Archives de Tag: Stuarts

La « glorieuse révolution » de 1688-1689: V) Conclusion

Les Stuarts en exil 

Installés en exil à Saint Germain en Laye, James II et ses proches, puis leurs successeurs, allaient représenter une menace réelle pour le trône. Restés populaires en Écosse et au départ en Irlande, ils vont se servir de ces « ventres mous » du pouvoir installé à Londres pour tenter de reprendre leur place. On nomme bientôt leur cause « jacobitisme », Jacobus étant le nom latin de James. C’est la catholicité du roi qui est tout d’abord cette cause dans l’île verte, ses réformes ayant profité à ses sujets de rite romain. Ainsi, en 1689 puis 1690, avec l’appui de la France (voir ci-dessous), des débarquements sont organisés, qui échouent après des défaites militaires.

La tentative irlandaise échouée, d’autres sont organisées en Écosse, qui connaît déjà des soulèvements en 1689 d’ailleurs. En effet c’est le lieu d’où la famille est originaire, même si l’on a vu qu’elle s’était bien anglicisée après 1603. Toujours est-il que les successeurs de James II, mort en 1701, redécouvrent ce passé, de manière plus ou moins sincère, et que, sur place, la volonté de retrouver un poids perdu avec la fusion des parlements en 1707 est réelle. En effet, c’est cette année que la Grande-Bretagne est officiellement créée et Édimbourg perd son assemblée au profit d’une chambre commune à Westminster. S’il ne faut pas voir dans ces mécontentements du nationalisme au sens du XIXe siècle, cette pensée est tout de même suffisamment puissante pour que les souverains en exil gardent des partisans, en fait surtout dans les hautes terres, parmi les rudes highlanders. 

Des révoltes ont donc lieu notamment en 1689, 1715 puis 1719, avec le concours intéressé de Paris puis de Madrid, l’Espagne étant passée aux mains du petit-fils de Louis XIV après la guerre de 1702-1713. Si ce sont des échecs, la tentative de 1745-1746 déjà décrite (voir liens) fait un temps sérieusement vaciller la dynastie Hanovre. A chaque fois, des répercussions ont lieu sur les populations locales, parfois terribles comme le massacre de Glencoe (1692), ou la destruction du système clanique et l’interdiction des cornemuses après 1746.

Si des rumeurs d’un nouveau « coup » sont semées durant la guerre de Sept ans (1756-1763), la défaite de Culloden et la répression évoquée plus haut est si terrible que rien ne se passe, d’autant plus que les derniers Stuarts meurent sans descendance légitime.

1689, la bataille de Killiecrankie est gagnée par les révoltés Jacobites, une victoire sans lendemain. La chanson, en scots et non en anglais, évoque cet événement et est magnifiquement interprétée par les Corries.

Une révolution sans violence ? 

Enfin, on peut se demander si la « Glorieuse révolution », présentée souvent comme celle d’un peuple unanimement levé contre son souverain et qui le chasse sans heurts, est si exemplaire que cela. Certes, le roi ne subit pas le sort du malheureux Charles Ier, et il n’affronte pas directement Guillaume au cours d’une bataille rangée… Néanmoins on a dit que des nobles se soulevaient contre lui, et les derniers moments de son règne sont l’occasion d’un déchaînement de violences contre les catholiques, qui se terminent même par la destruction de l’ambassade de l’Espagne, pays étranger à ces événements, mais jugé comme très « papiste ».

Si les tensions restent finalement limitées en Angleterre, on a vu plus haut que l’Écosse et l’Irlande se révoltaient et là le sang coula beaucoup, initiant le cycle de révolte décrit plus haut et ailleurs sur ce site.

