La deuxième croisade :
La deuxième croisade diffère de la Première en ce sens qu’elle est de secours et non de conquête, de rois (Louis VII de France et l’Empereur germanique Conrad III pour l’essentiel) et non plus de grands seigneurs comme on vient de le voir. Le Saint-Empire (héritier spirituel de l’Empire Romain, en actuelle Allemagne pour l’essentiel) est alors l’allié de Byzance contre les Normands, peuple de grands conquérants tenant la Sicile et que l’on a évoqué précédemment. C’est l’époque où la pénétration occidentale en Orient augmente : plus seulement des militaires mais aussi des colonies de marchands. L’Empereur Manuel est relativement favorable à l’égard de ces populations d’ailleurs (et de l’Occident en règle générale). Toujours est-il qu’il s’agit de souverains et non plus de seigneurs : on ne peut les reconnaître vassaux comme on l’avait fait auparavant… Qu’en sera-t-il du statut des futures conquêtes faites par eux ? De plus, Manuel craint pour ses propres vassaux.
La question est réglée par le fait que la croisade est un échec cuisant! Conrad abandonne l’entreprise et Louis VII est évacué par la marine Byzantine (qui brille d’un dernier éclat sous Manuel). La prise de Damas échoue et tout le monde finit par rembarquer. Il faut dire que les méthodes de combat orientales déconcertent Les latins : les Turcs Seldjoukides sont revenus à leur tactique du harcèlement de cavalerie légère, par exemple (qui tire et s’enfuit). Certains ont même prêté à Conrad l’idée de vouloir devenir empereur byzantin… Ce qui expliquerait plusieurs accrochages à Andrinople et Constantinople entre chrétiens. Toujours est-il que la pression turque (et la présence des Croisés) oblige Byzance à dégarnir les Balkans. Le roi Normand de Sicile (Roger II) en profite : en 1147 il attaque la Grèce, prenant Corinthe et Thèbes et s’emparant par la même occasion des ouvriers spécialisés dans la production de la soie, jusque-là monopole byzantin (les vers ont été ramenés de Chine, cachés dans des bâtons de moines).

Le roi Louis VII de France, là à Vézelay, part en croisade… Image trouvée sur wikipedia.
Hostilité partagée:
L’hostilité devient donc franchement marquée, et s’accentue à mesure que l’état de la Palestine chrétienne s’aggrave. En effet en 1149-1150 les Turcs vainquent les forces franques à plusieurs reprises et la Cilicie arménienne en profite pour se révolter. Le Taurus byzantin est donc menacé. Manuel ne reste pas les bras ballants et opère une grande descente en Asie mineure, jusqu’à Antioche. Toutefois il ne l’occupe pas, préférant financer les états latins en tant que glacis protecteur de ses propres possessions. Bien sûr l’idée d’intégration n’est pas totalement abandonnée, en témoigne le mariage du roi Baudouin avec une nièce de Manuel. D’ailleurs rien ne dit que Manuel n’aurait pas continué plus avant… Toujours est-il qu’une révolte sur ses terres l’en empêche. C’est alors qu’il attaque Alep, qu’il épouse Marie d’Antioche en secondes noces (sa première femme, Berthe de Sulzbach étant décédée). Si Antioche est assurée par ces manœuvres, l’attaque conjointe de Damiette avec le royaume de Jérusalem est un échec en 1169. En 1176 l’empereur attaque le sultan seldjoukide d’Asie mineure seul : nouveau fiasco. Il est intéressant de noter que les textes byzantins présentent cela comme une croisade ! Ce point montre bien que Byzance est « contaminée » par les idées occidentales.
Sur un autre plan, la politique d’expansion de Manuel l’amène à s’engager du coté de l’Italie (la flotte byzantine connaît alors un dernier éclat on l’a dit), longtemps byzantine. Mais il échoue à Brindisi en 1156, d’où traité de paix durable en 1158.
Les croisades sont donc une conjonction intéressante pour Byzance. Leur résultat initial a été permis par les divisions entre les puissances musulmanes. Pour un temps les civilisations se mêlent en un curieux mélange. Il en sort une multiplication des échanges (mais aussi de la méfiance) entre l’Orient et l’Occident. C’est-à-dire qu’alors que l’empire se rapproche de l’Occident le mot antique d’hellène, qui désignait les Grecs, refait surface ( !)… Or, les Byzantins, qui ont toujours mis un point d’honneur à s’appeler « Romains » l’utilisent pour se différencier des germaniques… En somme l’empire redécouvre son coté grec. En parallèle, officiellement pour l’intérêt de la croisade, on demande déjà à Louis VII de prendre Constantinople. En fait cela arrivera accidentellement en 1204 et la ville fut pilée par les Latins, précipitant la chute de l’Empire. Finalement les croisades sont porteuses de guerres qui l’enfonceront.

L’Empereur Conrad III, document conservé à la bibliothèque royale de Bruxelles. Photo wikipedia.
Source: cours de licence donné par Vincent Déroche.
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