Le Maroc en 1844
Au XVIII-XIXe siècle le pays demeure donc indépendant (voir article précédent). Il faut dire que Londres y veille. En effet il y a d’une part Gibraltar juste en face (sur la direction de la route des Indes, on passe à pied sec à Suez en l’absence de canal) et de l’autre le pays est un marché réel: les Britanniques y expédient leurs productions textiles, des métaux et même du sucre et du thé. En effet, ces produits n’ont pas encore le caractère ritualisé qu’ils ont aujourd’hui, on commence seulement à les consommer en grande quantité et les Arabes ont plus l’habitude du café qui vient de Moka. Enfin, quelques caravanes se dirigent du Maroc vers l’Afrique noire. C’est peu important, mais existe tout de même. Les Anglais ne veulent ni l’envahir, ni que les autres le fassent à leur place. En 1830 les Français n’ont guère de soucis diplomatiques avec le Maroc, lequel est même plutôt content d’être débarrassé des Turcs voisins (ils contrôlaient l’Algérie par le biais d’une régence). Hors une tentative d’agrandissement en direction de Tlemcen, il n’y eut pas de frictions.
La marche vers la guerre:
Ce qui complique les choses, c’est la position d’Abd el-Kader, réfugié dans le pays après ses échecs face aux Français (la prise de sa smala l’an passé par exemple, liens plus bas). De là se pose la question du « droit de suite : les français peuvent-ils le poursuivre là-bas? Juridiquement Paris veut bien que le sultan le reçoive, mais s’il est interné et non qu’il utilise ses terres comme d’une base arrière. Car l’émir a même reformé un camp (de moindre envergure que la smala, certes): la deïra. Or, si l’empereur chérifien ne veut pas de guerre avec la France, il ne peut se résoudre à traiter Abd el-kader comme un ennemi. D’ailleurs les élites de son pays lui sont favorables. Mais si l’ire des français serait terrible, plusieurs dynasties sont tombées dans le passé, pour n’avoir agi vigoureusement contre des menaces extérieures. Il y va donc de sa crédibilité. Ainsi, en 1844, des incidents de frontière éclatent autour du poste français de Lalla-Maghnia. Situé à seulement 25 kilomètres de la ville d’Oujda, il comporte une importante garnison et sa présence est vécue comme une menace. Soldats français et guerriers marocains s’accrochent à plusieurs reprises. On juge alors en haut lieu qu’il faut faire une démonstration de force pour impressionner le Maroc et l’amener à entendre raison.

Le prince de Joinville, le plus marin des fils de Louis-Philippe. Il vint chercher Napoléon pour le ramener à Paris en 1840. Crédits photo: Wikipédia.
D’une part une colonne est placée sous le commandement de Bugeaud, et d’autre part une escadre opère sous les ordres de Joinville, le troisième fils du roi Louis-Philippe et le marin de la famille. Le but n’est pas de conquérir le pays, Londres ne verrait pas cela d’un bon œil (en pleine entente cordiale-la première- d’ailleurs, ce serait du plus mauvais effet)… En fait il s’agit « juste » d’abattre la prétention des Marocains qui se considèrent comme une puissance militaire non négligeable. En effet le pays a jusque là réussi à se défendre avec succès contre les envahisseurs, ce qui ne le rend pas des plus enclins à la négociation.
Bibliographie:
-Cours de master (Paris-IV).
Pour en savoir plus:
Frémeaux (Jacques), La France et l’Algérie en guerre, 1830-1870, 1954-1962, Paris, Economica, 2002, 365 p.
Les articles sur la prise de la smala:
https://antredustratege.com/2013/09/06/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-i-sur-iii/
https://antredustratege.com/2013/09/07/la-prise-de-la-smala-dabd-el-kader-le-16-mai-1843-ii-sur-iii/
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Très intéressant, merci.
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