Au final, après le départ de James II, c’est Guillaume d’Orange, sous le nom de Guillaume III, qui règne conjointement avec son épouse, la fille du roi déchu. Il refuse de se voir en prince consort sans pouvoir et participe directement à de nombreuses décisions. Pourtant, comme le couple n’a pas d’enfants, la lignée des Stuarts se perpétue un temps avec l’arrivée sur le trône de la reine Anne (1702-1714), autre fille de James II restée elle aussi anglicane. Toutefois, elle non plus ne parvient pas à avoir de descendance et, une importante loi de 1701 privant officiellement les catholiques de la succession anglaise, c’est un cousin allemand venu du Hanovre qui inaugure une nouvelle dynastie sous le nom de George Ier.

Détail d’une gravure de 1689 de Romeyn de Hooghe. On voit Guillaume III tenir le sceptre dans ses mains et apporter la liberté à son nouveau royaume. Il s’agit bien sûr de propagande. Oeuvre conservée au château de Holyrood et présentée dans la galerie de la reine, photo de l’auteur (février 2019). https://www.rct.uk/visit/palace-of-holyroodhouse

Autres articles sur la question:

https://antredustratege.com/2017/01/23/les-debarquements-francais-en-irlande-ii-1689-raisons-et-declenchement/

https://antredustratege.com/2017/02/05/les-debarquements-francais-en-irlande-ii-1690-poursuivre-la-tentative-de-1689/

https://antredustratege.com/2018/01/03/bonnie-prince-charlie-a-lassaut-du-trone-1745-1746-i-introduction/

Tableaux illustrant le sujet: 

https://antredustratege.com/2019/03/04/le-volet-militaire-de-la-scottish-national-portrait-gallery/

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.

-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.

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La « glorieuse révolution » de 1688-1689: IV) James II perd le trône

Un combat qui ne vient pas

Alors que James II et son armée marchent à la rencontre de Guillaume, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour le premier: des éclaireurs envoyés en avant ne reviennent pas, et certaines unités font défection. Si, au final, elles ne sont pas très nombreuses, le signal donné est mauvais, d’autant plus que le propre neveu du souverain fait partie des déserteurs. Le moral du roi en devient très affecté et il recours à des drogues pour trouver le sommeil. Les conseillers hésitent sur la marche à suivre et lui-même ne sait comment rétablir la situation. Il en vient même à se demander si ses hommes accepteront le combat avec les troupes de son ennemi.

Finalement, craignant que ce ne soit pas le cas, il décide de retraiter en direction de Londres et de négocier avec Guillaume pour gagner du temps pense-t-il. Toutefois, sa propre famille se détourne en partie de lui: sa fille Anne et d’autres proches rejoignent les nobles révoltés dans les terres centrales de l’Angleterre ! Le chef de la maison d’Orange, lui, ne perd pas de temps: ses hommes remontent méthodiquement vers la capitale et il envoie des émissaires à la rencontre de James.

Gravure de 1685 représentant James II. Elle est l’oeuvre d’Arnold van Westerhout et a été faite à Rome. Elle exprime le souhait du roi de voir son pays revenir à la foi catholique. Oeuvre conservée au château de Holyrood et présentée dans la galerie de la reine, photo de l’auteur (février 2019). https://www.rct.uk/visit/palace-of-holyroodhouse

La fuite du roi

Ils arrivent auprès de lui le 10 décembre 1688, date à laquelle James II s’est décidé à fuir, après qu’il ait pu envoyer la reine et son fils en France. Il part en pleine nuit, en ordonnant à ses soldats de se disperser (mais sans se désarmer) et en jetant le grand sceau dans la Tamise, sceau utilisé dans de nombreuses décisions royales…. Avant d’être attrapé par des pêcheurs près de la ville de Faversham, dans le Kent !

Ramené dans la capitale, il s’entend finalement avec Guillaume qui maquille son départ vers la France. James ne veut pas lutter, malgré les demandes pressantes de certains de ses soutiens et le Néerlandais veut tout sauf en faire un martyr. Il s’embarque la veille de Noël, et parvient en France le lendemain. Louis XIV le reçoit et lui accorde alors la jouissance du château de Saint-Germain-en-Laye, ainsi, si vous lisez dans un texte d’époque que le roi soleil est allé voir celui d’Angleterre, c’est de lui qu’il s’agit.

