L’indépendance de la Belgique: III) Le dénouement final

Retour aux négociations

La trêve ramène les parties en présence sur la table des négociations de la conférence de Londres, toujours en cours. Si le roi des Pays-Bas a dû retirer son armée sous la pression des puissances, celle-ci a montré qu’elle avait de réelles capacités militaires. Fort de cet atout,  il se trouve en meilleure position que quelques mois auparavant. Les Belges, qui doivent leur salut à l’armée française et le savent, sont obligés de revoir leurs prétentions à la baisse, notamment territoriales. Ainsi, le Luxembourg et le Limbourg ne lui reviennent pas totalement comme espérés, mais seulement une partie. Les puissances décident que Maastricht demeure néerlandaise et que le reste du grand-duché soit toujours considéré comme une possession personnelle de Guillaume.

Les conditions économiques ne sont pas non plus aussi favorables qu’espérées et la Belgique, si elle voit confirmée son indépendance, doit accepter de rester pour toujours un État neutre. C’est le début d’un statut particulier source de nombreuses discussions et polémiques jusqu’en 1914, et même après. Si la position néerlandaise est bien meilleure qu’avant la campagne des Dix Jours, le souverain des Pays-Bas n’est toutefois pas satisfait. Il refuse d’accepter toutes ces propositions, réunies dans un traité dit des XXIV articles et qui doit être signé par les deux États pour rentrer en vigueur. Les débats aussi sont houleux en Belgique, où une partie des décideurs voudrait continuer la lutte pour les deux territoires disputés. À la fin de l’année 1831, les assemblées belges nouvellement créées -la Constitution belge de 1830 crée un État libéral, au sens politique du terme- acceptent toutefois de signer.

Le siège d’Anvers par Horace Vernet (1840). Il s’agit d’un tableau de 1840 fait par le grand peintre militaire Vernet. Réalisé à une époque où le pouvoir met en scène ses succès de cette manière (notamment). Logiquement, c’est donc l’armée française qui est représentée, on ne voit même pas l’adversaire. Le regard est attiré par le commandement, au centre. Image libre de droits conservée sur Wikipédia.

Guillaume finit par accepter l’indépendance

Reste à convaincre l’autre partie en présence, les Pays-Bas. Or, Guillaume a l’impression de vivre un véritable diktat (avant la lettre) et refuse de désarmer. Ses troupes occupent toujours Anvers et des forts sur l’Escaut, soumis à un blocus. Il ne veut pas admettre l’indépendance belge et traiter avec Léopold, en qui il ne voit pas un souverain. Alors que les boutefeux belges poussent encore à la conservation de la totalité du Limbourg et du Luxembourg, la conjonction des deux attitudes radicales pourrait déboucher sur une guerre européenne généralisée.

Londres veut éviter à tout prix cette éventualité et finit par se rallier à une solution de force mesurée: la prise de la citadelle d’Anvers pour forcer le roi des Pays-Bas à accepter les faits. Le siège victorieux est réalisé par les troupes françaises en novembre-décembre 1832, mais les autres fortifications ne sont pas concernées. La situation diplomatique comme militaire est passablement embrouillée… Une armée étrangère intervenant dans un pays en formation pour en chasser une autre armée, le tout sous l’œil des puissances !

Les combats restent étonnamment limités aux opérations décidées contre la grande ville de Flandre. L’embrasement général, dont personne ne veut, n’a pas lieu. Finalement, une convention signée en mai 1833 institue un statu quo appelé à durer. Les deux pays ne reprennent pas la guerre. Dans les années qui suivent, les opinions évoluent lentement et les tenants de la guerre finissent par s’y rallier. Il faut tout de même attendre 1838 pour que Guillaume Ier se décide à signer le traité, chose faite l’année suivante à Londres. La Belgique voit enfin être confirmée légalement son indépendance, après près de dix ans de guerres et de passes d’armes diplomatiques. D’autres traités signés dans les décennies suivantes précisent la frontière et aboutissent à un cadre général respecté jusqu’à l’invasion allemande de la Belgique en 1914, alors que ce pays était garant de sa neutralité (1).

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

La référence synthétique la plus scientifique et récente est l’indispensable Nouvelle histoire de Belgique. On pourra aussi se référer à l’étude du professeur Romain Yakemtchouk, qui analyse les choses sous l’angle franco-belge.

-WITTE (Els), Nouvelle histoire de Belgique. 1828-1847. La construction de la Belgique, Bruxelles, Le cri, 2017, 235 p.

-YAKEMTCHOUK (Romain), La Belgique et la France. Amitiés et rivalités, Paris, L’Harmattan, 2010, 297 p.

(1) Les articles sur la Belgique en 14-18 : Ici .

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