Le calme revenu, François-Joseph, le nouvel empereur, monté sur le trône à la faveur des évènements révolutionnaires, est en droit de s’interroger. Si l’armée est restée fidèle et qu’elle a sauvé l’Empire (Radetsky le dit clairement à ses soldats), elle n’en a pas moins accusé le coup, a dû se battre sur deux fronts et n’a dû son salut qu’avec l’aide des Russes, qui se comportent comme les vrais vainqueurs dans l’affaire. Or, François-Joseph est un homme que l’armée intéresse, il a reçu une éducation en ce sens. De plus, il est dans les jeunes années de son règne, généralement les plus fécondes, là où l’on ose le plus avant que l’âge ne tempère. Nous sommes donc en droit de penser que de 1848 à 1859 il aurait eu le temps de reforger son outil…
Toutefois il faut aussi bien avoir conscience qu’à l’instar du tsar, l’empereur d’Autriche est un homme de principes, de légitimité, un champion de l’ordre et de la lutte contre les idéaux véhiculés depuis la Révolution Française. Souverain d’un ensemble mêlant plus d’une dizaine de peuples hétéroclites, des portes de l’Allemagne à la Roumanie, il ne peut se permettre d’être autrement, juge-t-il.
C’est pourquoi sa première période de règne (1848-1859) est dite « néo-absolutiste », ce qui est assez éloquent. Ainsi, tout ceci se reflète sur l’institution militaire: les officiers sont pétris de ces idées. D’ailleurs, l’armée opère encore des opérations de maintien de l’ordre, comme on les nommerait aujourd’hui: l’état de siège demeure actif jusqu’à la fin 1853 à Vienne ou Prague, et mi-1854 en Transylvanie. La capitale reçoit un dispositif renforcé pour pouvoir mieux lutter contre de futurs troubles et les régiments ne se privent pas de défiler dans la ville. François-Joseph entend se mêler de près aux affaires militaires. Ainsi, il supprime le ministère de la guerre, né de la révolution de 1848, en 1853 et exerce pleinement son autorité à travers sa chancellerie militaire. Ce faisant, il étouffe la création d’institutions modernes comme un grand-quartier général et ouvre la voie au clientélisme: il s’agit de plaire au comte Grünne (qui dirige l’ensemble et n’a jamais commandé sur le terrain).

François-Joseph en 1853 (image trouvée sur wiki).
Homme tourné vers les grands principes du passé, l’empereur entend surtout que ses troupes et officiers lui soient unis par des liens de fidélité quasi féodaux. Si c’est entretenir là un haut niveau de moralité au sein de l’armée, cela ne forme pas aux nouvelles réalités de la guerre, liées dorénavant aux progrès de la Révolution Industrielle. D’ailleurs, si le souverain se pique de commander, il n’est pas un grand stratège et, dessillé, ne s’y risqua plus après l’épisode de la guerre d’Italie. Nombre d’officiers sont placés car ils sont bien vus en cour, mais leur qualités de stratège sont pauvres: le remplaçant du vieux Radetsky, mort en 1858 à 91 ans, en est la meilleure illustration (voir articles sur la guerre de 1859): il s’avéra être un incapable. L’armement aussi est en retard et cela se fit sentir en 1859 où l’artillerie française surclasse celle des Autrichiens. Même commentaire en 1866 quand le fusil Dreyse dépasse de loin l’équivalent des habits blancs. En bref, l’armée autrichienne semble plus être dirigée par des guerriers, des courtisans que des soldats. Cette ambiance n’est pas sans rappeler celle que je décrivais pour la France de la même époque, ici:
A noter que l’industrialisation seulement partielle du pays, son étendue, son caractère hétéroclite et les difficultés budgétaires n’ont pas arrangé l’ensemble.
Source: Bled (Jean-Paul), François-Joseph, Paris, Tempus, 2011, 853 p.
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