Les armes du soldat français en 1940: bilan et mise en perspective.

A l’heure de faire le bilan sur un sujet qui, je l’espère, vous aura intéressé, j’aimerais faire une conclusion qui est aussi une comparaison avec les matériels des autres grandes puissances en 1940. Pour les détails techniques et les performances des armes citées, reportez-vous aux articles précédents du dossier. Celui-ci est une synthèse-repère, je ne peux évidemment pas citer toutes les modifications et utilisations qui ont existé. 

Les armes de poing

Le constat paraît sans appel. La France a 11 armes de poing (5 revolvers et 6 pistolets), utilisant 3 munitions différentes (11mm, 8mm et 7.65mm). C’est beaucoup, d’autant plus que certaines armes sont anciennes (revolvers mle 1873 et 1874) et que les récentes sont trop peu nombreuses (PA 1935 A et S). De l’autre côté du Rhin, par contre, on utilise essentiellement les P08 et P38, soit deux armes (même s’il y eut des achats là aussi, comme la gamme des Astra et que le C96 est utilisé par certains officiers, non-réglementairement). Idem en URSS où le TT33 côtoie le vénérable mais robuste Nagant modèle 1895. Le succès est dans la limitation des modèles, pour des soucis logistiques et d’intendance.

Les fusils et mousquetons:

Le commentaire est le même: ils sont une dizaine et seul le MAS 36, ainsi que les modifications tardives et très coûteuses des Berthier et Lebel, est récent, notamment car utilisant une munition adaptée à la guerre contemporaine. C’est assez tragique, si l’on considère que l’Allemagne a à cette date le seul Kar 98k, version raccourcie en 1935 du fusil du conflit précédent (avec une version pour troupes de montagne, le G 33/40). C’est la même chose en URSS avec quelques armes seulement: le mosin-nagant 91/30 et sa version carabine (M38), ainsi que le SVT-40 semi-automatique… Autre chantier où la France a été pionnière et a perdu toute son avance du fait d’un conservatisme sclérosant. Les Britanniques, eux, rationalisent aussi leur armement avec les uniques Lee-Enfield Mark III et n°4. Au final, trop de dispersion, du matériel ancien et obsolète en grand nombre.

Les pistolets-mitraileurs

Est-il nécessaire d’enfoncer le clou? lls sont ridiculement peu nombreux et même pas tous de fabrication nationale (Suomi Kp-31, Erma-Vollmer, Thompson). Certes, l’URSS de l’époque a bien moins de PPD-38 et 40 (les ancêtres du fameux PPSh-41) qu’on le croit et tous les soldats allemands n’ont pas de MP38 ou 40, mais le retard face aux autres pays reste flagrant et dommageable aux performances générales. De plus, quelques unités comme les corps-francs monopolisent l’essentiel de ces matériels.

Une MG34 utilisée en DCA à Oslo en 1940. Crédit photo: historyofwar.org

Fusils-mitrailleurs et mitrailleuses:

Si le FM 24/29 est une excellente arme qui n’a rien à envier à ses rivales… Il est trop peu nombreux (il y a encore des Chauchats!) et la première partie du commentaire n’est pas la même pour les mitrailleuses françaises. Si la Saint-Etienne modèle 1907 est heureusement reléguée à l’arrière, la Hotchkiss 1914, puissante et robuste, est trop lourde et peu manœuvrable. N’oublions pas que, de l’autre côté, la MG34 s’utilise à la fois comme mitrailleuse légère, sur bipied, au plus près des combats, et comme mitrailleuse lourde, sur trépied, en défense par exemple. Cette maniabilité/dualité n’existe pas côté français. Quand à la bonne MAC 31, elle équipe surtout les blindés et les troupes de forteresse.

Les mortiers: 

Là, par contre ils sont bons, puissants, et copiés par plusieurs pays. Le Brandt de 81mm est même redoutable. Par contre le lance-grenade de 50 mm, tout à fait correct, est distribué à dose homéopathique et force à garder les vieux tromblons VB. Pas grand-chose à redire sur cette partie.

Au final l’armement du soldat français de 1939-1940 présente trois visages. Le premier est celui d’une l’accumulation excessive d’un matériel ancien, parfois très (il reste des chassepots du Second Empire modifiés et encore présents dans la garde des aérodromes je le rappelle) et donc inadapté à la guerre contemporaine telle qu’elle s’est faite en 1940. Le deuxième est celui d’occasions manquées, comme l’arrêt des fusils semi-automatiques tels que les FSA 17, 18 et le Meunier ou l’absence quasi chronique de pistolets et pistolets-mitrailleurs de qualité. Ils représentaient pourtant l’avenir… . Enfin, le dernier aspect est celui de la présence d’un matériel moderne et efficace (MAS 36, FM 24/29…) mais en nombre trop limité. La défaite de 1940 s’est aussi jouée avec tout ce qui vient de vous être décrit. 

Un PPD-40 dans la main d’un soldat soviétique défendant Leningrad. Il s’agit d’un film de propagande. Crédit photo: wikimedia.

Bibliographie:

-BELLEC (Olivier), 1940. Le soldat français, t.2, Equipement-Armement-Matériels, Paris, Histoire et Collections, 2010, 144 p.

-Nombreux hors-série du magazine 2e guerre mondiale. 

2 Réponses

  1. Article très intéressant. Notez que l’armée française utilise deux types de cartouches 7.65 mm, le 7.65 browning pour le ruby et le star et le 7.65 long pour la série des P1 1935. Ces deux cartouches ne sont en aucune manière interchangeables ce qui fait quatre types de munitions pour arme de poing en 1940.

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    1. Merci pour votre commentaire !

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