On verra la prochaine fois que s’il n’y eut pas de combat direct entre les deux adversaires, cette « glorieuse révolution » ne se fit tout de même pas sans violences, comme les partisans de la faction d’Orange ont pu l’affirmer.

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.

-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.

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La « glorieuse révolution » de 1688-1689: III) Guillaume débarque en Angleterre

L’été 1688

Malgré la situation intérieure tendue en Angleterre que nous avons décrite, celle-ci ne se détériore pas au point de créer une menace pour le trône de James II. Le roi a eu vent des projets de Guillaume d’Orange, mais durant une grande partie de l’été 1688 il ne le croit pas capable de rassembler une force suffisante pour franchir la mer et débarquer sur ses côtes. D’ailleurs, son raisonnement est loin d’être stupide: la guerre menace sur le continent entre la France et bon nombre de puissances européennes… Avant de finalement éclater fin septembre et d’être connue sous le nom de « guerre de la ligue d’Augsbourg ». Or, dans ce conflit encore en gestation, tout laisse croire que les Pays-Bas vont être à nouveau contre la France (ce qui va arriver) et il paraît bien étrange que le stathouder s’éloigne de ses États dans une pareille période de crise.

Toutefois, il apparaît que Louis XIV va frapper plus au sud, sur le Rhin et sa flotte ne fait pas mine de bouger hors de Méditerranée. Soulagés, les Pays-Bas autorisent donc William à tenter l’aventure anglaise, et cela montre bien que, théoriquement allié de l’Angleterre et de son cousin, le roi de France mène sa propre politique. Cette fois alarmé, James II veut renforcer ses troupes. Il donne des gages aux Tories pour qu’ils le soutiennent, en commençant à revenir sur les concessions accordées aux catholiques et aux dissenters. Toutefois, il a perdu trop de temps et le cours des événements va s’accélérer.

Une des scènes de l’embarquement: la frégate « Brielle » à Rotterdam. Tableau de Ludolf Bakhuizen (1689) conservé au Rijksmuseum (https://www.rijksmuseum.nl/en) . Image libre de droits hébergée sur Wikipédia: https://en.wikipedia.org/wiki/File:Het_oorlogsschip_%27Brielle%27_op_de_Maas_voor_Rotterdam_-_The_warship_%27Brielle%27_on_the_Maas_before_Rotterdam_(Ludolf_Backhuysen,_1689).jpg

William débarque en Angleterre

Après l’échec d’une première tentative, dû à une tempête, comme il est courant au temps de la marine à voile, Guillaume retente la traversée à l’automne. Il parvient à éviter la Royal Navy et débarque à Torbay dans le Devon, au sud-ouest de l’Angleterre, avec 21.000 hommes aguerris et bien équipés. Si les forces de son adversaire sont plus nombreuses, il a le soin de présenter son entreprise comme légitime. Il distribue de nombreux feuillets l’expliquant, ce qui est facilité par le fait qu’il a emmené une imprimerie avec lui. De plus, il prend soin d’affirmer qu’il vient au secours du peuple anglais, pour le libérer de la mauvaise politique de son roi. Ainsi, ce bon communiquant entend-il ne pas passer pour l’agresseur, mais pour un libérateur notamment auprès des autres monarques. Il ne dit pas clairement qu’il veut devenir roi… Tout en ne disant pas non plus qu’il ne le souhaite pas !

Face à tout cela, si l’armée de James lui reste fidèle, on ne peut pas en dire autant des parlementaires qui ne s’opposent pas fermement à Guillaume. La population, elle, dans sa majorité gronde sourdement: des lieux de culte catholique sont attaqués, et une rumeur se répand: le roi aurait engagé des papistes irlandais et français pour la massacrer. C’est dans ce contexte d’impopularité totale, alors que des seigneurs protestants se sont révoltés dans le centre et le nord du pays, que James marche à la rencontre de Guillaume, qui remonte lentement vers lui…

Guillaume débarquant à Torbay. Tableau très conventionnel qui lui accorde une grande place. L’oeuvre de Jan Wyck est conservée au musée maritime de Greenwich. Image hébergée sur Wikipédia; https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/af/William_III_Landing_at_Brixham%2C_Torbay%2C_5_November_1688.jpg https://www.rmg.co.uk/national-maritime-museum

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.

