La bataille de Caporetto: IV) La retraite se mue en déroute

La rupture du front

Nous l’avons vu la dernière fois, l’ordre de repli général ne se traduit pas par une retraite en bon ordre. Cadorna lui-même abandonne Udine le 27, pour se replier avec tout le commandement à Trévise, soit cent kilomètres en arrière. Et ce sans laisser aucune structure, même provisoire derrière lui. L’effet produit est désastreux et les clichés que la mémoire collective italienne conservent ont une base bien réelle de vérité.

Ainsi, le front se rompt rapidement et la retraite se transforme en déroute. Si les morts militaires ne sont « que » 40.000, l’historien Giorgio Rochat donne des chiffres éloquents: 280.000 prisonniers, 350.000 soldats débandés, sans unité. Le matériel abandonné est précieux: plus de 3000 canons, autant de mitrailleuses, sans compter la nourriture et le reste. Heureusement, certains officiers plus énergiques et volontaires que les autres ont localement sauvé la situation. Cela a permis à des unités entières de rejoindre les nouvelles lignes en bon ordre… en emportant, difficilement certes, avec elles leurs vivres et leur équipement. Preuve, s’il en est, que cette déroute n’obéit pas à une fatalité, mais est la résultante de plusieurs causes.

Notons enfin que la retraite-déroute perturbe toutes les unités de l’arrière: logistique, services de santé et de transports. Ce sont souvent des grands oubliés des études, avec la fuite de 400.000 civils, car ce personnel n’est pas combattant, mais sans eux, pas de guerre. Au final, malgré une confusion très intense qui empêche de décrire tous les mouvements de troupes, c’est une armée en mauvais état qui rejoint les nouvelles lignes de défense, le long du Tagliamento.

Grenades à main allemandes trouvées sur le champ de bataille. Musée de Caporetto (Slovénie). Photo de l’auteur (avril 2019). https://www.kobariski-muzej.si/it/

La forteresse austro-hongroise Kluže dans la vallée de l’Isonzo. Elle a été soumise à d’intenses tirs de l’artillerie italienne. Photo de l’auteur (avril 2019), musée de Caporetto. Le site peut se visiter: https://www.soca-valley.com/it/attrazioni/prima-guerra-mondiale/kluze-%20-fort-herman/

Un intérieur d’abri de tranchée italien, reconstitué au musée de Cividale. Photo de l’auteur (avril 2019). https://www.cividale.com/it/museo_della_grande_guerra

Une poursuite des austro-allemands ? 

Le grand absent de ce récit semble bien être l’armée austro-allemande ! Pourquoi n’en avons-nous que peu parlé depuis l’évocation du début de l’offensive ? Pour une raison assez simple: leur attaque perd très vite de sa vigueur après les premiers jours de combat. On a rappelé à plusieurs reprises que Caporetto devait être une action limitée, et les commandants austro-hongrois et allemands ne sont pas préparés à un tel succès.

Les ordres manquent, les troupes et le matériel aussi. Les divisions impériales n’ont pas la capacité de poursuivre très rapidement leurs homologues italiennes, et beaucoup sont occupées à compléter leurs propres fournitures avec le matériel laissé par l’ennemi. Si Cadorna est incapable de retrouver un semblant de contrôle sur ses forces durant la retraite, il est en partie sauvé par cela. Ainsi, les troupes de l’Alliance ne parviennent pas à empêcher le gros des forces italiennes de franchir le Tagliamento. Ainsi, malgré la terrible réputation qu’a la bataille de Caporetto, elle ne signifie pas l’écroulement de l’Italie, ce qu’on a trop tendance à oublier. J’aurai l’occasion de revenir sur ses conséquences et sa mémoire par la suite.

Bibliographie consultée (sans but d’exhaustivité):

L’essentiel des livres est sans surprise en italien. Je conseille la lecture de Giorgio Rochat à ceux qui maîtrisent cette langue, il est très facile d’accès, plus que son collège Isnenghi à mon sens (voir qui a écrit quel chapitre en table des matières). Le deuxième livre est une histoire-bataille à l’ancienne, fouillée, bien illustrée et coordonnée par le service historique militaire italien.

-ISNENGHI (Mario) et ROCHAT (Giorgio), La grande guerra, Bologne, Il mulino, 2014 (4e édition), 586 p.

-GASPARI (Paolo), « La battaglia di Caporetto il 24 ottobre 1917 » dans La grande guerra italiana. Le battaglie, Udine, Gaspari, 2015, 255 p.

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