La République romaine de 1849 : l’intervention française

Les raisons de l’envoi de troupes françaises à Rome

Je l’ai rappelé à plusieurs reprises, cette histoire de la République romaine de 1849 doit se comprendre à une autre échelle que celle de l’unique Latium, et même de l’Italie. Ainsi, la France en est l’un des acteurs principaux ce qui, a priori, peut paraître incongru et nécessite une certaine explication. Il faut là revenir sur les événements révolutionnaires français d’un an plus tôt, ayant conduit à la fin de la monarchie de Juillet et à l’établissement d’une seconde République. D’abord libérale (dans le sens politique) et à gauche, elle prend un tour autrement plus conservateur à l’été 1848 après les « Journées de Juin ». L’élection de décembre 1848 amène au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier plébiscité par les électeurs, mais boudé par les parlementaires.

Ceux-ci siègent dans une Assemblée plutôt hostile au prince-président, et partagée entre divers courants, même si les conservateurs dominent. Or, si ne rien faire dans ce qui apparaît comme une crise européenne majeure semble dommageable à la France et à son prestige, c’est sur la nature de l’intervention que la Chambre se divise. Les conservateurs souhaiteraient plutôt un soutien au pape, comme l’Autriche est en train de l’organiser, alors que la gauche républicaine penche du côté de la jeune République Romaine. Tentant un compromis, le président du conseil des ministres Odilon Barrot, un modéré, propose l’envoi d’un corps expéditionnaire dont la mission sera de se positionner entre les républicains italiens et les troupes autrichiennes arrivant du Nord. Cette solution pourtant bancale est votée sans trop de difficultés et 14.000 hommes embarquent pour Rome. La France n’est pas le Royaume-Uni qui intervient rarement directement sur le continent à l’époque considérée, certaines exceptions faites (guerre de Crimée).

« O Roma O Morte », ossuaire de 1941 contenant les restes de combattants morts en 1849 et 1870 pour défendre puis s’emparer de Rome. Il se trouve sur le Janicule. Ce monument créé à l’époque fasciste nous renseigne aussi sur les usages de l’histoire par ce régime, dont la relation avec la geste garibaldienne est complexe. Photo de l’auteur (28 février 2022)

L’intervention du prince-président

Non sans rappeler de futures expéditions du Second Empire, largement improvisées et floues quant à leurs objectifs, cette arrivée des troupes françaises en Italie débute plutôt mal. Le but de la présence des soldats de la Seconde République n’est pas très clair, et ces hommes sont accueillis par des tirs italiens lorsqu’ils s’avancent vers Rome. Le président de la République décide alors de court-circuiter son gouvernement et leur ordonne clairement d’intervenir en faveur du pape et de rétablir l’ordre précédent.

C’est une décision difficile à expliquer, car elle émane d’un homme peu croyant et ayant lui-même combattu en Italie, pour son unité et contre le pape, près de vingt ans plus tôt. En fait, il faut plus y voir une partition politique qu’un changement personnel de croyances. Louis-Napoléon Bonaparte doit donner des gages à la France catholique et conservatrice, qui a contribué à l’élire, car elle voit en lui un garant de l’ordre. En conflit avec l’Assemblée qui n’aime pas qu’un Bonaparte soit au pouvoir, soit car les députés sont républicains, soit car ils sont monarchistes, il essaie de tirer son épingle du jeu avec sa propre politique. De plus, s’il soutient le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce n’est pas forcément sur un temps court, l’objectif peut être atteint différemment, plus lentement, par des voies détournées. Soutenir pour le moment le pape et penser à d’autres objectifs en parallèle, pour plus tard, n’est pas incompatible dans son esprit. Enfin, en agissant ainsi, il permet de sortir du flou initial et se présente comme un chef d’État ayant pris une décision ferme, capable de redonner du prestige à une France assez isolée sur la scène internationale. Il s’agit donc d’un entrelacs complexe où les différentes raisons se mêlent et se complètent plutôt que s’opposent.

Le résultat est plus lisible : l’armée française va assiéger Rome puis la prendre d’assaut, mettant fin à la République de 1849.

Bibliographie indicative :

-MILZA (Pierre), Garibaldi, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2014, 731 p.

-PECOUT (Gilles), Naissance de l’Italie contemporaine. 1770-1922, Paris, Armand Colin, 2004, 407 p.

-VILLARI (Lucio), Bella e perduta. L’Italia del Risorgimento, Roma-Bari, Laterza, 2009, 345 p.

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