-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.

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La « glorieuse révolution » de 1688-1689: II) Le déclenchement

Une accumulation de tensions

James II monte donc sur le trône en 1685, et ne s’y maintient que trois ans, mais l’issue n’était pas acquise dès le départ et il faut, en histoire, se garder d’orienter notre vision des faits vers le résultat produit. En effet, il a des soutiens, notamment la fraction conservatrice du parlement, les Tories. Ces parlementaires, inquiets d’un possible désordre, ont refusé qu’il soit exclut de la succession et espèrent qu’il va régner en apparence comme un anglican, bien qu’il se soit converti au catholicisme.

Or, si son frère Charles II avait su refouler en public sa préférence pour cette dernière religion, ce n’est pas le cas du cadet, et c’est bien là que réside son problème. Ainsi, en 1687, il fait éditer une déclaration d’indulgence plutôt large, qui donne tout simplement la liberté de culte aux catholiques et accorde un statut proche aux Dissenters, une fraction protestante rigoriste opposée à l’Eglise anglicane, jugée comme restée trop proche du catholicisme. 

Si l’on peut, à quelques siècles de distance, évaluer positivement cette décision très tolérante, qui arrive bien avant l’émancipation définitive des catholiques (1829), le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne fut pas jugée ainsi à l’époque. Ainsi les Dissenters apprécient une liberté retrouvée… Mais certains trouvent qu’elle donne trop de droits aux « papistes » exécrés, et le commentaire peut être valable dans l’autre sens !  De plus, le roi force le clergé anglican à lire cette déclaration, ce qui est catastrophique et plusieurs évêques refusent de se soumettre à l’injonction royale. Sept d’entre eux protestent, sont jugés… Et finalement acquittés dans une grande ferveur populaire.

Les tensions se cristallisent en 1687 quand l’annonce de la grossesse de la reine est rendue publique: le roi espère tout naturellement un fils pour lui succéder, alors qu’une partie de l’opinion le craint, car tout indique qu’il sera élevé dans la foi catholique.

La reine Mary, épouse de Guillaume d’Orange. Copie d’un portrait de Lely (vers 1677-1680). Image libre de droits hébergée sur wikipédia.

Guillaume d’Orange entre en lice

C’est là que Mary, fille de James II issue d’un premier mariage, rentre dans le récit. Épouse de Guillaume d’Orange, Stathouder (gouverneur général au pouvoir exécutif assez fort) des Provinces-Unies (Pays-Bas) et adversaire farouche de Louis XIV, elle représente une alternative viable pour ceux qui s’opposent au roi. Élevée comme anglicane, unie à un protestant, héritière légitime tant que son père n’a pas de garçon, elle ne représente donc pas de danger. De plus, Guillaume regarde lui aussi vers l’Angleterre. Le trône l’intéresse, il n’entend pas être un simple consort, et mettre la main sur la puissante flotte britannique lui permettrait de lutter efficacement contre la France.

Ainsi, le 30 juin 1688, sept hommes parmi les plus influents du pays, notamment des politiciens Whig, l’autre tendance du parlement, opposée aux Tories, écrivent une lettre à Guillaume, lui demandant de venir en Angleterre. On sait d’ailleurs qu’elle ne fut pas spontanée: le Stathouder pressa ses contacts sur l’île d’agir en ce sens, surtout après la naissance effective du fils de James II vingt jours plus tôt. Il avait de plus pris sa décision d’envahir l’Angleterre dès mai. Toutefois, on le verra, il fallut encore de nombreux mois pour résoudre la crise.

