cela ne doit pas empêcher d’expliquer d’un œil neutre son histoire.
Il est donc né en 1720 à Rome, d’un père déjà prétendant au trône et vivant en exil. La famille des Stuart, catholique, était bien reçue dans les Etats du pape, et bien sûr en France, qui voyait là une belle occasion d’affaiblir son ennemie de toujours. Au pays de Voltaire, elle logeait au château de Saint-Germain-en-Laye et y recevait les visites d’autres exilés, maintenant une petite cour de ce côté-ci de la Manche. Le personnage dont on parle, lui grandit en Italie où son père réside. Il se révèle vite intelligent, fin, très énergique, mais aussi fougueux et prompt à la colère, ce qui n’est pas bien vu, surtout à l’époque, pour un futur souverain, fût-il fils de prétendant dépossédé de ses Etats.

Bonnie Prince Charlie, représenté en tenue écossaise peint par William Mosman vers 1750. L’oeuvre est conservée à la Scottish National Gallery et la photo hébergée sur Wikipédia.
Des prétentions au départ
Toutefois, il a une grande espérance en l’avenir, surtout que son géniteur est âgé et peu à même de se lancer dans des projets aventureux. Or, ces rêves de gloire connaissent un début d’exécution dès 1744. Charles-Edouard a donc 24 ans et sa jeunesse coïncide avec un grand conflit européen: la guerre de succession d’Autriche. La présentation de celle-ci dépassant le cadre précis de cette étude, je me contenterai de rappeler qu’elle voit plusieurs candidats se disputer le trône des Habsbourg et, appuyant les prétentions des uns ou des autres, les grandes puissances européennes interviennent. Là encore jouent leurs divisions autres et, une nouvelle fois, la France se retrouve opposée à plusieurs autres Etats, notamment celui qu’on appelle la Grande-Bretagne depuis 1707. C’est là que des partisans des Stuart, qu’on nomme les Jacobites, car le nom en latin du roi Jacques II exilé en 1688 est « Jacobus », proposent à Louis XV une nouvelle tentative de rétablissement de la famille à Londres.
Sur le papier, elle est sérieuse: 10.000 hommes sont rassemblés dans le Nord pour un embarquement à Dunkerque avec Charles-Edouard, qui accourt de la Ville Éternelle. Il est prévu de débarquer en Ecosse et de l’y soutenir. Toutefois, une violente tempête disperse au printemps 1744 la flotte qui devait le conduire sur les rivages de ses ancêtres. Chose pareille est courante à l’époque de la marine à voile et empêche là ces projets d’être réalisés. Nous allons pourtant voir qu’ils n’étaient que remis à plus tard: dès 1745 un nouvel essai intervient.
Bibliographie consultée (qui n’a donc pas pour but d’être exhaustive):
-DUCHEIN (Michel), Histoire de l’Ecosse. Des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2013, 797 p.
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Les débarquements français en Irlande III) 1690: poursuivre la tentative de 1689
Nous en étions restés à ce moment où Louis XIV décide d’envoyer d’importants renforts en Irlande. Les troupes fidèles au Stuart piétinent face à la résistance de l’Ulster, où les partisans de Guillaume d’Orange sont plus nombreux, Guillaume qui a aussi envoyé des soldats en nombre dans l’Ile verte.
Une vraie expédition
Que veut dire l’expression « renforts substantiels » que je citais en introduction ? Rien de moins que près de 7000 hommes et 400 officiers, dont une soixantaine d’artillerie, débarqués en mars 1690… Nous sommes loin des conseillers de l’an passé. C’est sans doute la force française la plus importante qui ait débarqué pour des opérations militaires dans les îles britanniques… Toutefois, leur chef, le comte de Lauzun, n’est guère un brillant stratège et cette arrivée de Français correspond à un échange de troupes décidé par les dirigeants….
En effet, plusieurs régiments irlandais prennent leur place dans les navires de la flotte du roi-soleil pour aller combattre sur le continent. C’est l’origine d’un noyau de troupes irlandaises dont les successeurs combattront jusqu’à la Révolution, voire au-delà (exemple en 1870 dans la Revue historique des armées citée en bibliographie). Au final, rien n’était acquis pour Jacques II.

Benjamin west représente ici Guillaume III à la bataille de la Boyne. Le tableau est de 1781.
La bataille décisive de la Boyne
A partir de là, les évènements s’accélèrent. Guillaume d’Orange lui-même se met à la tête de ses troupes, et marche vers l’armée franco-irlandaise de Jacques II. A l’été, les deux forces se font face, pour ce que tous ressentent comme un combat décisif. Le roi Guillaume dispose de 36.000 hommes bien entraînés face aux 25.000 partisans du Stuart. L’affrontement a lieu de long des rives de la rivière Boyne, au nord de Dublin, le 1er juillet 1690 (selon le calendrier julien de l’époque).
Or, c’est une terrible défaite pour les Jacobites, le nom qu’on donne aux partisans des Stuart (Jacques devenant « Jacobus » en latin). Malgré une défense coriace de la cavalerie irlandaise, les régiments obéissant à la maison d’Orange parviennent à passer en force la rivière, et fondent sur les troupes de Jacques, mal positionnées. Les troupes françaises se comportent admirablement, protégeant la déroute du reste de l’armée, mais ne pouvant changer le résultat final.
Les conséquences
Cette bataille décisive marque un premier échec Stuart de reprise du trône. Le roi parvient à s’enfuir en France depuis Kinsale, et sa famille va installer sa cour pour de nombreuses années à Saint-Germain-en-Laye. Les troupes françaises, elles, rembarquent depuis Galway et retournent en France. Si elles se sont bien comportées au combat, il ne faut pas croire à une idylle en Irlande. Les hommes de Louis XIV ont souvent été méprisants, trouvant les Irlandais pauvres et frustes, et ceux-ci n’ont pas apprécié certaines de leurs manières… Ni le fait que Jacques les écoute plus qu’eux-mêmes.
Toutefois, on a vu que nombre d’Irlandais passèrent en France où ils allaient se couvrir de gloire pendant des décennies, combattant notamment à Malplaquet en 1709, d’autres dans la marine, comme la famille Mac Nemara. D’importants liens franco-irlandais se nouent à l’époque.
Bibliographie sélective (sans but d’exhaustivité):
-JOANNON (Pierre), Histoire de l’Irlande et des Irlandais, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2009, 832 p.
-« France-Irlande », Revue historique des armées n° 253, 2008. Voir notamment cet article :
Évocation des Irlandais dans la marine française:
-VERGE-FRANCESCHI (Michel), La marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Paris, SEDES, 1996, 451 p.
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