La visite et la muséographie
Voici un album du très riche musée du Risorgimento à Milan :http://www.museodelrisorgimento.mi.it/
Gratuit, construit selon une progression chronologique classique et bien faite, avec une muséographie efficace, il revient sur une période fondamentale de l’histoire de l’Italie : sa longue marche vers l’unité. On appréciera la vision large, faisant intervenir de nombreux acteurs de cette époque, ainsi que les salles centrées sur Milan et, de manière globale, la richesse des objets montrés. De plus, le parcours commence aux prémices de l’unité, dans les années 1780-90, ce qui est une très bonne chose. Le grand rôle de la France est souligné, de manière neutre, sans parti pris, ce qu’on demande à tout musée un tant soi peu sérieux. On regrettera juste que les dernières annexions en 1918-19 n’aient pas été évoquées, et que les collections exposées soient surtout concentrées sur les principaux pays (Royaume de Piémont-Sardaigne, France, Autriche-Hongrie). Plus d’objets de Naples ou des grands duchés de l’Italie centrale auraient été intéressants.
Un aperçu des collections
Photos de l’auteur (5 mai 2022). Cliquez sur les images pour les voir en mode galerie sans que la légende ne gêne.
Le célèbre tableau d’Appiani « Napoléon empereur et roi d’Italie » (date imprécise). Le Nord de la Botte est en effet organisé en royaume largement contrôlé par la France, mais cela crée déjà un ferment d’unité.
Enseigne de drapeau militaire du royaume d’Italie, reprenant le lion de Saint-Marc.
Enseigne du 2e régiment d’infanterie du royaume d’Italie, sauvé pendant la retraite de Russie par le général Lechi. Les Italiens participèrent comme toute l’Europe napoléonienne à ce désastre.
Après 1815, le congrès de Vienne restaure l’ordre monarchique en Italie. La France en est évincée et les Habsbourg se réinstallent dans le nord de la péninsule. Giuseppe Sogni peint ici l’empereur d’Autriche Ferdinand Ier, régnant de 1835 à 1848. De mauvaise santé, il n’est pas l’homme de la situation. L’année 1848 voit de grandes révoltes secouer son Empire : https://antredustratege.com/2014/09/21/la-revolution-hongroise-de-1848-i-causes-et-declenchement/
Des patriotes italiens, des sociétés secrètes (carbonari) s’organisent alors pour secouer le joug autrichien. L’un des plus célèbres reste Giuseppe Mazzini, dont voici le bureau.
Groupement politique disposant d’un périodique du même nom, la « Giovine Italia » de Mazzini, fondée en 1831, est une organisation majeure de réflexion dans l’Italie des Habsbourg auxquels elle est opposée. Il est ainsi caractéristique que ce texte ait été publié à Marseille, pour éviter la censure.
Dans le sillage des troubles de 1847 et 1848, l’Italie connaît une première guerre d’indépendance. La Lombardie est particulièrement touchée, et Milan connait cinq fameuses journées de révolution (le cinque giornate) dont on voit ici un épisode peint par Carlo Bossoli en 1848. Les insurgés reçoivent de l’aide des populations locales et font reculer les Autrichiens. Notons le prêtre portant les couleurs de l’Italie, tricolore né à la fin du XVIIIe siècle.
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L’Italie centrale est également secouée. Le pouvoir temporel du pape est menacé. Le souverain pontife doit fuir et une République romaine est proclamée: https://antredustratege.com/2021/06/13/la-republique-romaine-de-1849-introduction/ Un épisode est ici montré par Filippo Vittori : un patriote italien, blessé à mort par les troupes françaises est porté par ses camarades.L’Italie centrale est également secouée. Le pouvoir temporel du pape est menacé. Le souverain pontife doit fuir et une République romaine est proclamée: https://antredustratege.com/2021/06/13/la-republique-romaine-de-1849-introduction/ Un épisode est ici montré par Filippo Vittori : un patriote italien, blessé à mort par les troupes françaises est porté par ses camarades.
Le célèbre Induno représente un bivouac des volontaires de la République Romaine (1849).
Après l’échec de cette République, écrasée par les troupes françaises, Garibaldi qui y a participé fuit vers le Nord. Son épouse en meurt, épuisée. Pietro Bouvier peint ici cet épisode douloureux en 1864.
Tableau de l’école d’Hayez représentant François-Joseph en 1850. Un portrait à la Winterhalter, où le jeune empereur qui émerge des troubles de 1848 est au centre, avec les attributs du pouvoir. Souverain au long règne, il sait s’adapter avec plus de finesse qu’on le dit aux changements, mais voit la perte de la plupart de ses possessions italiennes. Voir la superbe biographie que lui a consacré Jean-Paul Bled et les articles ici-même.