Guillaume d’Orange, puissant home d’Etat néerlandais et par la force des choses anglais portrait de Kneller vers 1680. Image libre de droits hébergée sur wikipédia.

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.

-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.

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La « glorieuse révolution » de 1688-1689: I) Le contexte

Les Stuarts

D’origine écossaise, la dynastie des Stuarts est montée sur le trône d’Angleterre à la mort sans héritier direct d’Elisabeth Ier en 1603. Le plus proche du trône se trouvait donc être le roi James VI d’Ecosse, descendant d’une des sœurs d’Henry VIII, mariée à l’un de ses ancêtres. Sorte de « revanche » écossaise, après un Moyen-Age qui vit le pays convoité par l’Angleterre, le nouveau souverain instaurait une dynastie qui allait régner jusqu’à la mort de la reine Anne, en 1714.

Pour la première fois, un même monarque régnait conjointement sur l’Ecosse et l’Angleterre, bien que les deux entités fussent encore séparées (l’Union intervint en 1707). D’ailleurs, le roi James VI- James Ier au sud de la Tweed- s’installa rapidement à Londres et s’anglicisa. Il ne faut pas croire qu’il porta avec lui des revendications écossaises démesurées… Toutefois l’édifice restait fragile. En effet, la dynastie connut rapidement d’importants déboires, et ce dès son deuxième souverain, le roi Charles Ier. On sait qu’il s’opposa violemment au parlement pourtant incontournable, mais aussi que son mariage avec une princesse catholique, fille d’Henri IV de France, fut mal accepté. Le pays, marqué par un anglicanisme en -lente- construction, des mouvements puritains plus radicaux et le presbytérianisme en Ecosse connaissait alors d’importants troubles religieux qui allaient être longs à résoudre.

Tout ceci conduisit à une guerre civile puis à la défaite du roi, arrêté et exécuté en 1649. Après sa mort, le pays fut un temps dirigé d’une main de fer par Oliver Cromwell, héros de la guerre mais aussi intransigeant en matière religieuse, autoritaire et brutal avec les marges peu contrôlées comme l’Irlande. 

Charles Ier par Daniel Mytens, portrait conservé à la National Portrait Gallery (photo-ratée- de l’auteur): https://antredustratege.com/2018/12/16/le-volet-militaire-de-la-national-portrait-gallery-londres/ https://www.npg.org.uk/

A sa mort en 1658, son édifice nommé « Commonwealth » ne lui survit que peu: son fils fut écarté et grâce à des hommes puissants comme le général Monk, les Stuarts furent rétablis sur le trône en la personne de Charles II, fils du roi décapité et élevé en France où il s’était réfugié avec sa mère et son frère, le futur James II. Son assez long règne (1660-1685) fut marqué par plus de stabilité, par un essor économique et colonial important, mais aussi des difficultés avec le parlement, notamment car, tolérant, il aspirait à plus de libertés pour les catholiques.  D’ailleurs, s’il savait pertinemment que l’Eglise anglicane constituait un fidèle soutien du trône, il se sentait plus proche du catholicisme et l’historien John Miller rappelle qu’il se convertit sur son lit de mort (voir bibliographie).

James II 

Or, Charles II n’avait pas d’héritier légitime et la couronne devait tout naturellement revenir à son frère James, ouvertement catholique, sans doute depuis 1668, date présumée de sa conversion. Si ces querelles religieuses semblent dérisoire à notre siècle, il faut les replacer dans le contexte et se rappeler qu’un arrière-plan plus politique se trouvait derrière ces questions d’autel et de conscience. On se souvient par exemple qu’Henry VIII, créateur de l’anglicanisme, avait voulu se débarrasser de l’influence de Rome et du pape en se soustrayant à leur autorité morale.

Là, la catholicité du roi gênait ses sujets qui avaient majoritairement abandonné cette religion, jugée comme déshonnête, soumise au vicaire du christ, qui pourrait gêner les positions et les propriétés acquises par l’Eglise (anglicane) d’Angleterre... James, lui, jugeait sévèrement le clergé protestant, le croyant coupable de désinformation et d’entretenir l’ignorance. Alors qu’il s’était converti facilement, il ne comprenait pas qu’on ne puisse pas faire de même.

 

Le roi James II peint par Sir Godfrey Kneller en 1684. Photo du tableau gracieusement fournie par la National Portrait Gallery: https://www.npg.org.uk/collections/search/portraitZoom/mw03423/King-James-II?LinkID=mp02391&role=sit&rNo=4 Mon article sur ce lieu: https://antredustratege.com/2018/12/16/le-volet-militaire-de-la-national-portrait-gallery-londres/

Son second mariage avec une princesse elle aussi catholique, Marie de Modène, laissait enfin croire à une restauration durable du catholicisme, qui faisait peur: les Anglais se souvenaient de la reine Mary, la fameuse « Bloody Mary » qui avait voulu rétablir le catholicisme par la force et la violence durant son règne au milieu du XVIe siècle. De plus, d’origine française, James II était plutôt proche de Versailles et de la politique de son souverain, Louis XIV, ce qui pouvait paraître contraire aux intérêts anglais. Ajoutons à cela une volonté de gouverner farouche : le roi se croyait en mission pour Dieu et craignait de manquer de temps pour la réaliser, ce qui l’incita à aller vite, notamment en augmentant son pouvoir personnel, chose qui fut très mal perçue.

Bibliographie:

-MILLER (John), The Stuarts, Londres, Hambledon Continuum, 2006, 294 p.

-CHASSAIGNE (Philippe), Histoire de l’Angleterre, Paris, Aubier, coll. « Histoires », 1996, 504 p.

« Bonnie prince Charlie » à l’assaut du trône (1745-1746): V) De la retraite à la lande de Culloden

La retraite et le retour en Ecosse

L’ordre de retraite vers l’Ecosse ne signifie pas la débandade de l’armée de Charles-Edouard Stuart. Ses troupes se retirent en bon ordre vers le Nord et parviennent à vaincre les ennemis rencontrés sur la route. Mieux, après s’être regroupé à Perth avec ses hommes, il reçoit des renforts des Highlands, ainsi que le concours dune petite troupe française finalement venue, même s’il on a vu précédemment  qu’une expédition nombreuse et en règle organisée depuis Dunkerque avait été abandonnée. Voilà pourquoi Bonnie Prince Charlie reprend espoir: il réorganise ses effectifs et déloge ensuite une force ennemie de Falkirk début janvier 1746.

A partir de là, la fortune change toutefois de camp. Comme prévu, les montagnards regagnent leurs habitations en attendant le printemps, et les troupes gouvernementales réagissent. Leur nouveau commandant, Hawley, n’est pas très diplomate et se révèle vantard, mais cela ne l’empêche pas de faire occuper rigoureusement les terres qu’il reconquiert peu à peu, pour s’assurer de leur contrôle et surveiller des habitants souvent hostiles. Passé l’effroi de l’été précédent, le gouvernement de Londres s’est repris et des soldats prennent le chemin du nord.

« An Incident in the Rebellion of 1745 », attribué à David Morier. Plus d’informations sur le site internet suivant: https://www.royalcollection.org.uk/collection/401243/an-incident-in-the-rebellion-of-1745

La bataille de Culloden

Cela oblige les Jacobites à se tourner vers une poursuite des hostilités sous la forme d’une guérilla, ou « petite guerre » comme on dit à l’époque. La disproportion de moyens se fait de plus en plus criante à mesure que les troupes gouvernementales se renforcent et quadrillent le sud de l’Ecosse. Le chef Stuart décide donc de se retirer très au nord, dans la région d’Inverness, pour s’y retrancher et attendre de l’aide venue de France. Or, on l’a dit, celle-ci est fluctuante et soumise aux lois de la guerre sur mer: un vaisseau français, le Prince Charles, porteur de secours est ainsi capturé par la Royal Navy.