Après l’échec de la première guerre d’indépendance italienne, le Piémont-Sardaigne, royaume du Nord qui souhaite réaliser l’unité à son profit, se rapproche de la France de Napoléon III, sensible à la cause italienne. L’Empereur des Français à l’idée de suggérer la participation de cet État à la guerre de Crimée, pour se faire connaître sur la scène internationale. 18.000 hommes font partie de ce corps expéditionnaire. Le patriote milanais Landriani, volontaire, est ici blessé et capturé par les Russes. Tableau de Sebastiano de Albertie, sans date précise.
Autre célèbre Italien envoyé en Crimée, le général La Marmora, créateur des Bersagliers, unité d’élite. On le voit ici en pleine charge dans la bataille de Cernaia, sous le pinceau de Maggi (sans date précise). Il s’agit d’une vision héroïque assez conventionnelle.
Par la suite, dûement allié à la France, le Piémont-Sardaigne participe pleinement à la seconde guerre d’indépendance, en 1859. Les combats font rage en Lombardie (Magenta, Solferino..). Cet autre tableau de Girolamo Induno se concentre sur Magenta (toile de 1861).
Détail, infanterie et le général de Mac-Mahon, futur président de la République, à cheval.
Détail, troupes de l’armée française d’Afrique.
Autre immense toile (1861) de Giacomelli, montrant la bataille de San Martino près du lac de Garde. On se concentre ici sur les troupes piémontaises.
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Sculpteur italien inconnu, date inconnue, buste de Napoléon III, marbre de Carrare. L’Empereur est un personnage majeur de la construction de l’État italien, mais il est tiraillé entre sa volonté d’aide à l’Italie et le fait qu’il doit composer avec son opinion publique. Voir l’excellente biographie d’Eric Anceau.
De plus, le souverain français, présent sur les champs de bataille, n’aime pas les massacres. Il interrompt la guerre par l’armistice de Villafranca le 14 juillet 1859. L’Unité n’est pas complète, les Italiens sont déçus, comme le montre ce tableau de Domenico Induno (1862). Les réactions y sont bien visibles.
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Cette déception conduit Garibaldi et ses volontaires, les « Mille », à poursuivre l’unification en s’attaquant aux royaumes restants, notamment celui de Naples, le Piémont laissant faire pour récupérer les bénéfices de cette équipée. Gerolamo Induno montre leur départ pour la Sicile dans un tableau des plus classiques, personnages importants au centre, volontaires des « chemises rouges » et civils mêlés. Voir l’excellente biographie de Garibaldi de Pierre Milza.
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Toujours G. Induno, montrant le héros devant Capoue, où ses hommes remportent une éclatante victoire sur les troupes des Bourbons de Naples (toile de 1861).
Malgré ces succès, Garibaldi reste déçu. Il ne parvient pas à s’emparer de Rome, défendue par la France dont l’opinion catholique tient au maintien du pouvoir du pape. Mantegazza le portraiture ici réfugié sur son île de Caprera, dans un tableau postérieur qui insiste sur le côté héroïque de l’exil (1890).
En 1866, afin de détourner l’attention des Italiens de Rome, Napoléon III laisse le jeune royaume s’allier à la Prusse en guerre contre l’Autriche. Malgré les défaites (Custozza, Lissa), cette participation détourne des troupes du front principal et l’Italie s’agrandit de la Vénétie, restée autrichienne en 1859. G. Induno croque ici le départ des conscrits pour le front. Autorités civiles et militaires semblent unies dans un geste patriotique, autour du nouveau drapeau. Il s’agit bien sûr d’une vision idéalisée.
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L’entrée du roi Victor-Emmanuel II a lieu le 7 novembre 1866 à Venise. Le même Induno en laisse une vision officielle, avec l’accueil des autorités communales sur la place Saint-Marc.
Toutefois, Rome et le Latium restent aux mains du pape, protégé par les Français. L’Italie profite de la guerre de 1870 et du rappel des troupes françaises pour s’emparer de la ville éternelle par la force, comme le montre ce tableau de 1880 de Carlo Ademollo. L’entrée a lieu par la Porta Pia. Malgré la défense des « Zouaves pontificaux » venus de toute l’Europe protéger le souverain pontife, la victoire est sans appel. Le pape se retire dans la cité du Vatican et il faut attendre 1929 pour qu’une solution juridique pérenne soit trouvée.
Pour en savoir plus, une bibliographie indicative :
-ANCEAU (Éric), Napoléon III, Paris, Tallandier, coll. « Texto », 2012, 750 p.
-MILZA (Pierre), Garibaldi, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2014, 731 p.
-PECOUT (Gilles), Naissance de l’Italie contemporaine. 1770-1922, Paris, Armand Colin, 2004, 407 p.
-VILLARI (Lucio), Bella e perduta. L’Italia del Risorgimento, Roma-Bari, Laterza, 2009, 345 p.
Il y a d’autres musées sur la question, comme celui de Rome :
Museo centrale del Risorgimento, Rome