L’argent et le ravitaillement venant à manquer, Charles-Edouard fait la sourde oreille aux conseils de ses proches, qui lui suggèrent d’attendre l’été et le retour des Highlanders. Il prend la décision de se découvrir et d’affronter son ennemi dans une bataille rangée. La rencontre a lieu sur la lande de Culloden, proche de la ville d’Inverness, et est un désastre complet. Les jacobites, mal nourris et manquant d’équipement, se retrouvent de plus deux fois moins nombreux que les 9000 adversaires. Le résultat est sans appel: fauchés par l’artillerie, les feux d’infanterie bien coordonnés et bloqués par des rangées de baïonnettes, ils tombent par centaines, sans que le décompte total des pertes soit encore connu à l’heure actuelle. C’en est fini des espoirs de restauration des Stuarts, et Charles-Edouard prend la fuite.

Chanson évoquant le départ de Bonnie Prince Charlie et espérant son retour. Interprétation: Gaberlunzie

Bibliographie consultée (qui n’a donc pas pour but d’être exhaustive):

-DUCHEIN (Michel), Histoire de l’Ecosse. Des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2013, 797 p.

-Pour en savoir plus sur la « petite guerre au XVIIIe siècle:

http://journals.openedition.org/rha/7237

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« Bonnie prince Charlie » à l’assaut du trône (1745-1746): IV) En marche vers l’Angleterre

La marche triomphale vers le sud

La victoire de Prestonpans évoquée la dernière fois donne l’élan à Bonnie Prince Charlie et à ses troupes, l’élan nécessaire pour se porter vers le sud. Son effet est renforcé par l’arrivée d’un diplomate français, le marquis d’Eguilles, apportant avec lui quelques armes et de l’argent, mais surtout de belles paroles. Charles-Edouard ne pouvait pas le savoir, mais la cour de Versailles ne lui est pas acquise totalement, loin de là, et on ne revit pas, durant sa tentative, d’essai réussi de débarquement en force de la part des Français. Reste qu’il voulut croire en ce soutien jusqu’à la fin et l’aristocrate arrive là au bon moment.

Toutefois, il semble ne pas avoir besoin de l’aide de Louis XV pour l’instant. Après avoir franchi la frontière entre Ecosse et Angleterre le 8 novembre 1745, sa marche vers Londres de son armée ressemble à une promenade de santé et un succès annoncé ! Ainsi, en trois semaines, ses forces abattent 450 kilomètres et réussissent assez habilement à berner les troupes ennemies dirigées par Wade et Cumberland. On l’a dit, l’armée royale est surtout déployée sur le continent et doit rassembler ses unités face au prétendant. Finalement, malgré des dissensions entre chefs écossais, la partie semble bel et bien gagnée: le 2 décembre, Derby est atteinte, à un peu plus de 200 kilomètres de la capitale, où, d’ailleurs, on s’affole. 

Ye Jacobites by Name, chanson traditionnelle évoquant les révoltes des partisans des Stuarts. Il s’agit de la version réécrite par Robert Burns, grand poète de la fin du XVIIIe siècle. Interprétation: Ian Bruce.

Le prince représenté en chef écossais par Louis Tocqué, portraitiste de l’époque. Image hébergée (domaine public) sur Wikipédia.

Coup d’arrêt au nord de Londres

C’est là que le sort devient contraire au prétendant. Non seulement il n’a pas écrasé, mais plutôt évité, les troupes de George II, mais, de plus, ses hommes commencent à exprimer leur mécontentement. En effet, le gros de son armée est constitué de montagnards des Highlands qui se sentent étrangers à cette haute politique et surtout loin de chez eux. Alors que l’hiver bat son plein, ils craignent pour leurs familles et possessions laissées loin derrière, dans les hautes terres d’Ecosse. La situation est critique pour Bonnie Prince Charlie car il ne peut évidemment rien seul, et la population anglaise n’a pas été transportée de joie sur son chemin ni ne s’est ralliée en masse.

Finalement, après des discussions très houleuses à la tête de l’édifice, Charles-Edouard décide de revenir en Ecosse plutôt que de rester seul et d’être vaincu dans un environnement hostile; au même moment, des manœuvres curiales versaillaises font échouer les préparatifs d’une expédition de secours organisée depuis Dunkerque… Or, la retraite ne ressemble pas à la marche décrite plus haut, et, on verra qu’elle se termine par la désastreuse bataille de Culloden.

Bibliographie consultée (qui n’a donc pas pour but d’être exhaustive):

-DUCHEIN (Michel), Histoire de l’Ecosse. Des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2013, 797 p.

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« Bonnie prince Charlie » à l’assaut du trône (1745-1746): II) Départ pour l’Ecosse

Un départ difficile

Après l’échec de la tentative de 1744 expliquée précédemment, les Français se détournent des grands projets en direction de l’Ecosse. A cela plusieurs raisons: la guerre dans les Flandres prime sur le reste… Et 1745 voit d’ailleurs de très belles victoires être remportées, comme la fameuse bataille de Fontenoy où est présent Louis XV en personne. De plus, les milieux dirigeants jugent  finalement que, dans les îles britanniques mêmes, le désir de voir les Stuart revenir est peu développé.

Pour autant, Charles-Edouard ne se décourage pas. Il obtient le soutien financier de quelques personnes influentes dont le banquier MacDonald, exerçant à Paris et d’origine écossaise. Avec difficulté, il parvient donc à rassembler quelques centaines d’hommes, les armer et les embarquer sur deux vieux navires rachetés et réparés pour la circonstance. Ainsi, le 8 juillet 1745, il embarque à Paimboeuf, dans la région nantaise: direction, la terre de ses ancêtres quittée bien longtemps avant !

Or, très vite, la Royal Navy, qui exerce un contrôle très étroit sur les côtes françaises pendant une bonne partie du XVIIIe siècle, décèle les deux navires et ouvre le feu sur eux. L’un deux doit repartir s’abriter à Brest, mais le prince, à bord de l’autre, la frégate Du Teillay, décide de forcer la chance et de continuer sa route. C’est un succès car il parvient à échapper à la marine ennemie et débarque le 28 juillet en Ecosse, sur une des nombreuses îles de la côte occidentale.

Chanson jacobite évoquant les grands espoirs suscités par le débarquement de Bonnie Prince Charlie. Elle est interprétée par les McCalmans. Ces chansons sont souvent écrites en Scots, langue régionale proche de l’anglais et pas du gaélique écossais.  

Le ralliement des premiers clans 

Le moins que l’on puisse dire est que son arrivée ne suscite tout d’abord par l’enthousiaste qu’il escomptait. Il est plutôt bien reçu, mais les chefs de clans craignent de se lancer dans une aventure très risquée, surtout sans le soutien des troupes de Louis XV. Finalement, il faut la fougue de la jeunesse des proches du chieftain du clan MacDonald de Clanranald pour emporter la décision: il est acclamé et, à partir de ce moment, les ralliements à sa cause se succèdent. Les chefs suivent à leur tour et la nouvelle se répand: jour après jour des centaines de highlanders se joignent à ses forces naissances.

Alors que la frégate repart pour la France y chercher du secours supplémentaire, le Stuart a pu rassembler autour de lui 3000 hommes à la mi-août 1745, c’est-à-dire assez rapidement. Une petite troupe loyaliste qui venait s’interposer est rapidement défaite et, dans la vallée de Glenfinnan, est solennellement lue la proclamation du père de Charles-Edouard qui fait de lui le régent: on l’a dit, le géniteur, plus âgé et enclin à la dépression n’est pas du voyage. Ensuite, Charles-Edouard se fend d’un discours très apprécié, sur fond de déploiement de l’étendard royal, et l’insurrection débute vraiment.

Bibliographie consultée (qui n’a donc pas pour but d’être exhaustive):

-DUCHEIN (Michel), Histoire de l’Ecosse. Des origines à nos jours, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2013, 797 p.

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